Intervention de Nicolas Eglin

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Nicolas Eglin :

Nous vous remercions de nous avoir proposé de contribuer aux travaux de votre commission. Nous vous avons fait parvenir un document d'une dizaine de pages. Je vais en reprendre quelques points et nous pourrons ensuite répondre plus particulièrement aux questions que suscite de votre part le contenu de cette contribution.

Vous avez mentionné le fait que la FNASEPH représentait un certain nombre d'associations : elle représente aujourd'hui 23 associations et collectifs présents sur le plan national. Elle participe aux travaux sur la scolarisation du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) – j'y fais référence car nous avons participé activement à l'écriture de ses 46 recommandations, et je me référerai, tout au long de cette audition, à celles qui sont pour nous les plus importantes.

Dans notre contribution écrite, nous avons jugé utile de resituer la question de l'école inclusive dans une perspective internationale, donc donné quelques pistes sur les conventions internationales déjà signées ou en cours de signature au moment de l'adoption de la loi 2005. Il est intéressant et important de regarder ces textes-là, ne serait-ce que pour se mettre d'accord sur les termes.

Comme l'a indiqué le CNCPH, nous préférons l'adjectif « inclusive » au nom « inclusion », car cela permet de se centrer sur les pratiques. La deuxième notion sur laquelle nous souhaitons nous arrêter est celle de « besoins éducatifs particuliers », auxquels travailler dans un contexte d'école inclusive permet d'apporter des réponses. Nous préférons cette expression à celle d'« enfant handicapé » ou d'« enfant en situation de handicap ».

L'école inclusive repose pour nous sur une conviction forte : celle que tous les élèves peuvent apprendre. Le concept d'éducabilité, qui s'est construit au fil du temps, est notamment défendu par M. Philippe Meirieu. C'est un concept qui, pour nous, est philosophiquement et éthiquement au fondement de l'école inclusive.

Il faut avoir en tête que c'est une rupture et non une évolution continue, qui ferait passer d'un modèle ségrégatif à un modèle intégratif, puis inclusif. Il s'agit bien d'une rupture complète, qui nécessite la définition des besoins de tous les élèves ainsi que la mise en oeuvre d'une pédagogie différenciée, qui puisse répondre aux attentes de tous les élèves.

Nous avons identifié les cinq leviers qui nous paraissent les plus importants à étudier. Certains ont déjà été abordés lors des auditions précédentes, et peut-être suffira-t-il que nous complétions les propos qui vous ont été tenus à cette occasion.

Le premier levier est le pilotage des politiques publiques. C'est un point très important pour nous, qui consiste à prendre enfin appui sur des statistiques consolidées, avec des nomenclatures, des terminologies communes à tous les acteurs – car entre l'Éducation nationale et les agences régionales de santé (ARS), les nomenclatures ne sont pas les mêmes. Entre les statistiques qui sortent des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou des caisses d'allocations familiales (CAF), il y a aussi des différences. Parfois, les chiffres existent mais ne sont pas consolidés convenablement, ce qui ne permet pas d'appréhender, par exemple, l'aspect qualitatif de la scolarisation. Un élève comptabilisé dans les statistiques est-il comptabilisé à temps plein ou à temps partiel – et, dans ce cas, à raison de combien d'heures par semaine ? Il faut absolument que ces éléments soient connus, car ils permettront ensuite de piloter les politiques publiques.

Le deuxième levier que nous avons identifié est la formation. Je souhaite en particulier insister sur la nécessité d'intégrer dans le cahier des charges des maquettes de formation des futurs INSPE – qui vont succéder aux ESPE – la question de l'école inclusive. Il ne doit pas s'agir d'une formation sur troubles ou les déficiences, mais sur les pédagogies différenciées, sur l'adaptation pédagogique que doivent mettre en oeuvre les enseignants confrontés à une classe comprenant des élèves à besoins éducatifs spécifiques. Il faut bien avoir en tête qu'aujourd'hui le nombre de professionnels formés à cet aspect n'est pas à la hauteur des attentes et des besoins constatés sur le terrain. Selon la DEEP, 55 % seulement des personnels en poste ont une certification spécifique – CAPA-SH ou 2CA-SH. Et, selon les données que nous avons obtenues, il n'y a eu en 2016-2017 que 900 départs en formation, toutes options confondues. À ce rythme, il faudra au moins treize ans pour rattraper le retard accumulé. Je ne compte pas les enseignants qui passent des certifications en candidat libre : je parle bien des départs en formation validés par les DSDEN.

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