Je vous remercie une fois encore, mesdames, messieurs les députés, de l'intérêt que vous portez à notre activité. Un grand nombre de vos questions ont concerné France Bleu. Je commencerai par y répondre.
France Bleu représente un tiers de nos effectifs et un tiers de nos moyens de fonctionnement. Ses ressources sont donc très importantes. Ses quarante-quatre stations, qui diffusent entre dix et douze heures de programme local chaque jour, constituent l'une des particularités les plus fortes de la radio publique. Un maillage du territoire aussi complet et une offre quotidienne aussi large sont absolument uniques. Nous sommes le seul média aujourd'hui à posséder un tel ensemble de stations locales. C'est un atout précieux pour prendre le pouls des territoires.
Les sujets qui ont surgi à l'occasion du mouvement des gilets jaunes sont traités quotidiennement par les antennes locales de France Bleu. J'ai la conviction – je l'avais d'ailleurs indiqué lors de mon audition devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) comme candidate à ma fonction actuelle – qu'elles jouent un rôle absolument primordial : elles représentent les Français et leurs problèmes de tous les jours, et apportent des réponses aux questions qu'ils se posent sur les enjeux nationaux et internationaux.
Les radios locales proposent des services au quotidien en informant leurs auditeurs non seulement sur le trafic, la météo ou l'accessibilité des lieux publics aux personnes en situation de handicap, mais également sur l'emploi, la vie culturelle et les manifestations locales. Ce rôle est très important dans un pays décentralisé comme la France, où chaque territoire connaît une actualité économique et culturelle très riche.
Au cours des dernières années, le réseau des radios locales de France Bleu a contribué largement aux efforts d'économies de Radio France. C'est pourquoi toutes les évolutions que nous lui demanderons demain préserveront sa capacité à jouer son rôle éditorial. Le projet stratégique et la trajectoire financière que j'ai construits, avec l'ensemble des équipes qui m'accompagnent, pour les prochaines années, ont précisément cet objectif. Nous veillerons à ce que France Bleu soit en capacité de remplir ses missions. Les expérimentations engagées ces derniers mois avec France Télévisions étaient également guidées par cette exigence. France Bleu doit continuer de jouer son rôle et ce rôle doit être valorisé sur France 3.
France Bleu conservera donc la pleine maîtrise éditoriale de ses matinales diffusées sur France 3. Celles-ci ressembleront en tous points aux émissions qui font le succès et la force de France Bleu, un média proche des citoyens, proposant des services au plus près des acteurs locaux.
Il s'agit, en réalité, d'apporter à France 3 une offre éditoriale supplémentaire. Tous les programmes de France Bleu qui pourront contribuer à cette offre nouvelle, mise en images, verront leurs coûts pris en charge par France Télévisions. Le rapprochement des deux chaînes n'entraînera donc pas de besoins supplémentaires d'économies pour Radio France. France 3 assumera l'ensemble des coûts liés à la diffusion des matinales de France Bleu, au fur et à mesure du déploiement de l'expérimentation de Nice et Toulouse, qui commencera, à la rentrée prochaine, par Lille et Guéret. Progressivement, à raison de dix locales par an, nous allons développer ce service partout en France, pour l'ensemble des Français. À terme, les quarante-quatre matinales de France Bleu seront diffusées sur France 3, soit un véritable progrès pour l'offre d'information locale.
Les initiatives de Radio France à destination du jeune public ont fait aussi l'objet de plusieurs questions. L'information de la jeunesse nous préoccupe tout particulièrement en tant que média de service public et nous réfléchissons à des formats éditoriaux capables de la toucher. Les diverses expériences que nous avons menées ont montré que nous devions privilégier les formats courts, avec des vidéos ou des images, pour apparaître sur les plateformes populaires auprès des jeunes. Pour s'informer, ils préfèrent les réseaux sociaux aux médias traditionnels. Ils plébiscitent en particulier Instagram et Snapchat, Facebook s'adressant davantage à la tranche des 30-40 ans. C'est pourquoi nous devons investir ces réseaux avec des formats d'information spécifiques. En comprenant les codes de la jeunesse, nous pourrons développer des offres adaptées sur les plateformes qu'elle utilise.
