Intervention de Philippe Chassaing

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Chassaing, rapporteur :

S'agissant de votre première question sur la confiance, Monsieur le rapporteur général, pourrait-on confier aux banques l'édification ou l'élaboration de ces critères ? Ma proposition entre dans le cadre de l'OIB, qui rassemble, sous la responsabilité du gouverneur de la Banque de France, à la fois des banques, mais aussi les associations de consommateurs. Je pense donc que c'est le bon cadre pour mener cette réflexion. Je pense que cela répond aussi à votre question, madame Peyrol. Toutefois, je précise dans mon rapport qu'il n'est pas exclu que les législateurs s'emparent aussi du sujet, s'ils viennent à s'apercevoir que les critères décidés sont trop restrictifs et excluent une partie de la population de ce plafonnement.

Ensuite, concernant la singularité des incidents bancaires dans ce pays, nous avons été surpris, en faisant des comparaisons avec l'international, qu'il y ait dans ce pays davantage d'incidents bancaires. Les rencontres que nous avons faites avec le CCSF témoignent d'une concurrence qui s'organisait au sein du réseau bancaire. Les banques en ligne venaient pousser les banques de réseau de détail à une concurrence très forte. Elles proposaient notamment un certain nombre de services bancaires gratuitement, ce qui poussait les banques de détail à s'aligner sur ces engagements. Si bien qu'il se produisait un déplacement des frais d'incidents bancaires qui avaient tendance à augmenter, justement pour faire face à ces frais bancaires qui étaient relativement modestes. Ce que nous proposons, en réalité, c'est de mener une étude pour savoir quelle place les incidents bancaires représentent dans le modèle bancaire français et d'essayer de comprendre un peu mieux cette spécificité française.

J'en viens à une troisième question de Mme Peyrol. Il faut bien comprendre que dans la définition de la fragilité financière, il y a deux paramètres : il y a des critères objectifs, qui sont l'interdiction bancaire et le fait d'être surendetté , puis il y a les critères subjectifs. C'est pour cela que l'on peut s'appuyer sur l'expérience des banques pour essayer de voir quels sont les critères qui viendraient – encore une fois sous la responsabilité du Gouverneur de la Banque de France – définir au mieux cette population financièrement fragile. Je pense que c'est un peu ce regard des banques, combiné à celui des associations de consommateurs, qui pourrait permettre plus facilement de définir ces critères objectifs.

Toutefois, il faut le reconnaître, nous n'avons pas à ce stade pu définir clairement quels pourraient être les critères et les paramètres exacts de cette fragilité financière. Reviendra-t-il au législateur de donner une précision, par exemple pour savoir quels sont les flux créditeurs qui doivent abonder un compte ? À partir du moment où vous êtes en fragilité financière, c'est extrêmement compliqué à définir. De même, quel montant d'incidents bancaires doit être pris en compte pour définir ce qu'est la fragilité financière ? Aujourd'hui, nous considérons que ce travail peut être mené davantage dans le cadre de l'OIB, et que nous, législateurs, pouvons ensuite nous en emparer.

Concernant la formation que nous proposons, nous avons le témoignage d'une expérience menée à Créteil, qui mettait en place un passeport financier en quatrième, avec pour objectif de permettre à ces jeunes de s'approcher de la gestion budgétaire et financière. Dans tous les cours de mathématiques et un certain nombre de cours d'éducation civique, sont également donnés des éléments concernant l'éducation financière et budgétaire. Mais c'est assez parcellaire. Ce que nous proposons, c'est de le rassembler sous forme de passeport et de faire en sorte que ce soit généralisé, à l'instar de ce qui se passe notamment pour le passeport en informatique.

S'agissant de la question du microcrédit, effectivement cela ne vient pas s'ajouter, c'est une alternative. C'est un plus qui viendrait prendre en charge par exemple le reste à charge qui demeurerait suite au PTZ. L'objectif n'est pas de créer des dispositifs supplémentaires, qui viendraient s'additionner aux autres. C'est plutôt dans le cas, par exemple, où une famille peut bénéficier d'un appui du PTZ et où il y a un reste à charge : le microcrédit pourrait s'additionner.

Vous avez évoqué le rôle des PCB. Effectivement, à ce stade, nous avons parlé d'acculturation. Il nous semble que les acteurs de la fragilité financière ne se parlent pas vraiment. Nous considérons que l'émergence de ce nouvel acteur serait un outil utile pour créer cette acculturation entre les différents réseaux. Nous proposons d'ailleurs que les conventions soient liées entre les banques et les PCB, de sorte que le dialogue soit rendu obligatoire. C'est un peu la condition pour que les PCB prennent leur place.

