Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 8h30
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales :

Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureux de vous retrouver ce matin pour ce qui est, en effet, un exercice original : le texte est en cours d'examen par le Conseil d'État, c'est-à-dire qu'il n'a pas été présenté au conseil des ministres et donc, si l'on est respectueux des institutions, qu'il n'existe pas encore.

Cette rencontre matinale témoigne de ma volonté de faire en sorte que vous puissiez vous exprimer en amont du processus parlementaire pour enrichir le texte autrement que par des amendements. Prenant en compte le non-cumul des mandats, je souhaite discuter de ce texte et de ses grands équilibres avec les députés, les sénateurs et les associations d'élus.

Sur le fond, je pense que nous avons deux grands défis à relever. Ce « nous » englobe tous ceux qui sont passionnés par les équilibres territoriaux et le fonctionnement de la démocratie locale dans la République. En trente ans, le mouvement législatif a organisé, petit à petit, la démocratie locale. En le regardant de près, on voit que ce mouvement s'est toujours effectué de manière plus ou moins consensuelle : les lois de décentralisation initiées par Gaston Defferre en 1982 et Jean-Pierre Raffarin en 2003 ; la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale de Jean-Pierre Chevènement en 1999. La volonté de construire une démocratie locale dans une République plus décentralisée est manifeste depuis de nombreuses années. Le législateur est systématiquement parti de la commune sans nier, loin s'en faut, le rôle du département, en faisant plutôt évoluer les régions. Les grandes nouveautés ont en effet été la transformation du statut des régions d'établissements publics à collectivités territoriales et l'évolution de la place des intercommunalités.

Sur fond de baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), deux lois ont accéléré le processus et créé, aux yeux des maires, quelques déséquilibres. À cet égard, le grand débat national, soit quatre-vingt-seize heures de discussion entre le Président de la République et les maires, peut être considéré comme un sondage grandeur nature, sans compter nos expériences respectives dans nos territoires d'élection. Pour ma part, j'ai présidé le conseil départemental de l'Eure jusqu'à mon entrée au Gouvernement, après avoir été maire. Il est évident que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ont créé des irritations et des incompréhensions chez les élus, et ce, qu'ils soient ruraux ou urbains et quelle que soit leur tendance politique ou leur origine géographique.

Notre premier défi consiste à corriger les déséquilibres sans pour autant envisager un grand soir qui créerait une profonde instabilité, nous y reviendrons à propos des questions intercommunales. Les élus attendent des mesures d'assouplissement mais ils ne veulent pas une nouvelle loi NOTRe et le redécoupage aux ciseaux de la carte intercommunale. Cette première mission du texte – corriger sans tout bousculer – n'est pas si évidente à remplir qu'il y paraît.

Notre deuxième défi, plus global, est de remédier à la crise de l'engagement dans la société française. Pour avoir présidé un service départemental d'incendie et de secours (SDIS), je peux dire qu'il est plus difficile aujourd'hui de recruter des sapeurs-pompiers volontaires qu'il y a vingt ans. Il est devenu plus compliqué de trouver des réservistes pour la gendarmerie et les armées, mais aussi des dirigeants pour les clubs sportifs ou les associations culturelles ou caritatives. De même, il n'est plus aussi évident de trouver des élus locaux, des hommes et des femmes qui s'engagent sur une liste municipale dans un village ou dans une ville pour six, douze ou dix-huit ans.

Si cette crise de l'engagement est globale, nous devons la regarder sous un prisme particulier : notre attachement collectif à la démocratie représentative, que l'on peut, il me semble, réaffirmer ici dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. La récente crise que nous avons connue montre que cette démocratie représentative peut être remise en cause. À quelques mois des élections municipales, nous pouvons craindre que des listes soient incomplètes dans des centaines – peut-être des milliers – de communes. Dans certaines communes, il pourrait même n'y avoir aucun candidat pour être maire. Cette perspective doit nous conduire à nous rassembler de manière consensuelle et à nous poser les bonnes questions.

Un chemin de crête se dessine aussi dans ce domaine. De même qu'ils veulent des réponses à leurs irritations sans demander un grand soir en matière de libertés locales, les élus veulent un cadre plus clair des conditions d'exercice de leur engagement sans pour autant demander de quelconques privilèges ou la reconstitution d'une caste bourgeoise notabiliaire sur le modèle de la IIIe République. Ils l'ont largement dit. La recherche de ce chemin de crête est délicate et elle réclame du bon sens et du pragmatisme ; il ne faut surtout pas tomber dans les clivages politiques traditionnels.

