S'agissant de la FANu, Monsieur Marilossian, je m'attendais à cette question. Je connais bien l'aéronavale, car j'ai servi pendant trois ans sur les porte-avions Foch et Clemenceau.
Je citerai l'amiral Rogel, en 2014 : « la FANu ne peut pas être comparée aux FAS, car elle constitue une force non permanente ». Il s'agit bien de deux niveaux d'ambition différents. La force permanente est composée de la FOST et des FAS tandis que la force de circonstance qu'est la FANu permet d'offrir des options supplémentaires au président de la République et, dans le dialogue dissuasif, correspond à l'une des façons de commencer à gravir « l'échelle de perroquets ».
Comme le disait l'amiral Rogel, la question, concernant la FANu, est celle des aménagements particuliers sur le porte-avions que nécessite la présence à bord de missiles nucléaires. Concernant le Charles De Gaulle, ils ont déjà été effectués et les capacités nécessaires sont disponibles.
Si la France décidait de se doter d'un nouveau porte-avions, faudra-t-il prévoir une capacité nucléaire sur ce porte-avions ? La réponse est oui. Cependant cette capacité ne permet pas de justifier à elle seule l'acquisition d'un nouveau porte-avions, qui répond à une autre logique militaire. Par ailleurs, je travaille régulièrement avec l'amiral Jean-Philippe Rolland, nous allons réaliser un exercice commun dans les mois qui viennent.
Madame Mirallès, votre question concerne le Rafale. Cet appareil arrive à maturité. Nous disposons, avec lui, d'un système particulièrement performant. Nous pouvons voler plus longtemps, plus bas, et combattre en basse altitude. La vraie question, comme vous le soulignez, concerne l'activité des équipages du Rafale, qui aujourd'hui ne volent que 160 heures par an en moyenne. Les armées et l'armée de l'air sont aujourd'hui mobilisées afin que le plan d'amélioration du MCO aéronautique porte ses fruits. Et une remontée progressive d'activité est prévue avec une rejointe de la norme de 180 heures de vol par pilote en fin de LPM.
Quant à l'option intermédiaire, Monsieur Gassilloud, à savoir les frappes d'avertissement, elle fait partie du concept français. Elle répond à la question « comment restaurer la dissuasion » ? Nous passerions du monde conventionnel à une situation exceptionnelle dans laquelle les intérêts de la France seraient menacés et où il s'agirait d'éviter au président de la République d'en venir d'emblée aux frappes nucléaires par une gradation dans la riposte. Lors de son discours sur la dissuasion, le président Hollande a précisé qu'il n'y aura alors qu'un seul avertissement.
Le paramétrage de l'ASMPA renvoie à la question du contrôle gouvernemental. Sous la responsabilité du Premier ministre et sous le contrôle de l'inspecteur des armements nucléaires, le contrôle gouvernemental permet de garantir que seul le président de la République pourra donner l'ordre de frappe sur les objectifs qu'il aura lui-même définis. Sur le point précis du paramétrage du missile, je peux vous répondre que celui-ci n'est pas du ressort de l'équipage.
Concernant le niveau de préparation des équipages, mes responsabilités organiques m'amènent à m'assurer que mes équipages ont un haut niveau opérationnel. Je fais donc en sorte qu'ils puissent effectuer au moins une, voire deux opérations Poker par an, ou un exercice de haute intensité. Cela correspond à un choix de l'armée de l'air visant à préserver ce savoir-faire « d'entrer en premier », qui nous différencie des autres nations : nous savons mener des combats de haute intensité. Peu de pays auraient été capables de frapper en Syrie.
Monsieur Lejeune, concernant la météo, vous vous doutez que nous la suivons en permanence. Car ce que vous dites est non seulement vrai pour le raid, mais aussi, en temps de paix, pour le montage des armes. S'il y a un risque d'orage dans un rayon de 50 kilomètres autour d'une base, nous ne sortons pas les armes pour nos exercices. En réalité, la météo est une contrainte du temps de paix. Sur le plan opérationnel, les pilotes sont habitués à voler dans des conditions extrêmes. Par exemple, la norme du temps de paix, c'est 40 noeuds de vent mais il est déjà arrivé à des équipages de voler par 60 ou 70 noeuds de vent pour des raisons opérationnelles. Nos systèmes modernes nous permettent de nous affranchir du brouillard ou, bien entendu, de la pénétration dans les nuages. Au-delà des aspects techniques, la force du concept réside dans sa souplesse : en cas d'ouragan, nous prendrions des mesures de déploiement pour être en mesure de répondre aux directives du président de la République, en dépit de cet aléa météo.
Madame Trastour-Isnart, s'agissant du kit Morphée, nous l'avons installé après l'attentat de Karachi. Nous n'en possédions pas, ce sont ainsi les Allemands qui sont allés chercher nos blessés. J'ai exprimé le souhait que ce kit soit monté en permanence pour que nous puissions avoir la garantie d'aller chercher des blessés le plus rapidement possible, avec l'équipe médicale adaptée. J'espère que nous pourrons assurer cette permanence d'un avion équipé dès que nous aurons réceptionné trois ou quatre MRTT. Je vais prochainement m'entretenir avec la directrice du service de santé des armées pour définir combien de personnels seront nécessaires, et pour analyser les contraintes et les délais qui devront être respectés. Une fois l'avion équipé en permanence, le facteur dimensionnant en termes de réactivité sera le temps de mise en place à Istres de l'équipe médicale. Nous devons travailler ensemble pour que ces délais puissent correspondre aux besoins pour le rapatriement des blessés.
Monsieur Kervran a posé une question sur les AWACS. Le raid nucléaire est composé d'un ensemble cohérent de plusieurs dizaines d'avions, parmi lesquels des AWACS, des porteurs d'armes nucléaires, des avions de supériorité aérienne, des avions capables de détruire les défenses adverses sol-air, etc. C'est la raison pour laquelle je dis qu'avec le raid, c'est toute l'armée de l'air qui va au combat.
Dans toutes les opérations Poker, un AWACS est présent, et pour le raid Hamilton nous en avions deux. Il en va de la crédibilité du raid et tout le monde est persuadé de son importance. En matière de renouvellement, pour ma part, j'explique les spécificités de ma mission et c'est l'état-major de l'armée de l'air qui exprime les besoins capacitaires.
Monsieur Trompille, pour un objet hors atmosphère, 10 000 kilomètres se parcourent en environ 50 minutes. Tel est donc notre préavis pour intercepter un missile. Concernant les moyens, la France a fait le choix de ne pas posséder de défense anti-missile, considérant que ce champ est couvert par la dissuasion. Celle-ci ne nous prémunit certes pas d'une frappe : elle garantit seulement à l'adversaire, comme pour toute atteinte de nos intérêts vitaux, qu'il paiera un prix exorbitant, celui de supporter des dommages absolument inacceptables. À la différence de la doctrine d'autres pays, le principe n'est pas de garantir la victoire en cas de confrontation, mais bien plutôt d'affirmer le prix de nos intérêts vitaux.