Vous soulignez le fait que l'offre spécifique est insuffisamment déployée. Nous faisons des propositions pour que la transition vers l'offre spécifique soit plus facile parce qu'aujourd'hui, si une personne en difficulté financière souhaite aller vers l'offre spécifique, des freins et des verrous rendent ce passage compliqué. Nous proposons aussi d'enrichir l'offre spécifique en essayant de lever les freins, notamment au niveau de la restriction concernant les cartes de crédit.

Je vous rejoins sur la question du marketing, qui aujourd'hui fait défaut. Mais, encore une fois, l'offre spécifique doit être pérennisée. Certaines banques ont mis en place un certain nombre de dispositifs d'accompagnement très puissants. Il serait utile de faire en sorte que cette offre spécifique soit le plus souvent possible couplée à ces dispositifs dont parlait Charles de Courson, comme les dispositifs passerelles pour le Crédit agricole par exemple. Si nous pouvions alors de manière plus systématique coupler la détention d'une offre spécifique avec un suivi particulier fait par ces passerelles, je pense que l'offre spécifique gagnerait en visibilité et aurait une valeur ajoutée incontestable. Ce qui est aujourd'hui un peu plus délicat, sachant que la mise en oeuvre du plafonnement à 25 euros a tendance à vampiriser l'offre spécifique, puisque l'écart entre l'offre spécifique plafonnée à 20 euros et une offre standard à 25 euros est trop minime. Il faut donc adjoindre à cette offre spécifique des services supplémentaires pour pouvoir la développer.

Monsieur Laqhila, vous demandez s'il ne faudrait pas légiférer plus. Si l'enjeu à terme est que le législateur s'empare du sujet, pourquoi pas. Je n'y vois pas d'obstacle. Nous avons des instances de régulation, il faut les utiliser pleinement. Et au moment où ces instances feront des propositions, le législateur sera tout à fait en capacité de s'emparer de ce travail et éventuellement de l'enrichir.

Monsieur Bricout, concernant le fait de renforcer les contacts, c'est ce que je viens de dire sur les PCB. Effectivement, c'est l'un des acteurs essentiels que nous devons faire émerger. L'enjeu est encore une fois d'être en capacité de créer des liens, des passerelles entre les différents acteurs de l'inclusion sociale.

S'agissant du besoin d'humain, la charte de 2014 stipule clairement la nécessité de favoriser et développer la relation humaine entre les banques et les personnes en fragilité financière. C'est assez hétérogène : certaines banques y sont vraiment plongées ; d'autres ont été plus hésitantes, ou ont mis en place des dispositifs moins puissants. Je considère qu'il faut que les banques s'emparent de cette question de l'accompagnement et qu'elles puissent créer des dispositifs ad hoc, comme le dispositif Passerelle, ou encore L'Appui de La Banque postale, qui sont des lieux dédiés à cette fragilité financière et où l'on apporte des réponses à ces publics.

Vous avez également parlé de l'expatriation et de la question du droit au compte. C'est pour cela que nous faisons des propositions dans le sens d'une procédure beaucoup plus intégrée, pour que la Banque de France soit en mesure de contrôler l'effectivité de cette procédure. Aujourd'hui, il est notamment très difficile pour certains d'obtenir le récépissé lié au refus d'ouverture de compte. En retour, nous ne savons pas du tout non plus si le compte a été ouvert par la suite. Il convient donc de disposer d'une procédure beaucoup plus intégrée.

Au sujet du défaut d'ouverture de compte, la solution française a été de déplacer le problème. Parfois, les relations étaient tellement mauvaises entre le client et la banque, que ce n'était pas une mauvaise idée de déplacer le problème et ainsi faire repartir une relation nouvelle auprès d'une autre banque. C'était peut-être l'une des raisons du droit au compte. En tout cas, le droit au compte est une autre manière de traiter le sujet. Il existe : essayons donc de le mettre en oeuvre et de faire en sorte qu'il soit plus efficient.

Concernant la mission d'accessibilité de La Banque postale, nous insistons dans le rapport sur ce sujet qui nous semble extrêmement important. En 2020, cette mission doit arriver à échéance et une réflexion doit débuter pour savoir si elle doit être reconduite. Nous considérons que l'ouverture du livret A doit se concentrer sur un public bien spécifique et singulier, notamment les personnes qui n'ont pas de documents administratifs. Nous pensons que les personnes qui sont en capacité d'avoir un compte bancaire normal peuvent s'exempter d'ouvrir un livret A qui a un coût pour les finances publiques. Mais nous soulignons dans notre rapport l'importance du dispositif de La Banque postale dans son maillage territorial. Et nous avons aussi pu voir l'importance – nous en avons eu de multiples témoignages – de cette présence de proximité dans la relation bancaire qui se nouait entre le client et le conseiller. C'est vrai que La Banque postale occupe un rôle important. Des études montrent notamment que la gestion de cette population coûte davantage à La Banque postale parce qu'elle a ce public-là, plutôt qu'une banque de détail qui aurait une population fragile moindre. Il faut donc en tenir compte, et nous le disons dans le rapport.

