Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mercredi 17 juillet 2019 à 21h30
Accords entre l'union européenne et le canada — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Je crains que ce slogan, la patrie ou la mort, ne doive désormais être entendu en son sens littéral : si nous ne relocalisons pas la production, si nous n'articulons pas nos économies autour de la production en circuit court et si nous ne réduisons pas les écarts entre le lieu de production et le lieu de consommation, alors nous sommes perdus. Le défi auquel nous faisons face est immense. Sauver la civilisation humaine en péril n'est pas une mince affaire et il n'est pas certain que nous y parviendrons, quand bien même nous y consacrerions tous nos efforts. Mais quelle plus belle tâche que de s'y employer et de travailler à ce que nos cultures, la grandeur de l'esprit et les oeuvres magnifiques de l'humanité nous survivent pour les générations qui viendront après nous ?

Avec le CETA, vous empruntez une toute autre direction et faites le pari de la destruction. Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce, est venue faire la retape du CETA ce matin sur France Culture. Le journaliste qui l'interrogeait avait bien compris le problème essentiel de l'accord : on aura beau le mettre dans tous les sens, plus d'exportations et plus d'importations feront toujours plus d'émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les technocrates européens sont des amoureux des sophismes et entretiennent un rapport toujours assez distant avec les faits et la vérité. La commissaire européenne a donc opéré une distinction merveilleuse : le problème ne tient pas au commerce mais au transport. Pourquoi n'y avions-nous pas pensé plus tôt ? J'avoue m'être interrogée : comment donc allait-elle retomber sur ses pieds après une distinction aussi absurde ? Vous n'en croirez pas vos oreilles : il suffirait d'améliorer les conditions de transport pour que le libre-échange ne pollue plus. Comment ? La commissaire au commerce saurait-elle comment téléporter les produits d'un endroit à l'autre sans utiliser du carburant issu des énergies fossiles ? Comme souvent dans ce genre de procédé, il est difficile de faire la part entre la naïveté, le mensonge et le cynisme.

Le comble de ce type de pseudo-argumentation arrive au moment où s'agitent tous les réflexes de classe drapés dans les principes libéraux que le Gouvernement bafoue par ailleurs allègrement lorsqu'il s'agit de réprimer les mouvements sociaux. C'est le moment où vous nous affirmez que ceux qui sont contre le commerce sont pour le repli sur soi, pour la fermeture et autres billevesées. Au jour où la destruction apportée par ces logiques viendra, vous continuerez à répéter sans cesse, dans un dernier souffle, « ouverture, ouverture, ouverture », au milieu d'un air irrespirable.

Laissez-moi cependant vous dire une chose. Loin d'être une vision étriquée, notre conception de la patrie républicaine est ouverte : elle prend en considération les possibilités de survie de l'humanité tout entière. Vous ne pouvez continuer à nous répéter en mode automatique l'argument selon lequel l'opposition au libre-échange serait une opposition à l'ouverture sur le monde. Allez donc chanter ce refrain aux centaines de milliers de corps qui gisent au fond de la Méditerranée ou qui jalonnent le désert libyen : ces personnes n'ont sans doute pas bien saisi, avant de mourir, les bénéfices de l'ouverture liée au libre-échange.

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