Intervention de Joël Barre

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 17h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Monsieur le président, je vous remercie pour votre invitation. Mon propos liminaire se divisera en trois parties : la première sera consacrée à l'exécution budgétaire et capacitaire en 2018 et au premier semestre 2019 ; la deuxième portera sur la transformation de la DGA, chantier engagé depuis 2017 ; la troisième s'attachera à la coopération européenne, qu'elle soit bi- ou multi-latérale ou qu'elle prenne place dans le cadre de la préparation du Fonds européen de défense avec la Commission européenne.

Rassurez-vous, je ne vais pas faire une liste de toutes les opérations que nous avons lancées ou de toutes nos commandes. En 2018, sur le programme 146 « Engagements des forces », nous avons engagé 12,5 milliards d'euros, soit un niveau tout à fait conforme aux hypothèses d'entrée de la loi de programmation militaire (LPM). Nous pouvons signaler parmi les engagements les plus emblématiques le lancement du standard F4 du Rafale, la prochaine génération du missile air-air MICA (missile d'interception de combat et d'autodéfense de nouvelle génération), dite MICA-NG, la commande de trois avions Phénix MRTT (MultiRole Transport Tanker) et du cinquième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda – la commande d'un sixième sous-marin est en train d'être passée au titre de l'année 2019. La mise à l'eau du Suffren est prévue pour le 12 juillet prochain.

En 2018, notre besoin de paiement s'est élevé à 12,1 milliards d'euros, montant là encore conforme aux hypothèses d'entrée de la loi de programmation militaire. Les crédits de paiement qui nous ont été alloués, soit 10 milliards d'euros, ont été consommés dans leur totalité. Le report de charge s'élève donc à 2,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2018, soit un montant conforme à l'hypothèse élaborée au titre de la trajectoire de la LPM que nous vous avions présentée au début de l'année 2018.

En ce qui concerne les études amont, nous avons engagé en 2018 un montant total de 765 millions d'euros pour un besoin de paiement de 718 millions d'euros. Nous avons lancé le programme du démonstrateur de planeur hypersonique V-Max (Véhicule manoeuvrant expérimental). Nous avons commencé les travaux de préparation du porte-avions de nouvelle génération et avons engagé les travaux d'études système et de charge utile du futur satellite de communication militaire SYRACUSE IVC.

Au titre de ce budget de recherche et d'innovation, nous allons continuer à abonder le dispositif de régime d'appui à l'innovation duale (RAPID) destiné aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire, à hauteur de 50 millions d'euros comme chaque année.

Nous avons mis en place le pilotage de nos études amont avec la nouvelle Agence de l'innovation de défense, sur laquelle je reviendrai.

Sur toute l'année 2019, le besoin en engagements sur le programme 146 s'élève à 15,4 milliards d'euros, soit environ 2,5 milliards de plus qu'en 2018. Comme nous le voyons, la dynamique d'engagement et d'investissement de la LPM prend son essor. Au premier semestre, les principaux engagements réalisés ont porté sur les pétroliers ravitailleurs, autrefois appelés « Flotlog » – flotte logistique – que la marine nationale a rebaptisés « bâtiments ravitailleurs de forces » (BRF). Nous avons également commandé le segment sol des satellites de télécommunication SYRACUSE IV.

Pour le deuxième semestre, parmi les engagements marquants, je citerai la phase de réalisation du programme Eurodrone, drone de renseignement développé avec l'Allemagne et l'Italie, qui fait l'objet d'une négociation de contrat en ce moment. Nous avons engagé la poursuite des travaux de développement du missile balistique M-51.3, nouvel incrément de réalisation du missile balistique de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).

Pour le programme 146, en 2019, nos besoins de paiement s'établissent à 13,3 milliards d'euros, qui incluent le report de charge de 2,1 milliards au titre de 2018. Les ressources allouées étant de 10,96 milliards d'euros, le report de charge à la fin de cette année sera donc de 2,6 milliards d'euros, conformément à la trajectoire de la LPM. Quant au montant des paiements exécutés depuis le début de l'année, il s'élevait à la mi-juin à 5,8 milliards d'euros, ce qui correspond à nos prévisions.