Quelles réponses peuvent-elles être apportées par le Gouvernement mais aussi par les membres du Parlement qui ont des sensibilités politiques différentes ? Outre le projet de loi « engagement et proximité », il faut envisager une clarification de la fiscalité locale dont certains d'entre vous sont des experts ou, à tout le moins, de bons connaisseurs. Cette clarification n'est pas à l'ordre du jour de ce matin mais elle s'inscrit dans le calendrier et devra tenir compte du contribuable.

Il faut réfléchir aussi à un nouvel acte de la décentralisation. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, rendez-vous est pris pour l'année 2020, soit un an avant les élections départementales et régionales. À l'occasion, nous devrons nous interroger sur le rôle de l'État. La décentralisation invite à réfléchir sur la subsidiarité et l'action publique mais aussi à définir ce que nous attendons de l'État pour les années à venir.

Le projet de loi « engagement et proximité », que je vais présenter en conseil des ministres dans quelques jours, viendra en discussion au Sénat à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre prochains, avant d'arriver devant vous.

Il comporte deux piliers. Le premier d'entre eux vise à garantir un cadre renouvelé de l'exercice du mandat d'élu local : maire, maire adjoint, conseiller municipal, bien sûr, mais aussi conseiller départemental ou régional, même s'ils ne sont pas tout à fait logés à la même enseigne pour des raisons liées à la taille de leur collectivité ou leur régime indemnitaire.

C'est la première fois qu'un gouvernement propose un texte global contenant de très nombreuses mesures pour les élus locaux. Il y a eu beaucoup d'avancées au cours des dernières années et certains d'entre vous peuvent en être les heureux responsables. Mais nous avançons souvent par à-coups : une disposition de loi de finances, une proposition de loi venant de l'Assemblée et une autre du Sénat. Les réformes ont déjà porté leurs fruits, notamment dans le domaine de la formation des élus. Il serait malhonnête de ne pas reconnaître que beaucoup a été fait au cours des dernières années et une certaine sénatrice, Jacqueline Gourault, n'y est d'ailleurs pas pour rien.

Je vais lister quelques-uns des éléments concernant l'exercice du mandat et nous pourrons ensuite revenir plus en détail sur les aspects qui vous intéressent. Je reviendrai vers vous le moment venu pour faire une présentation plus académique et plus traditionnelle de ce projet de loi.

Premier élément : la formation. L'exercice du mandat est de plus en plus difficile ; la vie d'élu local se judiciarise et demande une ingénierie technique, financière et juridique de plus en plus complexe. Il faut donc délivrer une formation digne de ce nom aux élus locaux. L'entreprise forme ses salariés initialement et tout au long de la vie. Il serait pour le moins curieux que nos élus soient les derniers à être concernés par le sujet de la formation. Les élus des collectivités les plus importantes accèdent facilement aux formations importantes, mais pour l'adjoint au maire d'une commune de 500 habitants, le droit à la formation s'il existe sur le papier doit être transformé en droit réel.

Nous proposerons des dispositions qui tendent à aligner par le haut. Tel qu'institué par les réformes de Mme Pénicaud, le compte personnel de formation (CPF) ne concerne pas les élus locaux. Il faut qu'ils puissent accéder au CPF qui leur permettra de mutualiser des crédits de formation obtenus en tant que salarié ou agent de la fonction publique et ceux qu'ils peuvent acquérir dans leur fonction élective. La formation initiale doit devenir plus systématique et bénéficier d'un système de financement clarifié. Comment dégoûter un nouvel élu ? En le jetant dans le grand bain sans lui avoir donné les clés de lecture et de compréhension de ce qui peut se passer.

Deuxième élément : le système de protection, notamment juridique. En tant qu'agent de l'État ou patron de sa collectivité territoriale, le maire peut s'exposer à une mise en cause de sa responsabilité personnelle, civile ou pénale. Le maire est parfois plus exposé qu'un président d'association qui endosse lui aussi des risques en incarnant une personne morale.

Pour prendre un exemple que je connais, le maire de Vernon, une ville de 26 000 habitants, n'aura jamais de difficulté particulière pour recourir à un cabinet d'avocats. En tout cas, je n'en ai jamais eu. Imaginez maintenant le maire d'une commune de 400 habitants qui doit demander une délibération de son conseil municipal pour obtenir une protection fonctionnelle et une protection juridique, ce qui signifie que la commune devra engager les frais d'assurance a priori ou des frais de justice a posteriori. La démarche n'est pas si évidente et spontanée que l'on pourrait le penser.

