Je m'appelle Amandine Torresan, j'ai vingt-cinq ans. J'ai eu un parcours scolaire en milieu ordinaire depuis l'âge de trois ans jusqu'à aujourd'hui. Je pense, d'après ce que j'ai pu voir, que vous avez déjà identifié les problèmes que pose l'inclusion au niveau de l'école primaire et je vais donc plutôt parler des problèmes auxquels on est confronté quand on devient grand.
Les difficultés se multiplient les années où l'on doit passer un examen, parce qu'il y a le double de paperasse à faire : pour l'établissement et pour l'examen. Là où l'inclusion reste totalement à faire – je dis bien totalement –, c'est après le baccalauréat. Il n'y a aucun endroit où je me suis mise davantage en danger, aussi bien psychologiquement que physiquement, qu'à l'université. Certes, il existe des pôles handicap, mais aucun dispositif de soutien n'est réellement mis en place et on ne découvre les problèmes que lorsqu'on se prend des murs.
Il est vraiment important que votre commission d'enquête prenne en compte le fait qu'il y a quelque chose après le baccalauréat. Quand j'ai passé le mien et que j'ai dit que je voulais aller à l'université, on m'a répondu que ce n'était pas possible avec un handicap : c'était en 2011 ! Il y a vraiment une barrière à ce niveau-là. On peut arriver jusqu'au bac : c'est difficile, mais on y arrive. Après le bac, en revanche, on est tout seul. Je dis souvent à ma mère que j'ai l'impression d'être seule au milieu de l'océan : je me débats, je me bas, envers et contre tout, pour tout. Je n'arrête pas de répéter que je suis fatiguée, que j'ai besoin d'aide.
Dans les centres de rééducation, je rencontre beaucoup de gens qui me disent qu'ils aimeraient faire des études supérieures, mais que c'est impossible, et qu'ils vont donc se diriger vers la voie professionnelle. C'est triste, et cela accrédite l'idée que la voie professionnelle n'est faite que pour les élèves en difficulté.
Mon parcours a été douloureux, mais j'en suis fière. Si je parle aujourd'hui, c'est pour que ce qui m'est arrivé n'arrive plus, pour que plus personne ne tombe là où je suis tombée. Il n'est pas normal de mettre sa vie en danger pour avoir le droit de faire un M2. Je commence à me le pardonner, mais il va me falloir du temps pour pardonner à ceux qui, plus haut, ne m'ont pas aidée. C'est difficile de se dire qu'il faut tomber très bas pour obtenir enfin de l'aide.