En ce qui concerne le second semestre, je signalerai que nous devons livrer à la fin de l'année le premier système de drone tactique (SDT) fourni par la maison Safran. Par ailleurs, nous allons livrer les premiers Griffon : nous avons prononcé la qualification du Griffon de l'armée de terre au début de la semaine dernière et avons réceptionné les six premiers véhicules. Le Griffon aura l'honneur d'être présent au défilé sur les Champs-Élysées le 14 juillet prochain. Au total, 92 Griffon devront être livrés cette année.

Les ressources consacrées aux études amont augmentent, conformément à la trajectoire inscrite dans la LPM. Nous visons 1 milliard d'euros de crédits pour 2022 et bénéficions cette année de 920 millions d'engagements et 758 millions d'euros de paiements. Chaque année, 50 millions d'euros seront consacrés au dispositif RAPID et 10 millions d'euros à Definvest, fonds de prise de participation dans les PME et les start-up que nous considérons comme critiques et stratégiques pour la défense.

J'évoquerai l'avancée du programme de partenariat innovant Artemis qui porte sur le développement d'une info-structure de réseaux et de traitement de données pour les armées, conduit parallèlement par deux consortiums industriels. Je citerai encore le lancement des travaux du système de combat aérien du futur, le fameux SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) – en anglais FCAS – Future Combat Air System –, et celui, au début de l'année 2019, des études moteur auprès de Safran à l'échelon national au titre du programme d'études amont Turenne. Nous continuons à travailler avec nos amis britanniques puisque nous avons lancé avec eux des études technologiques au début de l'année ; ces études permettent ainsi de maintenir le dialogue avec le Royaume-Uni dans le domaine de l'aviation de combat. Enfin, nous avons commencé les études de préparation du porte-avions de nouvelle génération.

Dans le domaine de l'espace, nous avons commencé la phase de réalisation du segment sol du satellite SYRACUSE IV ainsi que le programme OMEGA – Opération de modernisation des équipements GNSS des armées –, destiné à équiper nos différents systèmes d'armes d'un récepteur de navigation par satellite dont les capacités de géolocalisation reposent à la fois sur le système Galileo et le GPS. Par ailleurs, nous avons entamé la préparation du programme Céleste qui succédera aux satellites d'écoute électromagnétique CERES – Capacité d'écoute et de renseignement électromagnétique spatiale. Nous lançons également le programme IRIS, successeur de MUSIS (Multinational Space-based Imaging System), dont le premier satellite CSO-1 a été lancé en fin d'année dernière.

L'ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) a consisté cette année à ajuster les programmes en fonction de l'évolution des besoins et de la réalité de leur déroulement. Je n'ai rien de majeur à vous signaler si ce n'est la prise en compte des différents projets que je viens d'évoquer.

Les travaux menés depuis la présentation de la LPM ont permis de lever certaines hypothèses sur lesquelles la loi était construite et qui constituaient autant de risques. Je pense en particulier à celles ayant trait aux plans de paiement des différents projets. Je considère qu'aujourd'hui, 90 % de ces risques ont été résorbés. En ce qui concerne l'exportation, nous avons également levé toutes les hypothèques qui pouvaient peser sur l'A400M et sur le NH90. Tout cela ne fait que consolider le référentiel de programmation que nous vous avions présenté.

Par ailleurs, l'A2PM en 2019 a permis de reprogrammer des dépenses associées aux annulations survenues lors des deux précédents exercices : 850 millions en 2017 et 319 millions en 2018. Cela a permis de commander l'hélicoptère Caracal afin de compenser l'attrition subie par l'armée de l'air il y a quelques années déjà.

J'en viens à la transformation de la DGA, qui a pour but de nous permettre d'adapter notre organisation et notre fonctionnement aux évolutions de notre environnement, notamment en tenant compte des exigences que nous impose la LPM. Nous devons être à la hauteur des crédits qui nous sont confiés pour réaliser l'ensemble des systèmes d'armes.