J'en viens maintenant à la question du fichier positif. Nous nous sommes essentiellement intéressés aux outils existants. C'est pour cela que nous n'en avons pas parlé. Aujourd'hui, il y a une asymétrie entre le prêteur et l'emprunteur, et la seule manière de combler cette asymétrie d'information, c'est encore d'avoir une information supplémentaire que viendrait capter le prêteur. Je pense qu'en effet le fichier positif pourrait être une réponse ; c'est à étudier. Mais nous ne l'avons pas fait, car ce n'était pas un outil existant. Il faut reconnaître que l'encadrement du crédit a fait diminuer le nombre de surendettés. Incontestablement, aujourd'hui, c'est une politique publique qui réussit. Toutefois, si nous devons aller encore plus loin, je pense qu'il faut combler cette asymétrie d'information entre le prêteur et l'emprunteur.

Vous avez posé la question du plafonnement des taux. Pourquoi ne pas élargir ? Aujourd'hui, il y a neuf frais qui sont plafonnés. Est-ce que cela devrait intégrer ce plafonnement ? Pourquoi pas. Nous considérons que le plafonnement est un outil pertinent pour gérer l'inclusion bancaire et faire en sorte que les personnes ne s'enfoncent pas. Il sera probablement nécessaire à l'issue d'une première année d'exercice de faire le bilan pour voir de quelle manière ce plafonnement s'est mis en oeuvre. Nous n'avons pas de retours à ce stade indiquant que le plafonnement n'a pas bien été mis en oeuvre, aucun défaut n'a été signalé. Mais nous pourrions toutefois nous demander à l'avenir s'il y a une nécessité d'élargir à plus de neuf opérations d'incidents bancaires, qui aujourd'hui rentrent dans ce plafonnement.

S'agissant de la problématique de la gestion des familles, effectivement les points Passerelle sont cet outil qui vient former, et qui va permettre à des populations de s'aguerrir à la gestion budgétaire. Et c'est vrai que c'est quelque chose qui fait défaut : il y a d'un côté cette difficulté de la gestion budgétaire, et parfois aussi un manque de ressources, qui fait que la personne aura beaucoup de difficultés à être dans une situation de non-fragilité financière, parce que tout simplement les ressources font défaut.

Il est également vrai que l'on nous a parlé d'un certain nombre de personnes qui rencontraient des difficultés dans la gestion au quotidien. Les PCB sont là pour aider ces personnes à acquérir ces connaissances. L'enjeu est de nouer le plus de conventions possible et si, demain, elles doivent nouer les conventions avec les conseils départementaux, bien évidemment il faut les mettre autour de la table. Le terme d'acculturation est vraiment le bon terme. Il faut que les acteurs de la protection des clients en fragilité financière se parlent. Le seul moyen d'y parvenir, c'est d'établir des conventions des éléments objectifs.

Enfin, merci, madame Grégoire pour votre question concernant les artisans commerçants. Il me semble que, dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »), il n'y avait plus l'obligation d'avoir un compte séparé d'un compte professionnel. Dans tous les cas de figure, désormais, il est un peu plus difficile de faire la différence entre les deux. Toutefois, nous avons traité la population en situation de fragilité financière et nous ne nous sommes pas intéressés au monde économique. Il n'y a pas d'objection à ce que l'on puisse mener ce type d'enquête et que, pour des personnes en situation de fragilité financière qui seraient des micro-entrepreneurs, il y ait un plafonnement qui soit mis en oeuvre.

La fragilité financière n'est pas un état définitif ; il doit être temporaire. Et une question doit nous animer : comment sortir de cette situation. Y a-t-il une offre spécifique qui pourrait s'adresser à ces populations d'artisans et commerçants ? L'objectif est de faire le constat que la personne rencontre une fragilité, un dysfonctionnement sur ses comptes, et de l'amener progressivement à retrouver un fonctionnement normal de ses comptes.

CRESUS est bien évidemment un acteur, mais un acteur qui vient après les PCB, puisqu'ils sont plutôt dans une remédiation des dettes pour éviter le surendettement. C'est une pièce supplémentaire. C'est ce que nous appelons les « PCB 2 », que l'État n'a pas jugé bon de développer, puisqu'il y avait déjà des intervenants. Là aussi, les PCB 1 peuvent nouer des contacts avec les acteurs associatifs de la protection des acteurs de la fragilité financière.

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