Les Républicains ne sont pas hostiles, par nature, aux accords de libre-échange. Le commerce international et l'abaissement des barrières douanières ont permis d'éradiquer, dans notre pays et dans une partie importante du monde, l'extrême pauvreté en créant de la croissance et des emplois, et en permettant à l'ascenseur social de fonctionner comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Je crois, néanmoins, que ce modèle de développement atteint désormais ses limites. Le libre-échange ne peut plus être une doctrine en soi. Les avantages comparatifs ne sont plus suffisants aux yeux des Français. Le libre-échange sans limite a aussi multiplié les friches industrielles et commerciales à mesure qu'il fragilisait nos sociétés. Nous ne voulons pas que l'agriculture, avec ses hommes, ses productions, ses traditions et ses paysages, soit demain un secteur de notre économie sacrifié au nom d'un libéralisme sans barrière ni régulation.
Le CETA est un bon accord commercial du XXe siècle, mais c'est un mauvais accord du XXIe siècle, car le prix ne fait plus tout : nous devons imaginer les nouvelles règles du jeu du libre-échange en garantissant une réciprocité totale en matière commerciale, sanitaire, sociale et environnementale.
La demande du groupe Les Républicains est simple : il faut rouvrir la discussion sur la viande bovine. Sinon, nous serons contraints de voter majoritairement contre ce traité. Avec le CETA aujourd'hui, l'accord avec le Mercosur demain et ensuite celui avec la Nouvelle-Zélande, qui mettra à mal la filière laitière, l'agriculture est à chaque fois utilisée comme monnaie d'échange par l'Union européenne dans le cadre de ses traités de libre-échange.
Ce n'est plus tolérable alors que la balance commerciale de l'agriculture française se détériore année après année : l'excédent agricole français a été divisé par deux, en euros courants, entre 2011 et 2017. Si cet excédent existe encore, ce n'est plus que grâce aux vins et aux spiritueux et, même avec eux, il sera négatif en 2023.
Nous tirons le signal d'alarme. Nous demandons de ne pas importer l'agriculture que nous ne voulons pas chez nous et que les Français ne souhaitent pas pour leur consommation. En ce qui concerne le boeuf canadien, le compte n'y est pas. Le Gouvernement ment lorsqu'il explique qu'il y aura peu d'impact sur la filière bovine, vu les quantités. Les Canadiens auront un contingent de 67 500 tonnes de viande de boeuf, qui sera principalement de l'aloyau, car celui-ci est peu consommé sur place. Cela percutera les filières de qualité françaises puisque ce contingent représente 17 % de l'aloyau consommé en Europe et qu'un tiers des vaches à viande européennes sont françaises.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas accepter le manque de traçabilité. Les Canadiens assurent celle-ci par lots de plusieurs milliers de têtes alors que nous le faisons par animal, dans des élevages à taille humaine. Au Canada, les animaux peuvent être nourris avec des farines animales et dopés aux antibiotiques et aux hormones de croissance, qui sont indétectables sur une carcasse, alors que ce n'est pas le cas pour les animaux européens.
Nous serons dans l'incapacité de garantir une traçabilité absolue pour les consommateurs, alors que jusqu'à 25 % des produits importés en France ne respectent pas les normes imposées à nos producteurs. Demain, seuls 10 % des produits importés dans le cadre du CETA pourraient être contrôlés. Cela va totalement à contre-courant de ce que prévoit l'article 44 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite EGALIM.
La volonté des Canadiens est claire : ils viennent de porter plainte contre l'Union européenne devant l'OMC, le 4 juillet dernier, pour application de barrières non tarifaires dans le secteur agricole, en particulier dans le domaine des produits phytosanitaires. Les deux tiers des produits autorisés dans ce domaine au Canada sont interdits en France.
En l'absence d'avancées pour la filière bovine, mon groupe votera majoritairement contre ce texte.