Partant des orientations fixées par notre ministre le 5 juillet 2018, nous avons créé l'Agence de l'innovation de la défense qui pilote notre politique d'innovation au sein du ministère et qui a pour objectif de nous ouvrir davantage à l'innovation issue du domaine civil, en matière de robotique ou de numérique par exemple.

Nous avons renforcé l'approche capacitaire dans la préparation et la conduite des programmes, en particulier en rapprochant les équipes de la DGA et celles de l'État-major des armées de manière qu'elles travaillent d'avantage ensemble, y compris autour de plateaux.

En outre, nous avons revu l'ensemble de nos méthodes de préparation et de conduite des opérations d'armement grâce à une nouvelle instruction ministérielle portant le numéro 1618, qui définit plus en détail les procédures que nous devons désormais suivre. Elle s'appuie sur une volonté de simplifier et de rationaliser. Elle met en place un document unique de besoins partagé par les armées, la DGA et l'industrie, qui vaut contrat entre elles dès le début d'un programme alors que jusqu'à présent, une fiche de caractéristiques militaires venait spécifier les besoins des armées à la DGA et une fiche de spécifications techniques venait indiquer les besoins de la DGA à l'industrie.

Nous avons également décidé de généraliser la démarche incrémentale qui vise à permettre à nos programmes d'armement de fournir aux armées le plus rapidement possible les innovations nécessaires pour répondre à leurs besoins opérationnels en fonction de l'évolution des technologies, de manière à ne pas avoir à attendre dix ans pour livrer un programme.

Enfin, nous avons revu certains modes d'acquisition et de relations contractuelles avec l'industrie afin de les rendre plus souples et plus efficaces, obtenir un retour sur les investissements de l'État supérieur à celui que l'on pouvait obtenir jusqu'à présent, notamment en matière d'exportations, et rationaliser notre processus d'essais et d'expérimentation des matériels en fin de réalisation, de manière à éviter toute duplication entre les essais, évaluations et expérimentations menés par la DGA, les armées et l'industrie.

Toutes les orientations fixées en juillet dernier sont donc désormais mises en pratique.

Dans le domaine de la recherche et de la technologie, nous avons à nous adapter en interne. Nous avons procédé à des ajustements d'organisation et de fonctionnement, notamment à la suite de la création de l'Agence de l'innovation de défense. Nous avons renforcé nos capacités en ingénierie système, performance nécessaire pour faire le lien entre le besoin et la définition de nos systèmes d'armes. Nous avons regroupé nos capacités en matière d'informatique et de techniques de gestion. Enfin, nous nous sommes rapprochés de la Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la Défense (DIRISI) au sein du ministère des armées afin de créer une unité de management mixte. Cela permettra de répondre aux besoins du ministère des armées en matière de systèmes d'information et de développer ceux-ci encore plus efficacement. En outre, nous avons lancé une démarche de simplification généralisée de notre fonctionnement interne dont nous sommes en train de récolter les premiers fruits. Toutes ces évolutions sont déclinées dans l'ensemble de nos centres techniques où nous avons créé des clusters d'innovation qui sont le relais de l'Agence de l'innovation de défense dans les différents territoires où nous sommes implantés.

Nous devons bien sûr aussi poursuivre l'adaptation de notre politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Pour ce faire, nous avons lancé un plan annuel de ressources humaines que nous mettons à jour en fonction des besoins.

