Depuis plus de soixante-dix ans, la distribution de la presse en France est régie par la loi Bichet. Dans le contexte de l'après-guerre, ce texte a permis d'organiser la pluralité de l'information et l'égalité entre les éditeurs. Avec l'instauration de ce cadre qui, rappelons-le, est unique au monde, la presse est devenue accessible partout et à tous. Mais les difficultés rencontrées par ce système de distribution et son premier opérateur, Presstalis, ont montré qu'il n'est plus adapté à un secteur largement bouleversé ces dernières années : bouleversé par les développements du numérique, bouleversé par la multiplicité des titres qui saturent le réseau, bouleversé par l'évolution des pratiques de lecture. Qui plus est, le cadre juridique actuel rigidifie l'ensemble du système et place certains éditeurs en situation de conflits d'intérêts puisqu'ils sont à la fois clients et actionnaires majoritaires des sociétés qui assurent la distribution de titres.
Le projet de loi qui nous est proposé a donc pour objectif de moderniser les règles applicables à la distribution de la presse au numéro pour l'adapter au contexte actuel. Il montre que l'on peut obtenir un modèle plus efficient tout en maintenant les principes fondateurs qui garantissent, depuis 1947, la diffusion libre et impartiale de la presse sur l'ensemble du territoire. Les principes fondateurs de la loi Bichet sont réaffirmés, notamment l'obligation de se constituer en coopératives pour les éditeurs qui souhaitent se grouper pour faire distribuer leurs titres.
En premier lieu, il garantit la continuité de la distribution de la presse en laissant aux deux principales messageries, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP), un temps d'adaptation avant d'autoriser l'entrée de nouveaux acteurs, un délai raisonnable qui va jusqu'au 1er janvier 2023, date qui correspond à la fin du plan de redressement de Presstalis.
Le texte donne également aux marchands de journaux plus de latitude sur le choix des publications qu'ils reçoivent. Il s'agit de redonner de l'intérêt à ce métier et de préserver le réseau de ses 23 000 professionnels. Cette plus grande liberté permettra également de limiter les invendus, dont le coût environnemental ne cesse de gonfler. Plusieurs expériences récentes ont montré que la diminution du nombre de titres présentés permet d'augmenter les ventes, en rendant les points de vente plus attractifs.
Cela étant, la presse IPG, dont la valeur constitutionnelle est reconnue, conservera son droit d'accès absolu au réseau de distribution. Là encore, c'est un des principes fondateurs de la loi Bichet qui est réaffirmé.
Si le texte donne plus de liberté aux acteurs de la filière, il n'oublie pas d'unifier et de renforcer la régulation du secteur pour prévenir les dérives et sanctionner les excès. En supprimant les deux organes existants, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), la régulation est confiée à l'ARCEP, dont les compétences techniques, juridiques et économiques sont reconnues.
Enfin, la garantie du pluralisme est étendue à la diffusion numérique puisqu'il est proposé que les éditeurs de titres IPG aient un droit d'accès aux kiosques numériques, tout en posant des obligations de transparence sur les choix des agrégateurs d'informations.
Lors des nombreuses auditions auxquelles j'ai participé avec notre rapporteur, nous avons pu mesurer la satisfaction d'un très grand nombre d'acteurs de la filière et souligner la célérité du Gouvernement qui a retenu les propositions les plus judicieuses du rapport de M. Marc Schwartz – rapport qui, pour une fois, ne finira pas sur une étagère…
C'est donc un texte équilibré qui nous est proposé, qui a fait l'objet d'un examen minutieux et constructif de la part des sénateurs. Sur les sept groupes politiques du Sénat, un seul a voté contre. C'est dans ce même esprit positif, indispensable pour une filière qui en a bien besoin, que le groupe La République en Marche aborde l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale.