Intervention de Nicolas Eglin

Réunion du mardi 14 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Nicolas Eglin :

Je vais donc vous en donner d'autres. Vous avez entendu, pour l'APF France Handicap, Mme Bénédicte Kail qui a insisté sur le manque de postes d'enseignant référent. J'insiste à nouveau : depuis 2005, le nombre d'élèves en situation de handicap a augmenté de 200 % et celui des référents de 58 %. Forcément, le service rendu aux familles n'est pas le même, ni la fluidité dans l'accompagnement, étant donné le nombre de dossiers que les enseignants référents doivent gérer.

J'insiste également sur la nécessité d'une formation croisée entre l'éducation nationale et les professionnels médico-sociaux et, d'une façon générale, entre tous les acteurs qui interviennent aujourd'hui au sein de l'école. Il y a eu des expérimentations, il y a aujourd'hui des déclinaisons régionales, en particulier en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces pratiques sont nécessaires pour créer une culture commune, pour faciliter les accompagnements et solidifier le parcours d'élèves qui ont besoin, par moments, d'appui, de compensation.

Le troisième levier, que madame la présidente a abordé en introduction, est la reconnaissance de l'expertise des familles, pour laquelle la FNASEPH a toujours milité et qui est complémentaire de celle des professionnels. Il est indispensable aujourd'hui de reconnaître les parents comme des acteurs à part entière de la constitution des parcours de scolarisation de leur enfant. Nous avions demandé une modification en ce sens de l'article 1er du projet de loi « pour une école de la confiance ».

Le quatrième levier est l'organisation des territoires. Dans notre contribution, nous avons développé la question des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) : comment adapter l'offre à la demande, comment promouvoir la fonction « ressource » des ULIS, mais aussi comment adapter la gestion des transports scolaires, notamment en zone rurale où le choix des familles sera conditionné à la fois par la présence des unités d'enseignement et par l'existence de transports scolaires à proximité de leur lieu d'habitation.

J'insiste surtout sur l'organisation et de la transformation du secteur médico-social. La circulaire du 2 mai 2017 relative à la transformation de l'offre d'accompagnement des personnes handicapées a fixé en effet de nouvelles règles du jeu : une scolarisation à mettre en oeuvre, une fonction ressources destinée à l'ensemble des acteurs de droit commun, une remise en question des principes organisationnels, des modalités d'accompagnement qui devraient être plus agiles. Pour nous, tout cela représente une forme de désinstitutionalisation que nous revendiquons. Aujourd'hui, la mise en place des unités d'enseignement externalisées – demandée par les pouvoirs publics – vient bousculer des gestionnaires qui, jusqu'à présent, n'avaient pas forcément des pratiques de scolarisation clairement établies. Elle vient aussi bousculer l'ensemble des acteurs, qui doivent participer au déploiement de ces unités d'enseignement externalisées.

Leur déploiement est un révélateur de la complexité des relations entre les différents acteurs : l'Éducation nationale, qui doit être signataire des conventions ; les gestionnaires du secteur médico-social, qui ont ensuite la responsabilité de les mettre en oeuvre, mais aussi les collectivités territoriales qui ont la responsabilité du bâti, de l'aménagement, du mobilier. Il montre aussi la complexité des relations entre les équipes elles-mêmes, d'où notre demande de formations croisées pour des professionnels qui doivent apprendre à travailler ensemble.

Dans un contexte où l'Éducation nationale prône des dédoublements dans un certain nombre de classes, la gestion de l'espace devient aussi très importante. Or, on sait très bien que la planification de construction d'un groupe scolaire, d'un collège, d'un lycée, prend du temps. Il faut donc pouvoir replacer cela dans une planification plus importante. Je fais un aparté sur la question du dédoublement : pour nous, cela va dans le sens d'une des recommandations du CNCPH sur le nombre maximal d'élèves par classe. L'idée n'est pas de stigmatiser telle ou telle classe en préconisant un effectif différent selon le nombre d'élèves ayant un besoin particulier, mais de modifier globalement le système en réduisant le nombre d'élèves dans toutes les classes.

Enfin, le dernier levier que nous voulons aborder est l'aide humaine, les auxiliaires de vie scolaire (AVS), les assistants d'élèves en situation de handicap (AESH). La FNASEPH a été créée en 1996 pour développer l'aide humaine à l'école. Nous avons été l'un des acteurs qui ont travaillé à faire émerger ces systèmes d'accompagnement, et nous souhaitons que puisse être pris en compte l'accompagnement, en tout temps et en tous lieux de vie, des jeunes en situation de handicap. Certains de nos adhérents portent d'ailleurs des projets de ce type.

L'école inclusive, ça ne se limite pas à « plus d'AVS ». Nous souhaitons qu'une réflexion soit engagée sur les notions d'accessibilité et de compensation. L'une des recommandations du CNCPH portait sur l'affectation d'acteurs d'accessibilité dans les écoles. Il nous semble important de réfléchir autrement à la question de l'accessibilité, en affectant éventuellement des personnels à cette fonction, de même que, sur la question de la compensation, les AVS interviennent pour apporter la compensation si nécessaire. C'est bien l'évaluation du besoin objectivé de compensation qui doit déclencher la notification d'accompagnement. Or, souvent, l'accompagnement par un AVS est le préalable à l'accueil au sein de l'école, à la scolarisation.

À ces cinq leviers, nous souhaitons ajouter une exigence supplémentaire : la simplification administrative pour les familles, ce qui signifie retravailler l'ensemble des outils existants, toutes ces procédures incompréhensibles pour qui « débarque » pour la première fois dans le monde du handicap.

Nous pourrons aller ainsi vers une école inclusive, donc vers une société inclusive, déclencher un cycle vertueux, reconnaître la juste place de tous et améliorer le vivre ensemble.

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