Cette proposition de loi, que nous examinons en deuxième lecture, vise à reconnaître un droit voisin aux éditeurs et aux agences de presse afin de leur ouvrir la possibilité d'être rémunérés lorsque les contenus qu'ils produisent sont réutilisés en ligne.
Cette demande de longue date d'une partie des éditeurs a abouti à l'échelle européenne : une directive a été adoptée en mars 2019. Il est incontestable que l'ancienne pratique du droit d'auteur est à renouveler. Les conditions de création, circulation, et rémunération ont été bouleversées par le numérique. Il est également incontournable de limiter au maximum les pouvoirs des GAFA, et notamment la vampirisation des contenus de presse en ligne par ces géants du Net. Les producteurs de contenu et les éditeurs de presse sont, en effet, relégués au second plan, derrière l'infomédiaire. De ce fait, ils deviennent dépendants du moteur de recherche.
Tout en saluant le travail remarquable effectué à l'Assemblée nationale et au Sénat, je voudrais soulever certaines limites de cette proposition de loi.
Premièrement, elle peut constituer une limite pour les droits à la formation, le droit au partage et au lien hypertexte. L'article 1er bis autorise les actes d'hyperlien sans les définir. Or la notion d'hyperlien doit être employée avec la plus grande prudence, étant donné qu'elle est au coeur de la liberté d'internet.
Deuxièmement : le renforcement du lien de dépendance entre les infomédiaires et les éditeurs de presse en ligne peut entraîner une altération de la qualité de l'information. En effet, la rémunération au clic encouragera les éditeurs de presse en ligne à privilégier la quantité à la qualité. De surcroît, cela risque de pénaliser les petits éditeurs de presse qui n'auront pas les moyens financiers et le même poids que les éditeurs les plus reconnus pour négocier une juste convention entre eux et les GAFA.
La troisième limite réside dans la collecte et la redistribution des revenus engendrés par ce droit voisin. Nous relayons ici les inquiétudes soulevées par le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne – SPIIL – concernant la nature du futur organisme de gestion.
Autant de raisons pour lesquelles je m'abstiendrai lors du vote sur ce texte en commission. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine définira sa position en séance plénière.