Monsieur Jacques, le partage de notre fonction stratégique de dissuasion est un sujet déjà ancien ; M. Juppé avait déjà mené des réflexions sur cette question en 1999.
Dans tous leurs discours sur la dissuasion, les présidents évoquent les intérêts vitaux de la France, qu'ils associent régulièrement à ceux de l'Allemagne, du Royaume-Uni ou de l'Europe de façon générale. Il ne m'appartient pas d'avoir une opinion sur ces vues politiques.
Aujourd'hui, une dissuasion partagée existe, c'est celle de l'OTAN. Si le président de la République souhaitait mener une réflexion sur un autre concept de dissuasion partagée, oui, nous trouverions des possibilités. La composante aéroportée peut être adaptée à ce partage, comme en témoigne l'expérience de l'OTAN.
Monsieur Ferrara, s'agissant de la coopération avec le MRTT, je vous l'ai dit, nous serons en mesure de couvrir l'ensemble du spectre des missions : Morphée, transport stratégique, projection de puissance et dissuasion – cette dernière comptant pour 4 % de l'activité de ces moyens. L'enjeu est bien d'avoir les 15 MRTT en temps et en heure – les 12 premiers devraient être livrés en 2023 –, les C-135 étant particulièrement fatigués.
Concernant l'EATC, je rencontre très régulièrement le général Marboeuf, commandant l'European Airlift Tranport Command et les choses sont claires : les MRTT contribueront à l'effort français en faveur de ce mécanisme européen. Il reste à rendre conciliable leur utilisation dans un cadre multinational avec le fait que ces appareils constituent, du fait de leur participation à la mission de dissuasion, une force régalienne. Quoi qu'il en soit, je pense que dans l'esprit du général Lavigne, c'est très clair : l'EATC disposera probablement, à terme, de trois appareils pour réaliser ses missions de transport stratégique, selon des modalités de transfert d'autorité restant à définir.
Monsieur Blanchet, votre question porte sur la cyber-résilience. Il s'agit d'un vrai challenge, d'une difficulté pour tout le monde. Toutefois, la particularité des réseaux nucléaires est qu'ils sont complètement fermés, isolés, redondants, testés très régulièrement et, évidemment, très surveillés. Mais nous ne sommes pas naïfs, nous savons que nous pourrions avoir des vulnérabilités, notamment dans le champ de ce que nous appelons « l'hygiène SSI » – il s'agit éviter, par exemple, que des personnels utilisent des clés USB ne provenant pas des FAS. Nous avons donc pris des mesures de renforcement de la sécurité en la matière.
Nous travaillons très régulièrement avec le commandement de la cyberdéfense pour connaître l'état de la menace, et l'Agence nationale de sécurité informatique inspecte nos outils très souvent. Cette menace est prise en compte, le volet cyber est d'ailleurs inclus dans le coût des programmes de transmissions.
Depuis 2014, nous avons d'ailleurs l'obligation de faire homologuer nos systèmes face à cette menace. Nous arrivons à la fin du processus et tous nos systèmes nucléaires ont été homologués. Résilience, redondance et vigilance sont les maîtres mots de nos efforts en la matière.
Par ailleurs, le cyber est un nouveau champ de bataille, après la terre, l'air, la mer et maintenant l'espace. Ceux qui combattront dans ce champ le feront avec des effets qui seront maîtrisés ou pas, et importants ou pas. Le président Hollande indiquait que la dissuasion sera nécessaire contre tout ce qui empêchera la Nation de survivre. Alors, le risque cyber empêchera-t-il la France de survivre ? Nous n'en connaissons pas encore bien les effets. Mais nous sommes certains que la dissuasion nucléaire empêchera la remise en cause de nos intérêts vitaux.
Concernant la frappe venue d'un pays tiers, l'un des objectifs de la dissuasion est d'offrir au président une granularité dans les moyens d'action qui lui permette d'éviter la logique « zéro-un ». C'est là le concept même de l'avertissement : démontrer à l'adversaire notre détermination et s'assurer qu'il ne se méprenne pas sur la délimitation de nos intérêts vitaux, comme le disait le président Hollande dans son discours de 2015.