Quant à la coopération européenne, elle renvoie d'abord au Fonds européen de défense et des actions préparatoires qui s'y rattachent. Inutile de revenir sur le fait que pour la première fois, nous avons des fonds européens consacrés aux dépenses de défense. Deux programmes expérimentaux ont pour l'instant été mis en place : l'action préparatoire pour la recherche en matière de défense (PADR), dotée de 90 millions d'euros pour les années allant de 2017 à 2019, et le programme européen de développement industriel pour la défense (PEDID), doté de 500 millions pour 2019-2020. Le règlement du PEDID a été adopté et les premiers programmes ont été retenus. Nous savons que certains projets seront abondés par le fonds dès son lancement : le programme de l'Eurodrone et le projet européen de radio logicielle de nouvelle génération ESSOR (European Secured Software defined Radio). Des appels à projets sont lancés pour recueillir les propositions de l'industrie. Ils concernent en particulier le système de navigation par satellite, un programme de plateformes stratosphériques de renseignement, Euro-HAPS – European High Altitude Platform Stations, ou encore des travaux d'amélioration des plateformes navales, dans le cadre desquels le projet de rapprochement industriel entre Naval Group et Fincantieri constitue une excellente proposition.

En matière de coopération bi- ou multilatérale, nous travaillons assidûment avec quatre pays européens à la préparation et à la conduite de nos projets : l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Belgique.

Avec l'Allemagne, nous sommes en train de préparer le système de combat aérien du futur, le SCAF, qui a fait l'objet d'une signature d'accord de coopération au salon du Bourget entre la France, l'Allemagne et l'Espagne. Nous préparons également le projet de char de combat du futur, le MGCS – Main Ground Combat System. En outre, dès ce mois-ci, nous allons engager la préparation du programme d'aviation de patrouille maritime du futur, le MAWS – Maritime Airborne Warfare System –, pour lequel nous voulons notifier la première étude d'architecture système à la fin de cette année. Nous avons adressé la semaine dernière, avec nos amis allemands, une demande de proposition à l'industrie.

S'agissant de l'Italie, nous pouvons saluer la signature par Naval Group et Fincantieri du joint–venture Poseidon qui se consacrera aux navires de surface militaires. Nous soutenons cette société avec les programmes multilatéraux que nous menons en coopération avec nos amis italiens, qu'il s'agisse des pétroliers ravitailleurs ou de la rénovation à mi-vie des frégates du programme Horizon. Nous travaillons également sur les suites du système sol-air de moyenne portée terrestre (SAMP-T) dans le prolongement du programme Aster – développement d'un nouveau missile, changement des radars équipant les bateaux français et italiens, système de contrôle-commande commun aux deux pays.

Avec le Royaume-Uni, malgré les incertitudes liées au Brexit, nous travaillons sur la guerre des mines du futur dont les essais sont en cours depuis le début du mois de juin. Nous comptons passer en réalisation en 2020. Nous nous penchons également sur la suite à donner au programme de missiles antinavire et de missiles de croisière FMANFMC qui ont fait l'objet d'une mission d'information commune entre l'Assemblée nationale et la Chambre des Communes. En outre, nous maintenons le dialogue sur l'aviation de combat du futur même si les Britanniques ont annoncé l'année dernière au salon de Farnborough qu'ils lançaient leur propre projet, Tempest, alors que nous nous consacrons au SCAF.

Avec les Belges, le contrat de partenariat gouvernemental est entré en vigueur tout récemment. Et je vous remercie, Mesdames, Messieurs les députés, d'avoir contribué à rendre possible cet accord intergouvernemental en le ratifiant. Le contrat de partenariat gouvernemental CaMo – capacité motorisée – permet dans un premier temps à nos amis belges de faire acheter - au nom et pour le compte de l'Etat belge- par la DGA des véhicules Griffon et Jaguar identiques aux nôtres et à renforcer la coopération opérationnelle entre nos armées de terre.

Parmi nos missions, figurent l'équipement des forces, la préparation du futur, le développement des coopérations mais aussi le soutien des exportations. Je n'ai pas besoin de revenir sur les résultats que nous vous avons communiqués pour 2018 et sur le rapport qui a été diffusé depuis. Je soulignerai simplement que nous développons nos exportations en Europe avec les Belges et les Espagnols.

La DGA se situe à l'une des pointes du triangle qui la relie à l'armée et à l'industrie pour réaliser les systèmes d'armes du futur et répondre aux besoins capacitaires de nos armées. Elle s'adapte à son environnement en prenant en compte l'évolution des technologies.

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