Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, co-rapporteur :

Toutefois, la mission première de la police du ciel est bel et bien d'assurer la défense aérienne du territoire, c'est-à-dire de préserver la souveraineté de l'espace aérien national et de protéger la population face à des menaces aériennes. Celles-ci peuvent être de nature tout à fait différentes les unes des autres : avions commerciaux pouvant faire l'objet d'un acte de terrorisme, avions militaires étrangers, petits appareils de loisirs survolant une zone interdite, appareils plus atypiques, tels des montgolfières ou des ULM, au-dessus de sites sensibles.

L'armée de l'air assure donc la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) dont l'une des spécificités est la brièveté de sa chaîne de commandement.

Sous la responsabilité du Premier ministre, la défense aérienne est mise en oeuvre par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), implanté sur la base aérienne de Lyon-Mont-Verdun. Au travers du centre national des opérations aériennes (CNOA), il est en lien permanent avec le cabinet du Premier ministre, afin de permettre à ce dernier de suivre « en direct » les situations les plus problématiques.

Alors qu'un avion de ligne parcourt environ 15 kilomètres par minute, il est en effet essentiel de raccourcir au maximum la chaîne de remontée de l'information et de transmission d'un ordre car, en dernier recours, c'est bien au Premier ministre que reviendrait la responsabilité de décider d'abattre un aéronef.

La mise en oeuvre de la défense aérienne repose sur le triptyque suivant : détecter et identifier, classifier, et intervenir.

Pour effectuer sa mission, le CNOA s'appuie d'abord sur un vaste réseau de détection et la surveillance opérée par les trois centres de détection et de contrôle de Lyon-Mont-Verdun, de Cinq-Mars-la-Pile, près de Tours, et de Mont-de-Marsan. Au total, ce réseau compte 50 radars militaires et 27 radars civils. Des moyens complémentaires de surveillance peuvent être employés, tels les Awacs de l'armée de l'air ou les frégates de la marine nationale. Des radars mobiles peuvent également être déployés de manière complémentaire.

En fonction des informations disponibles et recueillies, le CNOA détermine ensuite l'effectivité de la menace et son niveau.

En cas de doute ou de menace avérée, le CNOA peut enfin déclencher les aéronefs d'alerte qui assurent la permanence opérationnelle (PO).

Celle-ci est tenue par quatre plots de deux chasseurs répartis sur l'ensemble du territoire, sur les bases aériennes de Mont de-Marsan, d'Orange, de Saint-Dizier et, le plus souvent, la base aéronavale de Lorient, où le plot est armé par les équipages de la base aérienne de Luxeuil.

Les chasseurs peuvent être mobilisés selon différents préavis en fonction de l'état de la menace, soit à deux minutes, cas exceptionnel dans lequel le pilote se trouve dans l'avion, ou plus habituellement à sept minutes et à quinze minutes.

La PO est également assurée par quatre plots hélicoptères Fennec implantés sur les bases aériennes de Saint-Dizier, de Bordeaux, d'Orange et de Villacoublay. Au-delà de l'équipage, sont présents dans ces hélicoptères des tireurs embarqués pour mettre en oeuvre les mesures de sûreté.

De manière plus ponctuelle, à l'occasion d'un événement particulier, un dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA) peut être mis en place, afin d'interdire à tout aéronef l'accès à un espace aérien donné. Pour les pilotes amateurs parmi vous, ou pour ceux qui nous regardent, un DPSA se traduit par la mise en place d'une zone de réglementation temporaire, dite « ZRT » et d'une zone d'interdiction temporaire, dite « ZIT ».

Ces dernières semaines, des DPSA ont été déployés lors de la tenue du Salon international de l'aéronautique et de l'espace du Bourget ainsi que lors des commémorations du 14 juillet, comme Christophe Lejeune l'indiquait en introduction. Ce sera aussi le cas pour les commémorations du soixante-quinzième anniversaire du Débarquement de Provence et, à la fin du mois d'août, pour le sommet du G7 de Biarritz.

Les DPSA mobilisent un grand nombre de moyens, de diverses natures, y compris de défense sol-air. De plus, un dispositif poussé de lutte anti-drones est mis en place, comme Christophe Lejeune et moi avons pu le voir au Bourget.

Confiée à l'armée de l'air, la mission de défense aérienne n'en est pas moins résolument interministérielle. Avant de mettre en jeu la police du ciel, nombre d'acteurs et de dispositifs participent à la prévention des menaces d'origine aérienne. Je pense en premier lieu à la commission interministérielle de la sûreté aérienne (CISA), créée en 2007 et dont le secrétariat est assuré par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). C'est notamment elle qui définit les conditions de déploiement de gendarmes du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) armés dans certains vols.

En outre, nombre d'administrations sont représentées au sein du CNOA, ou travaillent en étroite collaboration avec lui. À titre d'exemple, des personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des douanes comme de la DGAC y sont insérés.

Du reste, il existe une réelle continuité entre la police du ciel et les missions de police exercées par les forces de sécurité intérieure, dans la mesure où, une fois l'aéronef impliqué posé, ces dernières prennent la suite des aviateurs pour instruire et constater une éventuelle infraction, dans la continuité des observations des pilotes, eux-mêmes assermentés.

Au final, le dispositif français de défense aérienne est robuste et a fait ses preuves. En 2018, la chasse a décollé à 630 reprises, pour 88 interceptions sur alerte, les hélicoptères effectuant 419 décollages, pour 61 interceptions.

Emblématique de l'action de l'État en l'air, la police du ciel ne constitue néanmoins que l'une des modalités de son intervention dans le milieu aérien.

Il est donc temps d'en venir au second volet de notre rapport : l'appui aérien aux opérations de sécurité intérieure.

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