Le projet de loi que nous examinons comporte deux grands volets. Le premier s'inscrit dans le prolongement de la loi sur l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris, que nous avons adoptée l'an dernier, et a notamment pour objet la ratification d'une ordonnance sur les voies réservées pendant les Jeux.
Le second volet définit le cadre juridique dans lequel s'inscrit l'Agence nationale du sport. La création de cette agence, qui associe l'État, le mouvement sportif, les collectivités locales et les acteurs économiques, participe de la réforme nécessaire et attendue de la gouvernance du sport ; elle intervient à l'issue de travaux de concertation engagés dès 2018. L'Agence se voit attribuer, dans le cadre d'une gouvernance collégiale et partagée par l'ensemble des parties prenantes des politiques sportives, la double mission de développer l'accès à la pratique sportive et de favoriser le sport de haut niveau.
Créée sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), dont la convention constitutive a été approuvée par arrêté en avril dernier, elle s'est réunie pour la première fois le 24 avril. Néanmoins, suite aux observations formulées par le Conseil d'État, il est apparu nécessaire de recourir à la loi afin de définir la manière dont ses missions s'inscrivent dans le cadre de la stratégie sportive définie par l'État et dont celui-ci exerce son contrôle. De surcroît, les modalités de financement de l'Agence s'éloignant du régime de droit commun des GIP, il convient de prévoir des dispositions législatives spécifiques.
Dans un souci d'efficacité et de sécurisation juridique, les dispositions concernant l'Agence ont été intégrées dans ce projet de loi de ratification. Certes, nous en avons tous conscience, le délai d'examen de ce texte est relativement contraint, mais ce dernier offre au Parlement l'occasion de prendre part à la réforme de la gouvernance sportive, ce qui est plus que bienvenu. En effet, disons-le franchement, les parlementaires n'ont pas été associés aux travaux de concertation engagés en 2018 ni à la préparation de la réforme, si ce n'est lors de l'adoption, en loi de finances, d'un amendement tendant à flécher les taxes affectées jusqu'alors au Centre national pour le développement du sport (CNDS) vers l'Agence. L'examen de ce projet de loi nous permet de remédier à cette situation, en complétant et en aménageant la réforme qui nous est proposée.
Lors de l'examen du texte en première lecture, le Sénat l'a ainsi largement enrichi, en y ajoutant notamment un nouveau volet consacré à l'organisation territoriale de la gouvernance sportive. Il s'agit d'un enjeu essentiel de la réforme, qui doit permettre de placer les acteurs locaux au coeur des décisions et se traduire par une gestion au plus près des territoires et des habitants. Il me semble, à l'issue des auditions, que le dispositif proposé répond aux attentes des acteurs locaux et va dans le bon sens ; ces derniers ont d'ailleurs tous insisté sur la nécessité de laisser de la souplesse aux parties prenantes afin de tenir compte des situations territoriales et de ne pas définir un cadre figé. D'autres dispositions introduites par le Sénat tendent à renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur l'Agence ; là encore, ces mesures complètent utilement le texte.
L'article 1er, qui vise à ratifier l'ordonnance du 20 mars dernier sur les voies réservées pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, illustre la volonté du Gouvernement d'assurer leur organisation dans les meilleures conditions et les meilleurs délais. Les voies réservées doivent, en effet, permettre une circulation fluide et sécurisée des véhicules accrédités et des véhicules de secours. Cette mesure est donc essentielle au bon déroulement des JOP, que ce soit pour assurer la sécurité ou pour garantir une circulation des athlètes la plus facile possible entre le village olympique et les sites de compétition. Les Jeux Olympiques de 2016 à Rio, qui ont été une sorte de contre-exemple à cet égard, témoignent de l'importance de cette question logistique.
L'ordonnance étend également de manière ponctuelle et encadrée les pouvoirs de police de la circulation au bénéfice des autorités étatiques, non seulement sur ces voies réservées mais aussi sur les voies de délestage et celles qui concourent au déroulement des JOP.
L'article 2, dont la portée est assez technique, vise à harmoniser le régime contentieux des actes afférents à des opérations d'urbanisme liées à la préparation des JOP. Que ces actes soient contestés par un particulier ou dans le cadre d'un déféré préfectoral, la cour administrative d'appel sera compétente en premier et dernier ressort, le Conseil d'État restant compétent pour les recours en cassation. Le Sénat a proposé une nouvelle rédaction de cet article pour éviter une référence, en effet assez inhabituelle, à un texte réglementaire, mais cette rédaction soulève quelques difficultés. Aussi, je vous proposerai de revenir au texte initial.
L'article 3 a pour objet, quant à lui, d'introduire dans le code du sport plusieurs articles portant spécifiquement sur l'Agence nationale du sport.
Ainsi l'article L. 112-10 définit les missions de l'Agence, en précisant qu'elle les exerce dans le cadre d'une convention d'objectifs conclue avec l'État. Par ailleurs, l'Agence est soumise au contrôle d'un commissaire du Gouvernement et au contrôle économique et financier de l'État.
Est également inscrit dans la loi le fait que l'Agence prend la forme d'un groupement d'intérêt public. Le statut de GIP est en effet apparu comme le plus adapté dans la mesure où il permet une prise de décision collégiale, facilite les apports en moyens et en personnels et offre une plus grande souplesse de fonctionnement.