Je souhaite que l'on traite au moins correctement la première question, c'est-à-dire celle des assurances de protection juridique. Pour les communes de moins de 1 000 habitants, il serait logique que ces assurances soient obligatoires et prises en charge par l'État au titre de la solidarité vis-à-vis des communes rurales. Il en va de même pour la protection fonctionnelle. Actuellement, un maire mis en cause doit aller devant son conseil municipal pour demander la protection fonctionnelle par voie de délibération. Ce faisant, il médiatise et rend publique la mise en cause dont il fait l'objet, qui n'en est qu'au stade de l'enquête préliminaire. Je souhaite que l'on renverse le mécanisme, que la protection fonctionnelle soit réputée de plein droit et que le conseil municipal doive délibérer pour la refuser au maire. Cela n'a l'air de rien mais cela change tout pour quiconque ayant vécu ce genre de situation.

Au-delà des mesures de protection, nous devons également avancer sans tabou ni démagogie, mais avec tranquillité, sur les conditions matérielles de l'exercice du mandat d'élu. Nous proposons deux pistes sur lesquelles j'aimerais votre avis.

Notre vie privée fait que nous ne sommes pas tous égaux pour exercer un même engagement électif. Quand vous avez un jeune enfant ou une personne en situation de dépendance ou de handicap à la maison, le fait de participer à un conseil municipal ou à une commission municipale peut représenter un effort et un sacrifice personnel particulier. Nous proposerons de créer un droit universel de frais de garde, pris en charge par l'État, pour les plus petites communes. Les jeunes parents pourront se voir rembourser leurs frais de garde par l'État quand ils iront au conseil municipal. Cette mesure ne me semble pas démagogique et permettrait de faciliter le rajeunissement et la féminisation des élus. Elle permettrait aussi de prêter attention aux plus fragiles, à ceux qui ont à charge une personne en situation de handicap ou de dépendance avancée.

Il faudra aussi, sans tabou, se poser des questions sur les indemnités. Ce n'est pas simple car il faut, en France, toujours aborder avec précaution le duo argent et politique. Pour ma part, je vous le dis comme je le pense, je ne sais pas expliquer à un maire d'une commune de 480 habitants que sa rémunération maximale sera deux fois moins élevée que celle d'un homologue d'une commune de 505 habitants. Leur vie quotidienne est-elle si différente ? Je n'ai pas l'intention de toucher aux plus grandes communes mais il faut au moins réfléchir aux seuils de population qui déterminent les rémunérations des maires des communes rurales. Il n'y aura pas dans le texte initial de mesures sur les indemnités car je veux continuer à consulter pendant l'été et une partie du mois de septembre, afin de vous faire une proposition plus aboutie par la voie d'un amendement gouvernemental que je vous communiquerai, bien évidemment, très en amont. Nous devons construire ce système indemnitaire avec sérieux et tranquillité si nous ne voulons pas laisser ce sujet à la vindicte des populistes, des démagogues et de ceux qui donnent dans l'élu bashing.

La question du rapport au droit du travail est importante mais comme l'enfer est pavé de bonnes intentions, une mesure d'incitation peut vite devenir normative. Mettez-vous à la place du commerçant, du patron de PME. Les salariés ne sont pas tous égaux. Dans votre région, madame Pires Beaune, vous avez Michelin, une entreprise qui a toujours favorisé l'engagement de ses salariés dans la vie locale. Ces incitations s'inscrivent dans l'histoire et la culture de cette entreprise mais il devrait être possible de sensibiliser l'ensemble des grands groupes sur ce sujet. Nous allons y travailler à la rentrée.

Deuxième grand pilier : redonner des libertés dans la manière de vivre les compétences au sein des collectivités territoriales et, plus particulièrement, au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cela pourrait d'ailleurs être le préambule à notre mouvement de décentralisation. Décentraliser ne consiste pas nécessairement à donner aux collectivités territoriales certaines compétences de l'État ; cela consiste parfois à introduire de la souplesse à l'échelon territorial ou à remettre bon ordre dans les compétences déjà décentralisées.

Si les élus départementaux et régionaux sont très favorables à un mouvement de décentralisation, peu de maires se sont exprimés pendant le grand débat national pour réclamer davantage de compétences décentralisées. Le maire s'interroge davantage sur son pouvoir de police en tant qu'agent de l'État ou sur sa relation à l'intercommunalité. Il réclame rarement d'obtenir plus de compétences de l'État. C'est toutefois moins vrai en ce qui concerne les élus des métropoles, des grandes communes, des départements et des régions auxquels nous devrons également répondre.

