Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 16h20
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse :

Monsieur Pradié, vous m'avez posé de nombreuses questions. Nous avions déjà abordé certaines d'entre elles à l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance.

Je vous confirme que, dans la loi de finances pour 2018, 12,9 millions de crédits étaient consacrés à la formation des AESH et aux contrats aidés dédiés au handicap. Or nous n'avons dépensé, en exécution, que 7,5 millions d'euros. Il y a effectivement eu une légère baisse de dépense par rapport à 2017, puisqu'elle s'était alors élevée à 8,3 millions d'euros. Cela renvoie à la question plus large de la formation continue des personnels au sein du système éducatif. En effet, un nombre important d'AESH était autrefois en contrats aidés : cela peut expliquer en partie la diminution tendancielle dont je viens de parler. Le décret qui a été pris au milieu de l'année de 2018 et qui prévoit un minimum de soixante heures de formation pour les AESH a évidemment des effets sur les AESH qui sont recrutés depuis, mais il n'a pas eu d'impact sur la gestion de 2018.

Cela explique que la dotation pour 2019 ait été sincérisée, comme on dit, et ramenée à 7,5 millions d'euros. Mais, comme je vous l'ai dit au moment des débats, en application du principe de fongibilité des crédits hors titre II, il s'agit d'une dotation provisionnelle : nous l'ajusterons autant qu'il faudra en 2019, en fonction des besoins. Nous pourrons faire le point dans un an sur l'exécution du budget de 2019 : nous aurons peut-être dépensé 7,5 millions, comme prévu, mais peut-être davantage – 8, 9 ou 10 millions – si le besoin s'en fait sentir sur le terrain. J'insiste sur le fait qu'il n'y a pas eu de diminution, mais un ajustement, au plus près des besoins du terrain.

Vous me demandez par ailleurs en quoi le contrat AESH peut être qualifié de robuste. Vous avez en partie répondu à la question, en évoquant les contrats aidés, les contrats d'un an et de trois ans et les CDI. Un processus est en cours : nous serons passés, en trois ans, d'un système qui était quasi exclusivement fondé sur les contrats aidés à un système où il n'y aura plus de contrats aidés. Si vous me permettez l'expression, il y a donc une « déprécarisation » accélérée. Ce qui ne s'est pas passé en dix ans vient de se passer en trois ans.

Tout le monde reconnaît qu'un effort important a été fait par la nation durant les dix premières années qui ont suivi l'adoption de la loi de 2005, mais cela s'est uniquement traduit par la création de contrats aidés. Ils étaient moins coûteux pour l'État, plus précaires pour les intéressés et moins intéressants pour les personnes concernées, les élèves et leurs familles. Passer d'un contrat de quelques mois à un contrat de trois ans, c'est clairement plus solide – si vous n'aimez pas le mot « robuste ». Le fait que l'on puisse, après deux contrats de trois ans, obtenir un CDI, nous apparaît également être une solidification du contrat. Nous pouvons désormais proposer de vraies carrières aux AESH, avec une vraie formation et la perspective d'un CDI. Nous créons des postes et nous proposons des contrats beaucoup plus solides : c'est un double progrès, que nul ne peut nier.

Vous me demandez combien d'élèves sont dans l'attente d'une aide individuelle ou mutualisée : ils étaient 14 980 à la fin de l'année dernière, soit 8,4 % des 340 000 enfants en situation de handicap. Ce n'est évidemment pas satisfaisant, mais il est évident que cette proportion va baisser, avec les moyens supplémentaires que nous mettons.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'est pas normal que l'on ne puisse pas dénombrer précisément les enfants qui ne sont pas scolarisés et ceux qui le sont en milieu ordinaire. Il y a cependant un paradoxe à saluer en permanence ce qui a été fait entre 2005 et 2015, à présenter cette période comme une sorte d'âge d'or de l'école inclusive, et à critiquer ce qui s'est passé entre 2015 et 2018, alors que nous sommes les héritiers de politiques qui n'ont pas développé de systèmes d'information adéquats en matière d'aide aux élèves en situation de handicap.

