La loi Bichet avait prévu tout un arsenal législatif destiné notamment à contrer la concentration et les monopoles. Cette loi de la Libération devait garantir l'indépendance de la presse à l'égard des puissances d'argent et de l'État. Nous voilà avec les deux : la dépendance à l'égard des puissances d'argent comme de l'État.
Puisque je réclame le renvoi en commission, je vous propose des critères clairs. Que faudrait-il à un titre de presse pour relever de l'information politique et générale et pour avoir droit aux avantages qui lui sont liés ? Être édité par une société à but non lucratif ; proscrire toute publicité de ses colonnes ; compter, parmi son personnel, une majorité de journalistes.
Le but est simple : il convient d'arracher l'information aux marchés, et non de rapprocher le régime de la presse du droit commun des entreprises, comme le suggère un rapport de la Cour des comptes ; au contraire, il faut l'en éloigner. Dans cette optique, exiger que les éditeurs de titres relevant de l'information politique et générale soient des sociétés à but non lucratif et n'aient plus le droit de faire des bénéfices contribuera non à casser les oligopoles, mais à les tenir à distance. Il s'agit de reprendre ce type de médias aux marchands de canons et de béton.
L'information est un bien commun. C'est un combat que je mène depuis des années. Voici un florilège de ce que j'ai pu entendre quand j'étais élève au Centre de formation des journalistes : « on vend des journaux comme on vend des yaourts » ; « je suis un lessivier de la presse et je le revendique » ; « tous les titres, chez nous, doivent être rentables à hauteur de 10 à 15 % » ; « dans les médias, on suit la même logique que le PDG de Procter & Gamble » ; « Le Monde est une marque, et une marque très forte », etc. Mais la presse doit échapper à l'univers de la marchandise : l'information ne doit pas être une marchandise.
On peut citer l'Assemblée constituante de 1789, qui proclamait : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement [… ] ».