Il est important, par ailleurs, d'expliquer au jeune public la différence entre les contenus proposés par des journalistes et les autres, en rappelant les principes de déontologie qui sont les nôtres : vérification de l'information et contextualisation. L'éducation aux médias présente le processus de fabrication de l'information, le métier de journaliste et les principes professionnels qui l'accompagnent. Elle permet de déconstruire les contenus de médias qui n'ont pas la même éthique que nous.
Les actions d'éducation aux médias que nous avons développées à Radio France sont organisées par public et par chaîne, de manière à toucher le plus grand nombre de jeunes et d'établissements scolaires en France. Elles constituent une priorité de notre projet stratégique. Nous ne pouvons pas nous satisfaire, malgré nos succès d'audience, que les jeunes générations grandissent dans un environnement médiatique marqué par la désinformation et les théories complotistes. Les fausses informations sont virales sur la toile car les algorithmes des plateformes privilégiées par les jeunes accordent à l'engagement une valeur très importante. Plus les contenus sont viraux, plus ils sont diffusés.
Comprendre comment fonctionnent les algorithmes et comment nous pouvons nous-mêmes diffuser des contenus viraux fait partie des défis qui sont devant nous et sur lesquels nous travaillons avec France Télévisions, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et France Médias Monde, dans le cadre de la plateforme France Info. Nous coopérons également avec d'autres partenaires : le centre des hautes études du ministère de l'Intérieur (CHEMI), en lien avec l'Éducation nationale, et plusieurs académies scolaires, avec lesquelles nous avons conclu des contrats pour l'accompagnement des équipes enseignantes. France Info a développé une application numérique qui fournit des outils aux professeurs pour expliquer à leurs élèves le travail de collecte de l'information et de vérification des sources, et plus largement ce qu'est un journal et comment travaillent les journalistes. Cette application est aujourd'hui utilisée par un grand nombre d'établissements scolaires en France.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur la distribution et je vais m'efforcer de leur répondre de la manière la plus complète possible. Au cours des derniers mois, de nouvelles plateformes ont été lancées, ce que je considère comme très positif. Un véritable marché de l'audio est en train d'émerger. L'intérêt des Français est tel que des acteurs privés ont décidé de développer une activité économique autour des contenus audio.
Alors que notre stratégie d'hyper distribution a jusqu'à présent favorisé le libre accès numérique de nos contenus, nous devons aujourd'hui nous interroger sur la manière dont ils sont utilisés. Nos contenus sont destinés aux individus et nous souhaitons qu'ils le restent. En revanche, ils n'ont absolument pas vocation à servir de produits d'appel pour des plateformes qui cherchent à développer leur propre modèle économique au travers de produits payants.
À cet égard, nous considérons qu'il existe deux types d'acteurs : les simples hébergeurs, qui rendent disponibles l'ensemble des contenus que leur fournissent les producteurs de programmes audio – ils se contentent donc de les mettre à disposition – et les acteurs qui utilisent nos contenus sans nous consulter pour les « éditorialiser ». Ces derniers ne le font d'ailleurs pas seulement avec les émissions de Radio France : mes homologues francophones publics se sont fortement émus de retrouver leurs propres contenus sur des plateformes émergentes sans en avoir été préalablement informés.
Au Parlement européen, un certain nombre d'entre vous se sont battus, il y a peu, pour faire reconnaître le droit voisin en France. Ce droit stipule qu'un contenu produit par un média a de la valeur. La presse écrite a obtenu que ses contenus ne soient pas utilisés par des acteurs désireux de créer de la valeur, ne serait-ce que publicitaire. Les contenus produits par Radio France, et par des producteurs audio indépendants, ont de la valeur. Ce n'est pas parce qu'ils sont en libre accès numérique que n'importe qui peut les utiliser sans aucun égard pour ceux qui les ont créés et produits.
En tant que média de service public, nous devons maîtriser la manière dont nos contenus sont écoutés. Il n'est pas normal qu'ils soient détournés de leur finalité, qui est de contribuer à l'éducation, à l'information et à la diffusion la plus large possible de la culture auprès de tous les publics.