Je milite pour que nous accordions des libertés locales nouvelles. Nous ne ferons pas l'impasse sur les questions liées à l'intercommunalité, selon le triptyque désormais bien connu : compétences, gouvernance, périmètre. Nous devons encore avancer sur un chemin de crête, mais je pense que nous pouvons le faire sans risque et sans danger si nous savons écouter avec attention ce que les maires nous ont dit.

Les maires ne demandent pas de grand soir non plus en matière de gouvernance, mais ils éprouvent parfois un sentiment de dépossession dans la relation qu'ils entretiennent avec l'intercommunalité. Les élus, qui siègent de manière bénévole au conseil municipal, ne peuvent pas comprendre que des décisions importantes soient prises au conseil communautaire, qui se tient à vingt ou vingt-cinq kilomètres d'eux, sans qu'ils aient été consultés ni même informés avant ou après la prise de décision.

Nous devons faire un travail qui n'a rien de révolutionnaire mais qui est important et fait appel au bon sens. La qualité du fonctionnement des intercommunalités n'est pas nécessairement liée à la taille : les intercommunalités XXL peuvent fonctionner bien ou mal et il en va de même pour les petites. En fait, elle dépend plutôt des pratiques humaines. Je vous propose donc de nous inspirer de ces bonnes pratiques : les conseils des maires ; la possibilité donnée aux adjoints au maire de siéger dans les commissions communautaires, selon des règles à définir au sein de chaque assemblée communautaire ; la communication des délibérations du conseil communautaire à tous les conseils municipaux des communes membres de l'EPCI.

À l'ère du numérique et à un moment où nous accélérons le rythme de déploiement du très haut débit sur le territoire, il paraît curieux de ne pas diffuser les délibérations d'un conseil communautaire à tous les membres de l'EPCI. D'ailleurs, certains font cet effort de transparence depuis des années et s'étonnent d'avoir à l'inscrire dans la loi. Si l'on en juge par les quatre-vingt-seize heures du grand débat national, cette inscription apparaît pourtant nécessaire : des centaines d'élus ont interrogé le Président de la République sur ce sujet du fonctionnement communautaire pendant plusieurs heures.

J'en viens au périmètre. Nous devons agir avec beaucoup de prudence en la matière parce qu'une modification du périmètre entraîne celle de nombreux indicateurs comme le potentiel financier ou le coefficient d'intégration fiscale (CIF). Je tiens à souligner que les variations des dotations de l'État ne sont pas le fait du législateur. À part la péréquation avec l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), vous n'avez rien changé. Le Gouvernement vous a proposé de ne rien changer.

D'ailleurs, je suis toujours étonné que des parlementaires ne se défendent pas sur le terrain quand d'aucuns expliquent que la dotation de l'État a diminué, que c'est scandaleux, que c'est la faute du Gouvernement. Non, ce n'est pas la faute du Gouvernement. Ce dernier propose des critères, avec un avis du Comité des finances locales (CFL). Le Parlement souverain vote, en général à l'unanimité, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». S'il y a des variations, c'est tout simplement parce que la carte des territoires évolue et non pas parce que vous avez changé les règles. Défendez-vous et montrons que les effets de bord liés à la carte intercommunale modifient la répartition d'une partie des dotations de l'État.

Certaines mesures peuvent être prises. La loi NOTRe prévoit de revoir tous les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) en 2022. Par mesure de sagesse, je vous propose de supprimer cette obligation, considérant que, si nous devons régler des problèmes, il vaut mieux le faire de manière plus consensuelle après les élections municipales. Relancer le cycle des SDCI, en prévoyant de s'appuyer sur les pouvoirs spéciaux des préfets en 2022, ne me semble pas être un bon signal envoyé aux élus locaux de ce pays.

En revanche, je pense qu'il est temps de rendre obligatoires certaines études d'impact. Le départ d'une commune d'une intercommunalité n'est pas sans conséquences financières. Si une commune veut partir, elle doit donc financer une étude d'impact pour informer les autres communes de ce qui va se passer. Quand une intercommunalité veut modifier son périmètre, elle doit financer une étude d'impact. Quand l'État veut modifier le périmètre, il doit financer une étude d'impact pour expliquer à tous les élus du territoire quels seront les effets concrets sur les dotations de l'État ou sur la fiscalité.

