Intervention de Amiral Christophe Prazuck

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Christophe Prazuck :

Monsieur le président, mesdames et Messieurs les députés, je suis flatté que ce soit avec mon intervention que se conclue le cycle d'auditions que vous évoquiez. Depuis 2017, je viens devant vous deux fois par an ; l'une, en automne, pour des questions d'ordre budgétaire ou financier ; l'autre, au printemps ou l'été, me permet de faire un point sur l'activité de la marine. Je le ferai avec quelques propos introductifs ainsi qu'avec un film qui, je l'espère, donnera à voir un peu de notre activité concrète, à vous qui êtes nombreux à souhaiter embarquer.

Avant tout, permettez-moi d'exprimer ici une pensée toute particulière pour les premier-maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, du commando Hubert, qui ont trouvé la mort au Mali il y a quelques semaines.

Permettez-moi aussi de vous dire que, lorsque j'assistais à l'hommage organisé aux Sables d'Olonne en la mémoire des sauveteurs de la société nationale de secours en mer récemment décédés en mission, j'ai été frappé par les similitudes entre les marins civils et militaires. Engagés au service de leurs concitoyens, ils accomplissent leur mission en toute simplicité mais sans réserve, y compris lorsqu'il faut prendre des risques.

Pour en venir à notre activité récente, je commencerai par indiquer que le porte-avions Charles De Gaulle sera de retour à Toulon dans quelques jours. Il revient d'une mission commencée au mois de mars qui l'a conduit d'abord à effectuer diverses opérations de montée en puissance, avec le soutien des marines italienne et espagnole, pour ensuite rejoindre la Méditerranée orientale afin de participer aux derniers combats contre le califat autoproclamé de Daech. Il a bénéficié alors de l'escorte de bâtiments portugais, danois, britanniques et américains pour conduire des opérations pendant plusieurs semaines sur le théâtre syrien. Il est ensuite passé en océan Indien, en particulier pour participer au plus grand exercice naval franco-indien à ce jour, organisé à Goa sous le nom de Varuna. Il s'agissait en effet d'un exercice impliquant des porte-avions, des sous-marins, des bâtiments de guerre des mines et des forces spéciales.

Dans le golfe du Bengale, le porte-avions a également conduit l'exercice « La Pérouse », avec les marines japonaise, australienne et américaine ; c'est le premier exercice que notre marine réalisait avec le porte-hélicoptères japonais JDS Izumo, que le Japon prévoit de transformer en porte-avions. Le Charles De Gaulle s'est ensuite rendu à Singapour au moment du Shangri-La Dialogue, avant de participer à des exercices conjoints avec la marine et l'armée de l'air singapouriennes. En outre, l'un de ses navires d'escorte, le Forbin, est allé naviguer en mer de Chine méridionale, faisant escale à Hô-Chi-Minh-Ville.

Nous nous déployons en moyenne trois à quatre fois par an dans cette mer. Récemment, le passage du détroit de Taïwan par le Vendémiaire a donné lieu à des observations et des débats. Notre posture dans la zone n'a pas évolué : nous y naviguons régulièrement afin de réaffirmer notre attachement au droit maritime international que nous respectons scrupuleusement.

Je tiens à souligner par ailleurs l'importance de l'exercice Formidable Shield, que nous avons conduit en mai dernier. De façon cohérente avec ce que l'on imagine devoir être les menaces de demain, l'enjeu consistait pour notre frégate Bretagne à détecter et à intercepter un missile supersonique. Il était important de démontrer à cette occasion les performances en matière de combat anti-aérien de nos FREMM ainsi que les qualités de nos missiles Aster 15, qui ont été poussés assez loin dans leurs capacités. À tous égards, il s'agit d'une grande réussite. Les remarquables qualités de ces frégates étaient déjà unanimement reconnues dans le domaine de la lutte sous la mer, et le sont désormais également dans le champ de la protection et de la lutte anti-missiles.

