Intervention de Philippe Vendrix

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Philippe Vendrix, président de la commission Vie étudiante et vie de campus de la Conférence des présidents d'université (CPU) :

Comme vous l'avez souligné, le nombre d'étudiants en situation de handicap dans l'université a augmenté de façon exponentielle, et nous nous en réjouissons, passant de 6 412 étudiants en 2005 à 23 665 en 2016. Cette augmentation est d'autant plus frappante qu'elle n'est pas partagée par les autres établissements d'enseignement supérieur. D'évidence, l'université est le lieu où l'on accueille dans les conditions les plus favorables les étudiants en situation de handicap. On est passé de 8 411 étudiants en situation de handicap dans l'enseignement supérieur dont 6 412 à l'université en 2005 à 25 942 au total, dont 23 665 à l'université. Il y a donc une forte attractivité de l'université par rapport à d'autres dispositifs d'enseignement supérieur.

À cette augmentation des effectifs s'ajoute une diversification des situations de handicap. On retrouve à l'université toutes les formes de handicap, parfois des typologies lourdes, d'autres moins lourdes. La surdité est très présente, mais selon qu'on a appris à lire sur les lèvres ou uniquement la langue des signes, la situation est plus ou moins difficile, car on n'a pas toujours la personne ad hoc pour accompagner l'enseignant.

L'intérêt de la loi de 2005, puis de la charte signée entre le ministère et la conférence des présidents d'université, c'est qu'à peu près toutes les universités – environ 80 % – ont produit un schéma directeur du handicap. Elles se sont saisies de la problématique et ont mis en oeuvre une méthode de travail avec des objectifs précis et diversifiés : à côté de la mission fondamentale de formation des étudiants en situation de handicap, intrinsèque à l'université, la recherche sur le handicap lui-même s'est intensifiée. Alors qu'elle n'existait pas dans toutes les universités, on la trouve désormais dans des filières où on ne l'attendrait pas.

Le troisième impact de la charte et des schémas stratégiques est l'accompagnement des personnes en situation de handicap qui travaillent dans l'université. C'est un pan non négligeable de nature à créer des communautés – qui parfois ne se parlent pas, ce qui mériterait un examen attentif. Il y a certes une augmentation du nombre de personnels handicapés dans les universités mais, à ma connaissance, il y a peu de professeurs de classe exceptionnelle handicapés. On arrive à recruter des collègues handicapés au niveau de maître de conférences mais il est difficile de les accompagner à tous les stades de leur vie professionnelle : ils peuvent caler sur les critères, qui sont ceux appliqués à tous les maîtres de conférences, voire tous les professeurs, de façon non discriminatoire. En outre, des enseignants-chercheurs ne veulent pas déclarer leur handicap. Il y a un large éventail de handicaps non déclarés chez nos collègues.

Un autre élément d'optimisation lié à la charte et aux schémas stratégiques est le principe d'accessibilité. La plupart des bâtiments, conçus au début des années 1970, ne permettent pas l'accessibilité, qui est pourtant fondamentale. La publicité faite autour de l'accessibilité peut aussi avoir un effet pervers. Si l'on établissait une cartographie des masters, tel enseignant pourrait dire, par exemple, parce que nous sommes dans un monde compétitif : mon master de paléontologie est accessible aux étudiants handicapés, tandis qu'une autre université ne mentionnerait pas cette accessibilité, ce qui créerait dans certaines filières des engorgements et des regroupements d'étudiants handicapés. Peut-être faut-il revendiquer l'accueil des étudiants mais pas nécessairement en ciblant telle ou telle matière, au risque de créer des poches et des concentrations.

La CPU a soutenu la création de l'Association des professionnels d'accompagnement du handicap dans l'enseignement supérieur (APACHES). Le premier enjeu consiste à accompagner les universités qui n'ont pas encore produit de schéma et de comprendre pourquoi. Le deuxième enjeu est de former les personnels au préalable, ce que refusent les enseignants-chercheurs : si on leur demande de suivre au préalable une formation pour accompagner les étudiants en situation de handicap, ils ne le font pas ; en revanche, le fait de leur avoir dit qu'il y avait des formations les incite à contacter les bonnes personnes au moment où ils sont confrontés à un étudiant en situation de handicap ou à besoin particulier. Le troisième enjeu est financier. Depuis 2007, la dotation accordée pour l'accompagnement des étudiants handicapés n'a pas évolué, alors que leur nombre est passé de 8 500 à 23 000. Il ne faut pas s'étonner ensuite que les dispositifs soient variables d'une université à l'autre, suivant les capacités de chacune à financer certains services.

Cela va de pair avec la question globale de la santé de nos étudiants, considérée comme prioritaire au sein de la CPU, et sur laquelle, je crois, le ministère insiste aussi. Mais cela signifie qu'il faut passer d'un modèle de centres de santé à des lieux où l'on trouvera médecins, gynécologues, assistants sociaux, infirmiers, psychologues, etc. en association complète avec la mission handicap. Dissocier la mission santé de la mission handicap est parfois compliqué à vivre.

Enfin, il faut aller plus loin. Si l'on accompagne des étudiants en situation de handicap en licence et en master, il faut aussi les accompagner en doctorat. Cela permettra d'avoir un jour à nos côtés un professeur de classe exceptionnelle. Il faut aussi créer des indicateurs sur l'insertion professionnelle. Ce que l'on a offert aux jeunes en situation de handicap leur permet-il de s'insérer professionnellement de façon qualitative ? Sur ce point, nous n'avons aucune donnée et nous sommes démunis pour en obtenir.

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