Intervention de Laure Beyret

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Laure Beyret, représentant Force ouvrière (FO) :

Je vais parler des INJS, donc de la surdité, qui a, si j'ose dire, une spécificité particulière, étant donné la multitude des profils rencontrés chez les personnes sourdes. Quand on parle de surdité, on pense souvent aux personnes qui s'expriment en langue des signes française (LSF), mais la majorité s'expriment oralement, et certains utilisent même les deux modes d'expression en fonction des situations. Il existe aussi des profils différents en ce qui concerne la réception du message : certaines personnes ont recours à leur audition seule, d'autres à la LSF, d'autres à la langue française parlée complétée (LFPC). Certaines personnes sont appareillées – implants ou prothèses auditives – et d'autres non ; certaines ont une surdité sévère, profonde, d'autres une surdité moyenne ; certaines sont nées sourdes quand d'autres le sont devenues.

Toutes, en revanche, ont un vecteur commun qui est l'usage du français écrit, dont la maîtrise est parfois compliquée compte tenu des paramètres énoncés précédemment, que ce soit au niveau de la maîtrise de la syntaxe, des locutions, de la compréhension de l'abstrait ou de l'implicite. Il peut s'agir pour certains de l'apprentissage d'une langue seconde : c'est le cas de ceux qui ont pour langue maternelle la LSF. Mais, même pour ceux qui ont comme langue maternelle le français oral, c'est souvent une langue première entravée. Cela peut avoir des conséquences sur l'appropriation de la langue, donc sur les apprentissages scolaires.

À cela s'ajoutent d'autres facteurs, dont l'environnement social – élèves issus de familles non francophones, ou dont les parents sont séparés – ou la présence de handicaps ou troubles associés – cécité, dyslexie – qui ne sont pas toujours diagnostiqués ou qui le sont tardivement.

Je viens de vous dresser un rapide portrait de ce qu'est la surdité. Il faudrait davantage de temps, mais mon objectif était de vous montrer que la surdité est très complexe et qu'il n'est donc pas concevable d'apporter une réponse unique aux besoins particuliers des jeunes sourds. Mettre en place des modes variés de scolarisation leur permettra d'avoir accès à un contenu pédagogique traduit ou adapté, ainsi qu'un suivi médical, social et éducatif efficient s'ils en ont besoin.

Il conviendrait aussi de parler de l'environnement, qui n'est pas toujours accessible, mais je ne vais pas m'étendre sur le sujet – nous y reviendrons si vous avez des questions. Je préfère axer mon exposé sur l'apport des INJS à la scolarisation des élèves sourds, car vous n'êtes pas sans savoir qu'ils sont le berceau de la pédagogie spécialisée concernant la surdité et ont été précurseurs dans la scolarisation des élèves sourds, notamment pour ce qui est de l'inclusion en milieu ordinaire.

L'INJS de Paris et ceux de province ont été copiés un peu partout dans le monde. Ils mettent en oeuvre une scolarisation diversifiée qui tient compte du temps de présence en milieu ordinaire, que ce soit en unité d'enseignement spécialisée, en semi-inclusion, en inclusion individuelle ou bien in situ. Cela permet des passerelles, un va-et-vient en fonction des besoins et du niveau scolaire des jeunes.

Certaines classes suivent le programme de l'Éducation nationale, d'autres ont des programmes adaptés à tous les âges de la scolarité jusqu'à 21 ans, mais aussi à tous les profils d'orientation : le lycée professionnel, technologique, général, le primaire, le collège. Elles pratiquent une scolarisation qualitative, grâce à des professionnels formés, des codeurs en LFPC, des interprètes en LSF, des professeurs spécialisés qui maîtrisent les modes de communication – cette maîtrise demande du temps et beaucoup de pratique quotidienne. Les enseignants sont aussi formés à des méthodes spécifiques en termes de pédagogie, d'apprentissage, de perfectionnement de la parole, pour s'adapter au mieux à la surdité.

Notre deuxième pilier est le suivi transdisciplinaire, qui est à la fois médical, social et éducatif. Les INJS sont donc plus que des établissements de scolarisation et de suivi pluridisciplinaire : ce sont avant tout des lieux d'échanges et de rencontres, via des journées portes ouvertes, des fêtes de l'Abbé de l'Épée, des activités sportives ou culturelles. On sait à quel point il est important pour les jeunes sourds de pouvoir se regrouper, échanger entre pairs, pour ne pas être isolés, ou tout simplement pour enrichir leur LFPC ou leur LSF.

Les INJS sont enfin des lieux de recherche et d'application des résultats de la recherche. Nous avons des pôles de langue française orale, écrite, de LSF, qui permettent de promouvoir les deux langues. Nous avons des centres de documentation et d'information spécialisés, des centres d'orientation professionnelle, des salles de parole et de musique adaptées. Nous avons développé plusieurs partenariats au niveau national. À l'INJS de Paris, il y a le Groupe de recherche sur l'apprentissage du langage (GRAL), ainsi qu'un centre de promotion sociale des adultes sourds. L'institut de Metz héberge un centre d'évaluation et de réadaptation en basse audition, et a collaboré avec l'Université de Lorraine à la mise en oeuvre du diplôme universitaire sur les troubles sévères du langage. L'INJS de Bordeaux a un centre de préparation et d'inclusion des sourds dans l'enseignement supérieur, et a impulsé des diplômes universitaires en LSF avec l'université Bordeaux 3. Celui de Chambéry a mis en place un service d'information professionnelle et d'accompagnement social.

Les INJS développent des ressources pédagogiques, telles que des lexiques français-LSF, et contribuent à la formation professionnelle aux problématiques de la surdité à travers des colloques, des stages, des licences professionnelles de codeur LSF, des diplômes d'enseignant spécialisé. Un important travail en réseau se développe également, j'en citerai pour seul exemple le partenariat avec l'INJA et l'université de Paris sur la double déficience surdité et cécité. Il s'agit bien, vous le voyez, d'établissements novateurs, porteurs de nombreux projets au profit d'une inclusion de qualité.

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