La plateforme Radio France, actuellement en développement, permettra de répondre aux nouveaux usages des Français par une offre conforme aux principes du service public : découverte, diversité, pluralisme. Cette plateforme rendra disponible, le plus largement possible, l'ensemble des contenus passés et présents que nous avons produits.
Les hébergeurs avec lesquels nous collaborons poursuivent une logique différente de la nôtre. Ils ne cherchent pas à bâtir une offre « éditorialisée » et concurrente, ni à créer un nouveau modèle économique.
Le numérique est propice aux innovations, ce dont il faut se féliciter. Nous souhaitons nous aussi, avec des formats nouveaux, participer à ce mouvement de créativité. Notre intention n'est pas de le brider, mais de faire respecter le droit d'auteur et le droit du producteur, comme ils le sont à la télévision. Les contenus de France Télévisions ne sont pas diffusés sans son accord sur de nouvelles plateformes et chacun trouve cela normal. Le même principe doit s'appliquer pour les contenus audio, qui engagent des auteurs, des producteurs et des moyens publics.
Vous m'avez interrogée, par ailleurs, sur la manière dont nous comptons donner suite aux remarques et aux recommandations de la Cour des comptes. J'ai déjà répondu sur les formations musicales. J'aborderai donc l'organisation de l'activité et le temps de travail, au coeur des discussions avec les partenaires sociaux.
Nous avons la volonté de répondre à la Cour des comptes en nous assurant que les pratiques de Radio France et les règles négociées sont proches de celles appliquées par les autres acteurs du secteur. Nous serons ainsi considérés comme une entreprise responsable et rigoureuse dans son organisation, et nous serons plus forts dans les débats à venir sur la réforme de la redevance audiovisuelle publique.
Au sujet de la redevance, précisément, l'essentiel pour un acteur comme Radio France est de disposer d'une visibilité pluriannuelle pour développer une stratégie et préserver son indépendance. Cette indépendance ne sera que formelle sans recette dédiée, quelle que soit son assiette. Il faudrait veiller, par ailleurs, à ne pas asseoir la redevance sur des supports condamnés à l'obsolescence du fait de l'évolution accélérée des technologies. Sur la réforme de la redevance, inéluctable compte tenu de la suppression de la taxe d'habitation, je m'en remets toutefois à la sagesse du législateur.
Le sport est un sujet important. Il est très présent sur nos antennes, celles de France Info et de France Bleu en particulier, qui diffusent les compétitions de nombreuses disciplines et mettent à l'honneur les sportifs français. Les jeux Olympiques de 2024, qui se dérouleront à Paris, seront l'occasion de célébrer les valeurs sportives. Radio France souhaite prendre toute sa part à la diffusion de cet événement, que nos différentes antennes couvriront en alternance.
Le Pass Culture est bien évidemment un dispositif pour lequel, comme de nombreux acteurs publics, Radio France souhaite s'engager. Plus de soixante-dix émissions sont dédiées à la culture chaque semaine sur nos chaînes. Nous avons par ailleurs lancé un média social culturel, Culture Prime, qui permet de « viraliser » sur internet des formats vidéo à destination du public jeune. Nous avons fait des propositions aux équipes du Pass Culture pour alimenter l'offre de cette nouvelle plateforme, actuellement expérimentée auprès des jeunes. Elle donnera un accès privilégié aux productions de Radio France et notamment à ses concerts. Nous sommes très soucieux de contribuer au succès de la politique de diffusion de la culture auprès des jeunes.
La science, enfin. Un grand nombre d'émissions de nos antennes y sont consacrées, soit une autre des spécificités de Radio France dans le paysage médiatique. Nous continuerons à l'avenir à lui accorder une place importante. Nous avons innové, au cours de la dernière saison, puisque France Inter a proposé non seulement des émissions mais également des conférences scientifiques, rediffusées dans des salles de cinéma, comme celle de Lionel Naccache sur le cerveau. Radio France a l'ambition de proposer d'autres nouveaux formats pour diffuser la culture scientifique et intéresser un large public.
J'espère, monsieur le président, avoir répondu à toutes les questions.