Depuis ma dernière audition, le groupe Jeanne d'Arc constitué autour d'un porte-hélicoptères amphibie a appareillé de Toulon, où il doit rentrer prochainement. À l'occasion de son tour de l'Afrique, il a conduit un exercice d'ampleur avec la marine égyptienne, qui possède elle-même deux porte-hélicoptères amphibies. Croisant au large du Mozambique, qui venait d'être ravagé par un cyclone, le groupe a pris part aux opérations d'aide aux populations et démontré une fois de plus, à cette occasion, ses excellentes capacités amphibies et la capacité des bateaux de la Marine de passer sans préavis d'une mission à une autre, voire d'en conduire plusieurs simultanément. Enfin, aux Antilles, le même groupe a mené avec les Néerlandais un exercice conjoint relatif aux missions de secours après des catastrophes naturelles – appelées, dans le langage de l'OTAN, HADR pour Humanitarian Assistance and Disaster Relief. Cet exercice nous a permis de franchir un pas de plus dans la coordination avec les Pays-Bas.

Dans la même période, en raison de la perspective de Brexit, l'état-major de l'opération Atalante a déménagé de Northwood, au Royaume-Uni, pour le port espagnol de Rota, où se trouve le commandement de l'opération, et pour Brest, où est installé le centre de renseignement et de liaison avec les armateurs. Il se trouve d'ailleurs que c'est à Brest qu'est installé un centre qui remplit les mêmes fonctions pour le Golfe de Guinée ; il s'agit de collecter l'ensemble des informations relatives au trafic maritime et à sa sécurité, pour alerter très rapidement de tout risque d'attaque les armateurs ainsi que les marines des pays riverains. Ces mesures ont ainsi pour effet d'accroître nos capacités de surveillance maritime et d'alerte, concentrées à Brest.

Concernant la lutte contre les trafics illicites, notamment les trafics de drogue, vous avez certainement relevé que le début de l'année 2019 est marqué par une hausse très importante de nos saisies. En un an, nous avons intercepté dix-neuf tonnes de drogue, dans les Antilles, dans le Pacifique, dans l'océan Indien et en Méditerranée.

Le succès de ces opérations doit beaucoup au dispositif législatif de la dissociation qui permet d'intercepter des navires, de saisir et de détruire la drogue ainsi que de relever l'identité des marins, sans pour autant avoir à les conduire dans un port français. Il est particulièrement efficace.

Ce succès doit beaucoup aussi aux liens de coopération que nous avons tissés, tant avec les autres administrations françaises, notamment les douanes, qu'avec les administrations et les marines d'autres États. La récente saisie de sept tonnes de cannabis en Méditerranée occidentale constitue d'ailleurs un bon exemple de l'efficacité de la coopération non seulement avec nos alliés, mais aussi entre les douanes et la marine, les premières contribuant au succès commun par leurs capacités de renseignement et la seconde par ses compétences en matière de surveillance et d'intervention en mer.

Par ailleurs, l'année écoulée a été marquée par trois incidents majeurs en matière de sécurité maritime. En mars 2018, le cargo Britannica Hav s'est retourné dans la Manche et nous avons dû le remorquer jusqu'au port du Havre ; en octobre 2018, c'est l'Ulysse qui s'est encastré dans un pétrolier au large du Cap Corse ; enfin, il y a trois mois, le Grande America a fait naufrage dans le Golfe de Gascogne. Ce dernier cas est d'ailleurs, à ma connaissance, le premier naufrage de pétrolier au large de notre pays qui n'ait pas entraîné de pollution sur nos côtes ; certainement, la chance et des conditions météorologiques favorables nous ont aidés, mais il n'en reste pas moins que c'est là une première et, il faut le dire, un succès. Il a débuté par le sauvetage de l'équipage, avec l'appui d'une frégate britannique ; ensuite, nous avons conduit des opérations d'investigation pour comprendre l'origine de l'incendie. Puis il a fallu mettre en oeuvre très rapidement des mesures anti-pollution en surface, enfin, mettre en sécurité l'épave, qui repose par 4 000 mètres de fond, en colmatant les brèches par lesquelles auraient pu se répandre des produits polluants pendant plusieurs semaines.

Dernier point d'importance dans l'actualité de la marine : notre premier sous-marin nucléaire d'attaque de type Barracuda, le Suffren, rejoindra le 12 juillet son dispositif de mise à l'eau, pour commencer ses essais en vue de pouvoir prendre le relais des sous-marins d'ancienne génération. Nous disposerons ainsi de navires plus silencieux, plus imposants et plus endurants que les précédents. Je souligne qu'ils seront en outre dotés de capacités nouvelles, notamment de mise en oeuvre de forces spéciales et de missiles de croisière. Précisons que ces nouveaux sous-marins ont été conçus ab initio de façon à pouvoir accueillir des femmes parmi leurs équipages.

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