Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un texte de bon sens. La loi du 2 avril 1947, dite loi Bichet, issue des travaux du Conseil national de la Résistance, a rendu possible depuis plus de soixante-dix ans la diffusion de la presse chaque jour, sur l'ensemble du territoire, dans des conditions non discriminatoires et égalitaires. Mais cette loi historique a besoin d'être dépoussiérée compte tenu des tensions dans la filière, de la concurrence d'internet et de l'érosion de la vente des journaux.
Alors qu'elle s'était stabilisée à près de 7 milliards d'exemplaires vendus pendant près de vingt ans, la diffusion de la presse connaît une baisse importante depuis 2009 pour s'établir aujourd'hui en dessous de 4 milliards d'exemplaires. Au mois de décembre 2014, lors des débats sur la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, nous soulevions déjà dans l'hémicycle la crise profonde que traverse le secteur de la presse. Nous avions aussi tous en tête le cas Presstalis qui a fait éclater récemment au grand jour la fragilité de la loi Bichet – j'y reviendrai plus tard.
Notre objectif est donc de faire évoluer le système sans le détruire. Je suis persuadée que le projet de loi que nous examinons est le fruit d'un travail conséquent et qu'il propose un bon équilibre : il prévoit un nouveau système qui préserve une diffusion sur l'ensemble du territoire des titres d'information politique et générale, garantie par le Conseil constitutionnel, et il permet de redonner une place centrale aux diffuseurs de presse tout en créant les conditions d'un équilibre économique durable du secteur.
Ce texte a été précédemment amendé par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat dans un vrai souci de coconstruction législative que je tiens à saluer et qui, je l'espère, sera partagé à l'Assemblée nationale.
Nous soutenons plusieurs de ces dispositions sénatoriales, notamment la possibilité pour le Parlement de saisir pour avis l'ARCEP de toute question relative au secteur de la distribution de la presse, la consultation du maire de la commune par la commission du réseau avant toute décision d'implantation d'un diffuseur de presse et le rétablissement de l'obligation pour chaque société coopérative de groupage de presse d'avoir au moins trois associés.
Même si ce texte va dans le bon sens, des points de vigilance demeurent. Je pense d'abord à la situation de Presstalis. Avec 400 millions d'euros de fonds propres négatifs, la principale messagerie, la seule à assurer la distribution des quotidiens, se trouve dans une situation particulièrement critique : l'État dû l'aider à hauteur de 90 millions d'euros. Il serait bienvenu de suivre l'utilisation de cet argent et d'exiger des garanties de gestion. Le système prévu dans le projet de loi n'entrera en application qu'en 2023 ; d'ici là, il ne faudra pas se contenter de maintenir Presstalis sous perfusion mais bien de la remettre à flot.
Je souhaite revenir sur la place des collectivités territoriales dans ce nouveau processus. Le point de vente de la presse est central dans nos communes, il crée des lieux de rencontres et de sociabilité. On ne peut que se réjouir de la place qui est donnée aux élus dans le texte pour les ouvertures de nouveaux diffuseurs de presse. Cette mesure doit être impérativement préservée.
Ma dernière inquiétude concerne le système informatique. Les nouvelles dispositions relatives à l'assortiment ne pourront fonctionner que si un système informatique robuste est enfin mis en place, ce que nous attendons depuis 2011. Nous voulons avoir des garanties à ce sujet.
Vous l'aurez compris, le groupe Les Républicains salue l'équilibre de ce texte et compte beaucoup sur les débats à venir pour l'enrichir davantage.