Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation :

Je commencerai par l'autocensure, qui est sous-jacente à beaucoup d'autres questions que vous avez évoquées. La meilleure façon de la vaincre est d'être extrêmement accueillants et ne jamais faire sentir à ces étudiants qu'ils seraient des poids. La difficulté, c'est de faire en sorte qu'ils se sentent bien au sein du système commun à tous les étudiants. Certains éprouvent de la gêne vis-à-vis de dispositifs mis en place spécialement pour eux alors qu'ils veulent juste être des étudiants comme les autres. C'est la raison pour laquelle des associations insistent pour qu'il n'y ait pas de transmission systématique d'informations sur une situation de handicap lors du passage du lycée à l'enseignement supérieur. Certains étudiants profitent de ce changement pour ne plus faire état de ce statut, car ils n'ont pas envie que le handicap soit un stigmate apposé sur leur front de façon définitive.

De manière générale, l'autocensure est liée à la crainte des jeunes de l'accueil qui leur sera fait. J'ai coutume de dire : « Venez comme vous êtes, car c'est à l'enseignement supérieur de partir de ce que vous êtes pour vous amener le plus loin possible ». La formation à distance ou les examens à distance concernent autant les sportifs de haut niveau que les étudiants en situation de handicap, et cela change le regard que l'on porte sur eux comme la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes. Mais les changements de mentalité prennent du temps, nous le savons.

S'agissant des schémas directeurs du handicap, la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) et la Conférence des présidents d'université se mobilisent pour faciliter les démarches des universités qui n'en sont pas encore dotées. S'il y a encore 20 % des établissements dans ce cas, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas voulu en mettre en place mais parce que cela suppose d'être en mesure d'avoir une vision complète de ce qu'est l'établissement et d'être doté d'outils adéquats, notamment dans le domaine des ressources humaines. Nous comptons sur un accompagnement bienveillant, fait de compréhension et de respect pour l'autonomie des établissements, pour atteindre l'objectif de 100 % à la fin de l'année 2020.

La signature d'une charte avec la Conférence des grandes écoles a été une étape importante, car une partie des grandes écoles n'est pas sous la tutelle du ministère. Seules 40 % dépendent de mon ministère, mais comme elles regroupent 75 % des étudiants, cela nous permet de toucher un grand volume. Nous encourageons ces établissements à faire de l'accueil des étudiants en situation de handicap une « marque de fabrique » qui valorise leur propre image.

L'aménagement des examens renvoie encore au problème de l'autocensure. La plupart des établissements accompagnent les étudiants en situation de handicap au moment des examens puisqu'ils les connaissent depuis le début de l'année universitaire. La mise en place d'un tiers-temps est quasiment automatique. La mise à disposition d'un assistant pour les aider à rédiger est une question particulièrement délicate : que cette personne ne connaisse rien à la discipline ou bien qu'elle la maîtrise, des difficultés se posent – même si elles sont de nature différente. Je pense que les problèmes se règlent majoritairement au sein des établissements puisqu'en dix ans, ne sont remontés au ministère qu'une vingtaine de réclamations et une dizaine de contentieux.

Pour les budgets, la question majeure pour les établissements est la mise en accessibilité des bâtiments, qui est au coeur des schémas directeurs du handicap, des schémas patrimoniaux et des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Des agendas d'accessibilité sont mis en place pour permettre de mesurer les efforts à consentir. Les enquêtes montrent que le parc de l'enseignement supérieur et de la recherche est à 67 % fonctionnel, c'est-à-dire accessible. La proportion de bâtiments totalement inaccessibles est passée, entre 2012 et 2018, de 18 % à 12 %. Hors contrats de plan État-région (CPER), plan Campus et budgets dédiés de chaque université, 135 millions d'euros ont été consacrés à l'accessibilité des universités et des écoles dans le budget du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Depuis 2005, une enveloppe de 7,5 millions d'euros est allouée pour mettre en place des aides spécifiques destinées aux étudiants dans les universités. Dans les écoles, un peu moins de 700 élèves bénéficient de dispositifs de soutien spécifiques, dont le coût est d'environ 300 euros par personne, ce qui est faible. Il faut poursuivre les efforts en vue de consacrer des crédits supplémentaires à l'accessibilité.

Les chartes signées soit avec la Conférence des grandes écoles soit avec les universités affirment des valeurs communes. Si le ministère peut dicter certains principes aux établissements qui dépendent de lui, pour ceux qui appartiennent au secteur privé, il doit plutôt déployer un travail de persuasion. Néanmoins, tout le monde est convaincu qu'il est important de faire des efforts.

S'agissant de l'extension du droit au réexamen instauré dans le premier cycle au niveau du master, nous devons examiner si la nécessité s'en fait sentir. Je n'ai pas d'avis préconçu. La procédure est relativement récente – nous n'en sommes qu'à la troisième année d'application. Nous tentons de l'améliorer année après année. Elle est compliquée à mettre en place puisqu'elle suppose l'intervention des recteurs qui ne connaissent pas forcément les dossiers.

D'après un recensement de la DGESIP, la représentation des étudiants en situation de handicap dans les masters s'améliore. Le principe de l'examen du dossier à l'échelle académique permet de donner toutes leurs chances à ces étudiants, d'autant que les universités cherchent à attirer ceux qui sont excellents. Il y a 14 % des étudiants handicapés diplômés du premier cycle qui sont inscrits en master 1, ce qui se rapproche des chiffres observés pour la population étudiante générale – 13 %. Aujourd'hui, il n'y a pas de seuil d'exclusion entre le premier et le deuxième cycle pour les étudiants en situation de handicap. La difficulté principale, à laquelle tous les étudiants sont confrontés, est de s'insérer dès le départ dans un cycle de réussite. Je suis favorable à une amélioration continue et nous sommes prêts à travailler à un droit de poursuivre ses études plus inclusif.

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