Permettez-moi de rappeler, en réponse à ce qui vient d'être dit, que le Président de la République a été élu par les Français et non par je ne sais quel organe de presse.
La liberté de la presse n'est pas accessoire dans notre démocratie comme en témoigne le nombre d'heures que nous avons passées sur ces bancs ces dernières semaines pour la défendre.
Nous avons voté aujourd'hui en faveur de la création d'un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse, répondant ainsi à une urgence absolue de protection des créateurs de contenus à l'heure où la rémunération du contenant devenait plus importante que le contenu. Nous avons mené la lutte contre la manipulation de l'information à un moment clé où toutes les paroles semblent se valoir et où les infox prolifèrent. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour rénover les moyens qui permettent à la presse d'être présente et disponible pour tous nos concitoyens.
Le système de distribution de presse concourt à garantir des objectifs de valeur constitutionnelle, mais nous avons récemment vu à quel point il peut être menacé par l'absence de réformes à même d'assurer sa solidité économique et sa juste distribution – en 2018, Presstalis était au bord du dépôt de bilan.
Alors que la presse écrite, nationale et régionale, se bat pour se renouveler, être présente, dynamique et de qualité face à la montée en puissance des contenus numériques, que serait-il advenu si sa distribution quotidienne n'avait plus été assurée ? Lorsque la distribution est fragilisée, c'est le pluralisme des opinions qui est directement menacé.
La disponibilité d'une information libre, fiable, indépendante procurée par la presse doit permettre aux citoyens de s'éveiller et d'élever leur conscience ainsi que de posséder toutes les clés pour forger leur opinion et pour évaluer leurs représentants. Quand les contre-pouvoirs sont affaiblis, il ne reste souvent plus que la presse pour porter la voix de l'indépendance et de l'enquête.
Et, même si les méthodes peuvent être questionnées, il nous appartient toujours, à nous représentants politiques, d'affirmer que la vocation de la presse n'est pas de nous plaire ou de nous déplaire.
L'existence d'une presse professionnelle solide est donc une nécessité démocratique. L'histoire de notre démocratie républicaine doit beaucoup à la loi de 1881 : « L'imprimerie et la librairie sont libres ». Avec ces simples mots, c'est la garantie de notre démocratie républicaine qui prend sens.
Alexis de Tocqueville nous le rappelait il y a près de deux siècles : « la souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont [… ] deux choses entièrement corrélatives ».
Conscient de ce lien profond entre démocratie et liberté de la presse, le Conseil national de la Résistance a proclamé cette liberté dans son programme, dès 1944, au terme de la Seconde Guerre mondiale. Au lendemain d'un temps où le totalitarisme avait aliéné les libertés individuelles, le rétablissement d'une presse librement écrite et librement distribuée apparaissait comme une nécessité fondamentale et une mesure résolument moderne.
C'est là le coeur de notre sujet : à quoi bon garantir la liberté de la presse si sa diffusion n'est pas assurée ou pertinente ? C'est grâce à la loi du 2 avril 1947, dite loi Bichet, qu'a été instauré un système coopératif de distribution de la presse, garant de la diffusion d'une presse écrite libre.
La France peut être fière de la protection qu'elle assure à la liberté de la presse. Aujourd'hui, 4 400 titres sont distribués sur le territoire, contre 2 500 au Royaume-Uni et 1 600 en Allemagne. Mais cette réussite a un coût, et le dispositif présente des écueils. En dix ans, le volume de vente de presse papier au numéro a fondu de moitié et un tiers des points de vente a disparu.
Nous présentons aujourd'hui un texte équilibré et qui comporte les mesures nécessaires pour garantir l'avenir de la distribution de la presse. Les principes qui ont fondé la libre distribution de la presse sont protégés et conservent leur effectivité : liberté de diffusion et impartialité de la distribution resteront des valeurs repères. Il s'agit de réformer les outils juridiques qui nous permettent de donner son effectivité à la liberté de la presse. Il s'agit de renforcer le sens économique d'un système à bout de souffle. Il s'agit de redonner de la respiration à tous les acteurs de la filière, dans un contexte de baisse drastique des ventes des titres au numéro.
Je relève particulièrement une mesure très attendue par le tissu économique local de la presse : désormais, les marchands de journaux disposeront d'une plus grande liberté dans le choix des publications qu'ils commercialiseront. Certains esprits chagrins ont voulu faire croire que les marchands de journaux deviendraient ainsi les nouveaux censeurs de notre démocratie. Il n'en est rien : comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises, cette possibilité de choix n'est offerte que pour les titres relevant de la catégorie dite « revues ludiques et commerciales ». Lorsque l'on veut défendre un droit avec sincérité et attachement, il me semble nécessaire de faire preuve de mesure et d'équilibre dans les arguments employés.
Grâce à cette réforme, nous pérenniserons la distribution de la presse. Aujourd'hui, plus de 50 % des titres de presse demeurent invendus. Les contraintes de vente imposées aux marchands ont conduit à une aberration et à un réel abus du système, entraînant une inflation du nombre de titres et une dégradation des conditions d'exercice dans les points de vente.
Grâce à ce texte, nous répondrons à une autre urgence : il n'était plus envisageable que les plateformes qui mettent en ligne des titres de presse soient libres de les choisir. Désormais, la pluralité et l'impartialité seront garanties.
Avec ce texte, nous réaffirmons notre attachement démocratique à la liberté de la presse. Voltaire l'affirmait : « la liberté de la presse, c'est la base de toutes les autres libertés, c'est par là qu'on s'éclaire mutuellement ». La garantie de sa libre distribution est une condition essentielle à sa sauvegarde ; c'est cette libre distribution que nous allons consacrer aujourd'hui avec ce texte.
Le 26/07/2019 à 16:25, Laïc1 a dit :
"Permettez-moi de rappeler, en réponse à ce qui vient d'être dit, que le Président de la République a été élu par les Français et non par je ne sais quel organe de presse."
C'est quand même le Canard enchaîné qui a fait trébuché M. Fillon, et qui a servi sur un plateau la présidence de la République à M. Macron.
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