Intervention de Bruno Studer

Séance en hémicycle du mardi 23 juillet 2019 à 15h00
Modernisation de la distribution de la presse — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

La commission des affaires culturelles n'a eu de cesse, non seulement depuis le début de cette législature, mais aussi au cours des deux précédentes – puisque notre commission fête cette année ses dix ans dans sa forme actuelle – , de rappeler que la liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux de notre démocratie et que nous avons pour mission de la protéger. Tel était le sens de la loi Bichet adoptée en 1947 et qui visait à permettre la distribution de la presse, chaque jour, sur l'ensemble du territoire, de manière égale et non discriminatoire.

Toutefois, depuis ce moment, ce secteur a été complètement bouleversé, non seulement par l'évolution des habitudes des lecteurs, mais aussi et surtout par la montée en puissance du numérique. La crise de Presstalis, premier opérateur de distribution de la presse nationale que l'État a aidé à de nombreuses reprises, a aussi révélé les failles de notre cadre législatif et juridique et la nécessité de le repenser. Si des tentatives ont déjà été faites pour réformer la régulation en 2011 et 2015, il devenait indispensable de moderniser en profondeur la loi Bichet.

Le présent texte est un premier pas dans cette direction, non seulement pour garantir la survie de la distribution de la presse au numéro, mais également et surtout pour protéger le travail journalistique de fond et de qualité face au traitement instantané de l'information. Car ce travail est l'assurance que la presse garde sa fonction de contre-pouvoir, si essentielle en démocratie.

Le projet de loi correspond donc à l'ambition du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité. Il est l'aboutissement d'une réflexion menée depuis le début du quinquennat, dans la continuité du travail réalisé par Marc Schwartz – que je tiens à saluer – , à la demande, à l'époque, de Bruno Le Maire et de Françoise Nyssen : le texte que vous présentez, monsieur le ministre, est la concrétisation de ce travail.

La commission des affaires culturelles et de l'éducation a aussi voulu apporter sa contribution à la démarche, grâce à l'évaluation de la loi de 2015, réalisée par Laurent Garcia et George Pau-Langevin, et grâce au rapport d'information de Laurent Garcia : je veux le remercier ici de la qualité de son travail en tant que rapporteur.

Le dialogue mené avec les différents acteurs a permis d'élaborer un texte très équilibré, qui a été plébiscité par les différentes parties prenantes ; le Sénat en a d'ailleurs reconnu l'ambition et l'importance, lors de sa première lecture. Œuvrons donc à faire de ce projet une loi en mesure d'assurer, à long terme, l'avenir de l'ensemble de la filière, à laquelle l'inaction serait fatale.

Le texte paraît essentiel en ce qu'il est structuré par deux objectifs principaux : garantir les valeurs issues de la rédaction de 1947 et moderniser les règles applicables à la distribution de la presse.

Tout d'abord, il fallait préserver le cadre historique de la loi Bichet, aussi bien de manière formelle que dans ses grands principes, destinés à assurer la diffusion libre et impartiale de la presse écrite sur l'ensemble du territoire national. La préservation d'un régime unique au monde – une spécificité bien française – , tenant compte de la place prééminente des titres IPG, et le maintien du système coopératif révèlent l'importance de cette organisation traditionnelle, qui doit être conservée et réaffirmée.

Ensuite, nous voulions rénover et moderniser en profondeur le système, ce qui passe surtout par la refonte des rôles des acteurs à différents niveaux.

D'abord, le projet de loi permettrait à d'autres messageries de presse d'entrer sur le marché d'ici à 2023, ce délai visant à laisser le temps à Presstalis de se redresser. La mise en concurrence de ce marché souligne la volonté de créer les conditions d'un équilibre économique durable.

Ensuite, délibérément ancré dans les réalités du quotidien, le projet de loi entend également donner aux marchands de journaux un plus grand pouvoir. Les diffuseurs, placés au centre du système, pourront mener une véritable politique commerciale grâce à la mise en place d'assortiments : distinction entre les titres IPG, CPPAP et autres. Les marchands auront l'obligation de proposer ces premiers titres de presse ; pour les autres, une marge pourra être organisée de manière concertée avec l'ensemble de la filière. Cette réorganisation vise à empêcher l'engorgement en amont de la chaîne et à limiter les invendus en aval.

La modernisation passe enfin par l'action d'un nouveau régulateur, l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui remplacera les organes actuels. Ses missions seront étendues afin qu'elle supervise le secteur dans sa globalité, ce qui souligne votre volonté, monsieur le ministre, d'unifier et de renforcer la régulation afin de mettre fin à l'autorégulation pour assurer la pérennité du système.

Toute cette action est nécessaire pour permettre la survie d'un secteur dans un contexte en perpétuelle mutation. L'un des enjeux du projet de loi est précisément la prise en considération du numérique. Le texte donne aux éditeurs de titres d'information générale un droit d'accès aux kiosques numériques qui, en contrepartie, seront soumis aux mêmes obligations que les distributeurs physiques et devront faire preuve de transparence : il s'agit de tenir vraiment compte de l'évolution du modèle de la distribution au numéro et d'en permettre l'adaptation.

Ce projet de loi très équilibré et nécessaire, qui s'inscrit dans une politique plus générale du Gouvernement et de notre majorité, fait l'unanimité chez les différents acteurs. Il vise non seulement à garantir la survie de la presse, mais aussi et surtout à permettre à celle-ci de continuer de produire un travail de qualité.

La directive sur le droit d'auteur a été adoptée le 15 avril dernier au niveau européen, introduisant un droit voisin, dont nous venons d'adopter la transposition : cela révèle vraiment une conscience de l'urgence de la situation.

Une démocratie ne pouvant exister sans presse libre ni sans un travail journalistique de qualité, restons mobilisés, monsieur le ministre, pour permettre à notre presse de toujours évoluer et de se moderniser, tout en préservant ses principes si cruciaux pour l'équilibre de notre pays : protégeons notre presse pour garantir notre démocratie.

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