Ensuite, nous voudrions relayer auprès de notre Commission l'extrême défiance dont les pêcheurs font preuve à l'encontre des institutions européennes. Alors que la PCP les protège et leur permet d'aller pêcher sans difficulté dans les eaux des autres États membres, et au moment où le Brexit révèle l'ampleur de la catastrophe résultant d'une absence de coopération européenne, certains pêcheurs nous ont dit être favorables à la sortie de la France de l'Union européenne, pour des questions liées à la pêche. Il faut rappeler que les pêcheurs britanniques ont voté à 92 % pour le Brexit, même en Écosse.
Nous voyons dans cette situation la conséquence regrettable d'un dialogue quasi-inexistant entre les pêcheurs et les instances européennes. Nous formulons dans le rapport des préconisations pour y remédier. Mais nous pouvons aussi y voir le symptôme d'une formation des jeunes pêcheurs, encore trop peu axée sur les enjeux de durabilité et d'environnement, ce qui peut contribuer à une incompréhension dommageable. Nous formulons donc des propositions visant à introduire dans les formations des futurs pêcheurs des modules entièrement dédiés à la question de la durabilité des ressources halieutiques.
Enfin, nous voulons mettre en avant une question qui est trop souvent oubliée dans la politique des pêches et dont l'enjeu ne fait que croître : la prise en compte de la pêche de loisir. Les données manquent sur ce point et les études sont rares. Néanmoins, tout porte à croire que la concurrence entre pêcheurs professionnels et certains pêcheurs de loisir, qui sont souvent des anciens professionnels, très bien équipés et aguerris, ne va cesser d'augmenter. Cette concurrence déloyale se fait déjà ressentir sur certaines espèces, en particulier le bar. Cette pêche de loisir peut, dans certaines zones, alimenter les restaurants locaux et certains particuliers. Nous proposons donc de durcir les contrôles et d'instaurer un système européen de « bague » et de déclaration de pêche beaucoup plus strict. Il faut en finir d'urgence avec cette concurrence déloyale qui s'installe et nuit aux pêcheurs professionnels.
Pour conclure, je voudrais insister sur le rôle économique, social et environnemental que joue la pêche en Europe. Notre rapport pointe, bien entendu, les difficultés de la filière, et elles sont nombreuses. Pour compléter le tableau rapidement brossé ici, j'ajouterai le rôle insuffisant du FEAMP pour inciter à l'innovation et accroître la sélectivité des moyens de pêche ; la nécessité de créer un écolabel public européen de « pêche durable », puisque ce sont des labels privés qui dominent aujourd'hui le secteur ; le rôle ambigu de l'aquaculture, puisqu'il faut environ 3 kg de farine de poisson pour obtenir 1 kg de produit de l'aquaculture ; l'impact encore peu connu du réchauffement climatique sur la pêche et la nécessité d'engager des recherches européennes sur ce sujet.
Mais notre rapport met aussi en avant les progrès, les réalisations concrètes accomplies par les pêcheurs, les scientifiques, les ONG et les décideurs publics, depuis une décennie.
La situation des stocks demeure en majorité inquiétante, nous l'avons bien dit. Mais la prise de conscience de l'urgence d'une gestion raisonnée et durable des stocks a véritablement eu lieu et donne espoir. La PCP dispose des outils nécessaires à cette gestion durable, et il importe désormais de les mettre en oeuvre avec méthode, dans un dialogue constant et confiant avec les professionnels. Cette nouvelle méthode doit permettre de faire de la pêche européenne un exemple mondial en matière de durabilité.
On pourrait résumer notre rapport par cette formule : pêcher moins pour pêcher mieux et gagner plus. Voilà l'enjeu pour la filière de la pêche européenne, afin de sauver à la fois les poissons et les pêcheurs.