Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du jeudi 28 septembre 2017 à 9h30
Commission des affaires européennes

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des Affaires européennes :

L'enjeu des surtranspositions des directives européennes dans notre droit national est désormais bien appréhendé. Elles peuvent entraîner des charges administratives, des réglementations excessives ou des désavantages dans la compétition des entreprises au sein du Marché intérieur. Elles n'ont pas toujours été identifiées comme telles par le passé, par exemple lorsqu'une norme préexistait dans le droit français à la transposition de la directive. Une circulaire du premier ministre du 26 juillet 2017 proscrit désormais cette démarche juridique, sauf si un arbitrage de lui-même ou de son Cabinet l'autorise après due justification. Le SGAE, avec le Secrétariat général du Gouvernement, dans leur mission de suivi des transpositions, sont amenés à vérifier la bonne application de cette règle par les départements ministériels, ce qui suppose d'être précis sur la définition d'une surtransposition, ainsi que sur les motifs qui peuvent à titre exceptionnel y amener, et d'exploiter scrupuleusement les outils dont nous disposons pour le suivi des transpositions afin d'éviter toute surtransposition non délibérée. Ce travail, qui porte sur le « flux » de textes destinés à être transposés, est complété par un chantier plus large encore, consistant à réexaminer le « stock » de textes législatifs ou réglementaires déjà en vigueur qui peuvent receler des surtranspositions. Une mission rassemblant plusieurs corps d'inspection est chargée de recenser ces textes, puis de proposer une méthode pour revenir en priorité sur les surtranspositions les plus pénalisantes.

Concernant le rôle que peut jouer l'Union européenne pour le développement inclusif et les quartiers sensibles, même si en la matière la responsabilité est d'abord nationale en application du principe de subsidiarité, l'Union n'est pas restée inactive pour favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les États membres et soutenir des projets en faveur de populations en difficulté. Le Fonds social européen (FSE) y apporte une contribution importante. D'autres initiatives ont été prises plus récemment, comme l'Initiative emploi des jeunes, qui a permis à la « Garantie jeunes » de se développer au bénéfice des jeunes sans formation, emploi ou stage.

Ces moyens, et de manière générale le soutien au développement du capital humain, seront discutés dans la préparation du sujet du futur cadre financier pluriannuel, par la redéfinition du FSE et des autres fonds existants, comme le fonds d'ajustement à la mondialisation, le fonds d'aide aux plus démunis ou donc l'Initiative emploi des jeunes. Le Président de la République a également proposé un programme soutenant l'intégration des réfugiés, enjeu qui a pris une importance nouvelle ces dernières années au niveau européen.

Pour répondre à M. Le Fur au sujet de la crise laitière, il s'agit là d'un sujet emblématique des faiblesses des dispositifs actuels, qui peinent à répondre efficacement aux aléas du marché. Il aura ainsi fallu des mois pour obtenir un accord sur l'activation du mécanisme prévu dans l'Organisation commune de marché (article 222 de l'OCM) pour limiter temporairement la production et faire remonter les prix. Le renouvellement de la PAC devra être l'occasion de renforcer les mécanismes de résilience aux crises conjoncturelles. La France fera des propositions en ce sens.

Concernant le glyphosate, le Premier ministre vient de demander aux ministères concernés de proposer un plan de sortie avec des solutions alternatives permettant d'éviter de recourir à cette substance chimique très utilisée actuellement par les agriculteurs. Cette question révèle aussi une défiance des citoyens européens à l'égard de l'évaluation scientifique menée au niveau européen. Pour diverses raisons, l'expertise des agences concernée est contestée. Un problème comparable se pose actuellement avec la définition des perturbateurs endocriniens. Il est donc urgent de revoir les mécanismes d'évaluation scientifique au sein de l'Union européenne pour refonder la confiance et permettre aux décisions d'être prises dans le meilleur intérêt collectif. La France fera des propositions au mois d'octobre.

La question des droits de pêche dans le contexte des négociations pour le retrait du Royaume-Uni est particulièrement sensible. Il faut d'ailleurs se rappeler que dans l'histoire de l'Union, le Groenland a quitté la Communauté européenne du fait de désaccords portant sur la pêche, tandis que la Norvège et l'Islande ont renoncé à rejoindre l'Union pour des raisons comparables ! La sortie de la Grande-Bretagne ne signifie bien sûr pas la fin de la politique commune de la pêche (PCP) pour les 27 et la question des futurs droits de pêche doit donc être envisagée en tenant compte de cette compétence européenne et non selon le principe de droits acquis antérieurement à la PCP. Le Gouvernement est en tout état de cause mobilisé sur cet enjeu très important qui concerne un grand nombre de pêcheries françaises.

Réussir la révolution du numérique est capital pour le dynamisme économique de l'Union. Le Sommet de Tallinn le 29 septembre y sera consacré. Il s'agit trouver un point d'équilibre entre l'émulation de l'innovation et le développement de services et de champions européens, la mise en place d'un marché à la taille du continent appuyé sur des normes communes, la régulation des grandes plateformes afin d'assurer des règles du jeu équitables, et bien sûr le respect des droits fondamentaux à travers la protection des données personnelles et la cybersécurité. Le transfert vers des pays tiers de données personnelles doit en particulier être strictement encadré, afin qu'en tout lieu les citoyens européens puissent être assurés de garanties équivalentes. C'est l'objet de la décision d'adéquation concernant les États-Unis, dite « bouclier de confidentialité » (« privacy shield »), négocié à la suite de l'invalidation du dispositif précédent (« safe harbour ») par la Cour de justice européenne. Il convient désormais d'être vigilants sur sa bonne application, d'autant que le « bouclier de confidentialité » fait désormais lui-même l'objet d'un recours. S'agissant des données commerciales, une législation est en cours d'examen pour en permettre et en encadrer la libre circulation au sein de l'Union européenne. La position française est de préserver des possibilités de localiser des données sur notre territoire, par exemple pour des motifs de sécurité. L'adoption de cette législation est en tout état de cause d'un préalable à l'examen d'éventuelles dispositions concernant la circulation des données non-personnelles avec des pays tiers, qui seraient à l'heure actuelle au moins prématurées.

De manière générale, l'enjeu est de tirer tout le parti des opportunités ouvertes par le monde numérique tout en y faisant respecter par des moyens adaptés les droits essentiels garantis dans l'économie classique, comme le droit à la vie privée, les droits d'auteur ou l'équité des règles économiques.

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