La convention constitutive de l'Agence stipule que les droits de vote sont répartis entre les quatre collèges – État, mouvement sportif, collectivités locales, acteurs économiques – à hauteur de 30 % pour les trois premiers et de 10 % pour le dernier. Cependant, une pondération différente s'applique pour les sujets relatifs à la haute performance : dans ce cas, les droits de vote de l'État sont doublés, pour atteindre 60 %. Celui-ci bénéficie également d'une sorte de droit de veto plus général, puisque la convention prévoit qu'à sa demande, un projet de délibération ou de décision est soumis à son avis conforme dès lors que « la question soulevée est susceptible de mettre gravement en jeu les intérêts de l'État ».
Par ailleurs, le texte prévoit que l'Agence perçoit les taxes affectées dont bénéficiait auparavant le CNDS, soit la taxe sur les recettes de la Française des Jeux, la taxe sur les paris sportifs et la « taxe Buffet ».
Enfin, l'Agence nationale du sport est soumise au contrôle de l'Agence française anticorruption, créée en 2016 par la loi Sapin II, et ses dirigeants – président, directeur général et responsable de la haute performance – sont soumis à l'obligation d'adresser à la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration d'intérêts et de situation patrimoniale. Ces dispositions traduisent l'engagement d'assurer la transparence et l'éthique dans le monde du sport et constituent le pendant de celles prévues pour le Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) et la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) dans la loi de 2018 sur l'organisation des JOP.
Comme je l'ai indiqué, le Sénat a complété substantiellement le texte qui lui était proposé. Outre quelques aménagements concernant les missions de l'Agence et ses ressources, il a renforcé le contrôle et l'association du Parlement, jusqu'alors insuffisants, en adoptant deux dispositions visant, d'une part, à désigner au sein du conseil d'administration de l'Agence, qui compte vingt membres, deux députés et deux sénateurs ayant voix consultative, d'autre part, à définir les contours de la convention d'objectifs conclue entre l'Agence et l'État et à associer le Parlement à son élaboration en posant notamment le principe selon lequel les dirigeants de l'Agence présentent, chaque année, aux commissions des affaires culturelles et des finances un rapport sur l'exécution de cette convention.
Ces dispositions me paraissent fort bienvenues, même si je vous proposerai d'alléger quelque peu les procédures d'examen de la convention d'objectifs. Par ailleurs, il me semble utile de préciser que le conseil d'administration de l'Agence favorise la parité – cette précision, qui avait été adoptée en commission, ayant ensuite été supprimée en séance publique.
En deuxième lieu, le Sénat a introduit deux nouveaux articles définissant le cadre général de la gouvernance territoriale du sport, qui s'articulerait, dans chaque région, autour d'une conférence régionale du sport et d'une ou plusieurs conférences des financeurs. La conférence régionale du sport fonctionnerait selon les mêmes principes de gouvernance collégiale et concertée que l'Agence, en réunissant, là encore, l'État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques, et elle aurait pour mission d'établir un projet sportif territorial.
Je vous propose de conserver l'architecture globale proposée par le Sénat tout en y apportant quelques aménagements, notamment sur les modalités d'élection des présidents de ces conférences, qui doivent être à mon sens les plus ouvertes possible.
Enfin, le Sénat a ajouté dans le code du sport un nouvel article qui vise à confier à l'Agence la responsabilité d'affecter les conseillers techniques sportifs (CTS) auprès des fédérations et de veiller à leur formation. Cette disposition a suscité l'opposition unanime des personnes que j'ai auditionnées, ne serait-ce que parce que l'Agence n'a ni la vocation ni les moyens, à ce stade, d'assurer de telles missions. De plus, la ministre des sports vient d'engager sur le sujet une concertation dont cet article viendrait préjuger de l'issue. C'est pourquoi j'ai déposé, à l'instar de plusieurs d'entre vous et du Gouvernement lui-même, un amendement tendant à supprimer cette disposition.
Enfin, le projet de loi a été complété, à l'initiative du Gouvernement, par un nouvel article 4 qui vise à aménager les dispositions de la loi de 2018 sur l'organisation des JOP relatives aux conditions de sélection des partenaires marketing dits « domestiques » du COJOP.
Pour conclure cette présentation, je veux insister sur le fait que la création de l'Agence nationale du sport doit être interprétée, non pas comme un désengagement de l'État, mais bien comme la volonté de partager les décisions avec les acteurs des politiques sportives, au plus près des situations locales. De fait, l'État définit le cadre des politiques publiques du sport et apporte une contribution essentielle à leur déploiement dans l'ensemble des territoires pour assurer l'accès de toutes et de tous aux pratiques sportives et développer le sport de haut niveau. C'est d'ailleurs son représentant qui sera le délégué territorial de l'Agence dans les régions.
Compte tenu de son rôle en matière de santé publique, d'éducation, de lien social et de vivre ensemble – cette liste n'est pas exhaustive –, le sport constitue une politique publique essentielle, ce qui implique que des moyens budgétaires suffisants y soient consacrés. À cet égard, il nous faudra veiller au maintien des crédits qui seront alloués à l'Agence et au ministère des sports au cours des prochaines années.
Au terme des auditions, j'ai le sentiment que les différents acteurs des politiques sportives, y compris ceux qui avaient initialement émis des réserves sur certains aspects de la réforme, souhaitent désormais faire fonctionner au mieux ce nouveau modèle sportif partenarial, s'approprier les outils créés et aller de l'avant. L'échéance des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 approche à grands pas – les Jeux de Tokyo vont se dérouler dans une année exactement. Il nous appartient donc de parachever le cadre juridique de l'Agence dans les meilleurs délais pour pouvoir préparer au mieux ces événements sportifs exceptionnels.