Je suis doctorant à l'université de Poitiers, donc encore étudiant.
Les premiers sujets dont on nous parle concernent indéniablement les concours et les conditions d'examen. Lorsqu'elles passent le bac, par exemple, de nombreuses personnes ne voient pas reproduits les aménagements auxquels elles ont eu droit pendant toute l'année scolaire. Cette problématique est très anxiogène et injuste à l'égard de personnes qui passent d'une situation A à une situation B lors d'un examen qui peut revêtir une importance majeure. C'est un point sur lequel il convient d'agir.
Les solutions passent principalement par le respect de la loi : réaliser les aménagements nécessaires pour garantir des conditions de formation adaptées et équitables est une mission de service public. L'État doit les mettre en oeuvre directement ou les déléguer, notamment en mobilisant les associations.
Nous constatons un manque de ressources humaines patent. Il faut injecter des moyens afin d'assurer une homogénéité territoriale. Il est inacceptable qu'aujourd'hui l'on n'ait pas les mêmes possibilités à Nice et à Poitiers. Lorsqu'un jeune fait appel à notre association, nous sommes parfois obligés de l'alerter sur le fait que, malgré la qualité de son dossier, il devra tenir compte de l'inaccessibilité aux fauteuils roulants dans nombre de lycées – en Ile-de-France, seuls 24 lycées sur 465 sont accessibles pour ce qui concerne les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les sections techniques spécialisées (STS) – et que, dans un grand nombre de cas, il devra apprendre à lever lui-même des fonds privés s'il veut disposer d'un codeur en langue des signes française (LSF). Nous lui disons que certains enseignants refuseront tout simplement d'être enregistrés ou de transmettre leurs cours dans un format accessible, voire que la numérisation d'un manuel pourra prendre des semaines et des semaines, ce qui parfois ne permet pas de passer l'examen.
Aujourd'hui encore, pour de très nombreux jeunes, la réputation d'accessibilité en établissement détermine le choix d'orientation. Le risque de réorientation et de décrochage s'en trouve aggravé, dans la mesure où l'orientation devient contrainte.
Un second vecteur d'éviction potentielle, assez récent, est lié à Parcoursup. Cette année, les étudiants handicapés ont la possibilité de signaler leur handicap et de préciser quels aménagements ils ont eus dans le secondaire ; mais il n'existe aucune garantie de confidentialité quant à ces informations, qui parviendront directement aux commissions de sélection, notamment pour l'accès aux CPGE. Il est certain que l'absence de confidentialité crée un risque de discrimination supplémentaire au regard de l'accès aux CPGE. Comme bien d'autres étudiants handicapés, je puis vous assurer que nous sommes exposés à des préjugés récurrents, notamment dans les sélections. Qu'ils soient bienveillants – songeons au fameux « il ne pourra y arriver, ne lui permettons pas d'entrer » – ne les rend que plus insupportables.
Par ailleurs, le temps de l'étudiant et le temps nécessaire à la mise en oeuvre des mesures d'aménagement ne coïncident pas toujours ; des décalages peuvent rendre les aménagements inutiles, car bien trop tardifs.
Bien entendu, certains étudiants s'en sortent. Ceux-là sont passés virtuoses dans l'art de l'anticipation et de la compensation. Ils peuvent se révéler aussi, voire plus, performants que d'autres étudiants handicapés. Mais ils sont très loin d'être la majorité. Ce n'est pas un hasard si le tutorat collectif déployé par la FEDÉEH est la déclinaison d'un programme visant à pallier des phénomènes de censure et d'autocensure que rencontrent les élèves issus de quartiers défavorisés.
L'accompagnement humain, qu'il soit exercé par un pair ou par un professionnel, est déterminant. Or, comme beaucoup peuvent en témoigner, l'apport de la FEDÉEH sur ce plan est très efficace. Elle nous aide à gérer notre charge mentale, qui est supérieure à celle d'un autre étudiant. Cela conduit la FEDÉEH à vouloir développer ce bénévolat, si elle trouve des ressources suffisantes. Nous suivons en ce sens la prescription du comité interministériel du handicap de 2007, qui demande d'intensifier les dispositifs au service de la réussite. L'apport des associations est ici déterminant, en particulier celui des associations locales.