En effet, je me suis vraiment sentie très seule à l'université. La complexité de la formation, cette année, fait que je dépends de trois pôles : l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE), l'université et le rectorat. C'est seulement après mon passage à l'acte que j'ai réussi à mettre tout le monde en relation. Pour autant, je n'ai jamais pu obtenir, cette année, que mes cours aient lieu au rez-de-chaussée, alors que je n'ai pas arrêté de le demander. Un jour, il y a eu une alerte incendie et j'étais au troisième étage : j'ai dû descendre les trois étages à pied, et les remonter. Quand j'en parle à mes professeurs, ils me répondent qu'ils sont au courant, qu'on devrait effectivement être au rez-de-chaussée, mais ils finissent par : « Vous savez ce que c'est… » Quand je m'adresse à l'administration, on me dit de faire attention à ma dignité. J'ai vécu beaucoup de situations comme celles-ci, qui sont à la fois frustrantes et destructrices.
Il y a un moment où l'humiliation n'est plus supportable. Je ne demandais pas grand-chose : je voulais seulement une salle au rez-de-chaussée. Demander sans arrêt la même chose, c'est épuisant. Alors j'ai lâché l'affaire et je me suis contentée de ce qu'on me donnait. En février 2019, plusieurs mois après la rentrée, j'ai fini par obtenir de ne pas avoir à changer de salle pour chaque cours – c'est ce que je faisais depuis le mois de septembre. De la même façon, j'ai dû rappeler constamment que j'ai droit à un tiers-temps pour les partiels. À force de répéter les mêmes choses sans être entendu, on a l'impression que personne n'a envie de nous aider. C'est : « Marche ou crève. » Il arrive un moment où on est fatigué de se battre en permanence.
Mon handicap est physique, c'est un problème moteur, mais quand la fatigue s'accumule, cela atteint aussi le psychisme : j'ai plus de mal à me concentrer, il me faut plus de temps pour faire les choses. Les gens ont du mal à comprendre cela, y compris mon entourage, qui s'en est aperçu au fil du temps, en me voyant grandir. Il faut faire comprendre à tout le monde, premièrement que tous les handicaps sont différents et, deuxièmement, que la nécessité de compenser ce handicap est très fatigante. C'est pour cette raison qu'on a besoin d'aide : sans aide, on ne peut pas tenir sur la longueur. C'est comme si on faisait une course à pied et qu'on nous demandait de ne jamais nous arrêter, de ne jamais respirer.