Nous amorçons cette modernisation, qui est absolument indispensable – je pense que nous pouvons tomber d'accord sur ce point. Elle est enclenchée avec les MDPH : Sophie Cluzel s'est exprimée publiquement à ce sujet et a annoncé la création d'un nouveau système d'information harmonisé sur l'ensemble du territoire. Il va permettre d'enclencher, en 2020, le système d'information de l'éducation nationale, qui sera compatible avec celui des MDPH.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je reconnais que nos systèmes d'information ne sont pas satisfaisants et qu'il faudrait avoir les chiffres en temps réel, au lieu de collecter des données à l'échelle académique. Ce processus est enclenché, mais le développement d'outils numériques est toujours complexe. S'agissant des MDPH, cela se fait évidemment en relation avec les départements.

Vous m'avez interrogé aussi sur le nombre total des AESH affectés en ULIS. Ils sont 2 597 AESH-co – pour « collectif » – auxquels il faut ajouter 1 059 AESH « non co » et 1 022 contrats aidés, soit 4 677 ETP d'AVS en 2018. C'est le nombre que je vous ai donné lors du débat en séance – j'avais peut-être arrondi à 4 700. Compte tenu du fait que le taux d'encadrement en ULIS est de 0,65 AESH par élève, la création de 50 ULIS a créé un besoin de 33 ETP supplémentaires, que nous avons évidemment prévu.

Pour répondre à Mme Rilhac, la politique « handisport » menée par la ministre des sports inclut une série d'initiatives, conduites notamment par l'Union sportive de l'enseignement de premier degré (USEP) et l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), qui illustrent la personnalisation des parcours. Notre logique est celle de l'école inclusive, c'est-à-dire de la participation, même si parfois nous développons des dispositifs spécifiques – je pense au développement du jeu d'échecs, considéré comme un sport cérébral. Les sports de l'esprit permettent à des handicapés ne pouvant pas faire physiquement de sport d'intégrer une dimension sportive à leur quotidien.

Nous travaillons également avec les collectivités locales. Le ministère de l'éducation nationale a commencé à monter une cellule sur le bâti scolaire avec la Caisse des dépôts et consignations, afin de pouvoir conseiller les collectivités locales en matière d'équipements handisport.

Enfin, les PIAL ont été conçus pour renforcer la coopération avec les institutions médico-sociales, de façon à mieux associer les professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et des services médico-sociaux. Nous le notifions dans les PPS. L'amendement a permis de consacrer législativement les conventions qui vont institutionnaliser les relations entre établissements scolaires et établissements médico-sociaux, même si cela existe déjà sur le terrain.

Madame Piron, certains AESH peuvent en effet se spécialiser dans l'école primaire et suivre des formations qui leur sont plus adaptées, d'autres dans l'enseignement secondaire. Notre approche est pragmatique et personnalisée. Certains AESH suivront un élève au collège, d'autres ne le feront pas. Un PIAL est très souvent un réseau d'établissements, qui comprend des écoles et des collèges. Il est donc possible d'y avoir des AESH qui travaillent à l'école et au collège. C'est l'intérêt du PIAL de pouvoir gérer cette situation, dans l'intérêt de l'élève et en tenant compte des compétences et des aspirations des AESH.

Madame Rubin, je vous remercie pour votre témoignage sur les PIAL, car je n'ignore pas les craintes qu'ils ont suscitées. Une logique de réseau – danoise ou italienne – y est à l'oeuvre. À Garges-lès-Gonesse, il y a quelques jours, j'ai vu avec Sophie Cluzel ce que vous venez de décrire. Quand une grande distance sépare les écoles d'un même PIAL, cela peut poser des problèmes, surtout dans les zones moins denses, même s'il est tenu compte des transports au moment de le constituer. Dans la plupart des cas, un PIAL dispose d'un certain nombre d'AESH, qui sont affectés dans les différentes parties du réseau, en essayant d'éviter un excès de transport, même si les regroupements pour formation peuvent poser ces problèmes pratiques.

Vous trouvez souhaitable que les AESH aient un bac + 2. Je pense que le contrat est un moyen pour eux d'améliorer en permanence leurs compétences, et que la validation des acquis de l'expérience devient un enjeu. Des AESH recrutés avec des contrats aidés, qui n'avaient pas le niveau bac + 2, pourront, grâce à des formations, atteindre un tel niveau. Je ne suis pas certain qu'il faille le poser comme une barrière à l'entrée, mais viser plutôt une formation continue et une validation des acquis de l'expérience.

Vous avez mentionné des fermetures de structures spécialisées dans votre département. Si vous faites référence à la structure pour les enfants sourds, dont on m'a plusieurs fois parlé, d'après ce que j'ai compris, il n'y avait presque plus d'élèves, alors qu'une structure voisine pouvait les accueillir.

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