Nous aurions tous préféré examiner, ce matin, un projet de loi « Sport et société », c'est-à-dire une deuxième loi olympique qui permette de construire un héritage pour les Jeux de Paris 2024 et de donner un contenu, en termes de politique publique, au bel objectif d'augmenter de 3 millions le nombre des pratiquants d'ici à 2024. J'espère donc que les engagements seront tenus, même si j'ai quelques doutes à ce sujet, et que nous pourrons légiférer rapidement, dans le courant du premier trimestre 2020, car certaines des dispositions attendues devront produire des effets, c'est-à-dire un héritage sportif et territorial, avant même les Jeux de 2024.
Les articles qui ont trait à la ratification des ordonnances sur les voies olympiques n'appellent pas de remarques particulières de notre part. En revanche, je ferai quelques observations sur la création de l'Agence nationale du sport. L'objectif énoncé par le Gouvernement est de créer un nouveau modèle sportif français, mais celui-ci suscite de nombreuses questions. Ainsi, ces derniers mois, le Conseil d'État a rappelé, dans des avis successifs, que la robustesse juridique du dispositif, notamment sa sécurité, suscitait de sérieuses interrogations.
Ce dispositif est, de fait, baroque et un peu hasardeux. Baroque, dans la mesure où l'on a choisi de donner à l'Agence la forme d'un groupement d'intérêt public. En effet, je le rappelle, une telle structure n'a pas vocation à être pérenne. Le Conseil d'État estime ainsi que l'Agence nationale du sport ne saurait être pérenne sous cette forme-là. En outre, l'ensemble des membres d'une structure de ce type doivent en principe participer à son financement. Or, en l'état actuel des choses, seul l'État y contribue.
Ensuite, le modèle de l'Agence est hasardeux. En effet, il est indiqué, dans l'étude d'impact du projet de loi, que tous les pays ayant confié la mission d'améliorer la performance de leurs athlètes à une organisation autonome – Royaume-Uni, Norvège, Canada – avaient vu leurs performances aux Jeux progresser significativement, tandis que toutes les nations ayant conservé un système organiquement étatique – modèle qui a été qualifié tout à l'heure d'obsolète, ce sur quoi je ne suis pas tout à fait d'accord – reculent dans les classements. Cette affirmation, je le dis, est très discutable et mériterait d'être étayée par une étude d'impact beaucoup plus poussée.
En tout cas, vous l'avez compris, la création de l'Agence nationale du sport intervient dans un contexte très incertain. Je pense notamment à l'effacement programmé du ministère chargé des sports et au climat d'incertitude qui pèse depuis neuf mois sur le statut des 1 600 conseillers techniques sportifs. En la matière, le baroque a atteint des sommets au Sénat, puisque le rapporteur a souhaité confier la gestion, l'évaluation et l'affectation de ces CTS au manageur de la haute performance de l'Agence nationale du sport. Or, je le rappelle, la moitié d'entre eux s'occupent du sport pour tous, et non de la haute performance.
Au-delà des CTS, on assiste, madame la ministre, à une profonde modification de l'administration centrale et de l'organisation territoriale de vos services déconcentrés, qui sont pourtant les interlocuteurs et les relais naturels dans les territoires de l'Agence nationale du sport.
Compte tenu de ces nombreuses incertitudes et en l'absence d'un contrôle étroit du Parlement – nous y reviendrons dans la discussion des amendements –, vous comprendrez qu'il est très difficile au groupe Socialistes et apparentés de voter, en l'état, un texte élaboré dans la précipitation et une certaine improvisation.