J'ajoute, au sujet de ce rapport paru en février 2018, que tous les modèles européens ne sont pas forcément transposables en France – ne serait-ce, pour l'Italie, qu'en raison de l'effectif des classes qui est de 20 élèves en moyenne, contre 30 chez nous. Quand une personne sourde appareillée est placée parmi 30 élèves avec le brouhaha que cela génère, vous imaginez ce qu'il reçoit et ce qu'il comprend dans la journée… C'est un simple exemple, et ce rapport insiste par ailleurs sur la présence d'assistantes de communication pour les troubles sensoriels, que ce soit pour les déficients visuels ou pour les sourds. C'est la preuve que ce sont des handicaps très spécifiques, qui nécessitent de la technicité, des professionnels formés.
Le rapport constate, en fin de compte, qu'il s'agit d'une inclusion plus sociale que scolaire. Or, ce que nous visons, c'est les deux à la fois.
Autre exemple, pris cette fois hors Europe : le Québec avait fait le choix du tout inclusif et il est un peu en train d'en revenir, pour développer des pôles très intéressants, avec des établissements ou des classes spécialisées proches de l'université. L'université développe des outils qui sont ensuite mis en oeuvre dans la classe, et qui sont testés avec des enseignants spécialisés.
Nos instituts fonctionnent un peu de même. J'enseigne l'histoire et la géographie. Je fais partie d'un pôle associant histoire, géo et LSF, avec un enseignant sourd, bilingue, qui enseigne la LSF, et une autre collègue malentendante spécialisée en histoire. Nous développons des signes que nous utilisons avec nos élèves, et nous voyons, selon les cas, que ça fonctionne ou non, auquel cas nous réajustons. Récemment, une conférencière sourde est venue à l'INJS pour une intervention sur les Lumières, et elle nous a demandé comment nous disions « tolérance » en langue des signes, car elle ne savait pas et faisait, à la place, le signe qui veut dire « respect ». Nous lui avons dit que nous utilisions le signe « ouverture d'esprit ». En repartant, elle nous a dit : « oui, en fait, je n'avais pas réfléchi ». Pourquoi ? Parce qu'elle maîtrisait parfaitement la LSF, mais pas toute la subtilité de la langue française. Le fait que nous ayons été présents était très important, car l'ajustement n'est pas possible si l'on n'a pas des classes pour expérimenter tout cela.
La LSF au bac est actuellement une simple option et l'épreuve n'existera plus après la réforme du bac, puisqu'elle sera validée en contrôle continu. Mais notre souci principal, c'est la reconnaissance de la LSF comme une langue à part entière, car, actuellement, les élèves ne peuvent pas la choisir comme première ni comme deuxième langue vivante : ils doivent la prendre en option, ce qui est ridicule et les détourne en outre de l'enseignement bilingue, c'est-à-dire d'un enseignement qui soit un enseignement en LSF, et non pas seulement d'un enseignement de LSF.