Nous prévoyons aussi quelques mesures de bon sens. Il existe une procédure dérogatoire pour permettre à une commune de quitter une communauté de communes. Pour des raisons historiques, cette procédure dérogatoire n'existe pas dans les comités d'agglomération. Je vous propose de l'introduire. En revanche, le niveau d'intégration des communautés urbaines et des métropoles nous impose de ne pas toucher aux règles existantes.

Nous devons inventer un système de divorce à l'amiable pour les très grandes intercommunalités. Il faut permettre une scission par la voie la plus consensuelle qui soit, sans intervention particulière de l'État, si ce n'est de mettre à disposition des outils pour le faire. Quand une grosse intercommunalité de 120 000 habitants ne fonctionne pas et ne fonctionnera jamais parce qu'il y a un problème de bassin de vie, il faut lui permettre de se scinder en deux intercommunalités de 60 000 habitants. En faisant cela, nous n'abîmons pas les territoires en question et la démocratie locale, dès lors que les élus locaux sont à l'origine de la décision.

Le texte traite de plusieurs sujets liés aux libertés locales, notamment le renforcement du pouvoir de police du maire. Il est insupportable de prendre des arrêtés qui ne sont pas suivis d'effet, estiment la plupart des maires qui sont, par ailleurs, soumis à la pression sociale. Pourquoi ne faites-vous rien alors que cette route est dangereuse parce qu'untel n'a pas élagué sa haie ? l'interroge-t-on. L'édile a souvent pris un arrêté mais il est privé d'outil de coercition – notamment sous forme d'amendes administratives – pour le faire respecter. Il en va de même pour les établissements recevant du public (ERP) ou pour les occupations illégales du domaine public. Votre collègue Jean-Michel Fauvergue a rendu un rapport, très consensuel me semble-t-il, qui contient des propositions sur les pouvoirs de police. Nous nous en sommes largement inspirés ainsi que des propositions du Sénat.

Au-delà de la question des pouvoirs de police du maire, il nous faudra réfléchir aux effets de seuil. Sur ce point, je considère que le travail en commission et en séance publique doit nous permettre d'améliorer les choses. Outre les indemnités, cet effet de seuil concerne le financement de certains projets. Prenons l'exemple, dont la presse s'est fait l'écho, d'une commune rurale qui a à sa charge un bâtiment remarquable du patrimoine qui n'a pas été intégralement classé par les services du ministère de la culture. C'est d'ailleurs souvent le cas : il peut s'agir d'une église, dont seuls les vitraux ou la cloche, par exemple, sont classés. Actuellement, si ce bâtiment menace ruine, on impose à la commune de contribuer, en tant que maître d'ouvrage, à hauteur d'au moins 20 % aux travaux, et ce au mépris de l'éventuelle imminence du péril qui menace le bâtiment. Si celui-ci est intégralement classé, il est possible de déroger à la règle ; si tel n'est pas le cas, aucune dérogation n'est possible. Je vous propose donc d'étendre le droit de dérogation du préfet en la matière. La question a été soulevée dans le cadre du Loto du patrimoine de Stéphane Bern. Il est en effet arrivé qu'en cumulant l'argent du Loto du patrimoine, la DETR (Dotation d'équipement des territoires ruraux), la DSIL (Dotation de soutien à l'investissement local) ainsi que des subventions du département et de la région, un maire parvienne à réunir 80 % du financement mais que sa commune de 400 ou 500 habitants n'étant pas en mesure de financer les 20 % lui incombant, les travaux n'ont pu être effectués. La mesure que je vous propose est donc pleine de bon sens, et je souhaite que nous trouvions d'autres mesures de simplification de ce type.

Nous allons également imaginer un rescrit normatif, afin de protéger la possibilité, pour les élus locaux, d'interroger les services de l'État. Par ailleurs, nous prendrons un certain nombre de dispositions importantes de divers ordres. Je cite toujours, à titre d'exemple, les récentes inondations survenues dans l'Aude pour illustrer les hypocrisies sur lesquelles nous fermons les yeux. L'an dernier, le conseil départemental et le préfet de l'Aude ont été confrontés à des inondations importantes. Des commerces ont été dévastés. Il fallait donc verser en urgence des aides à la trésorerie à des boulangeries, des boucheries… Le conseil départemental était prêt à verser ces aides, mais il ne le pouvait pas car, aux termes de la loi NOTRe, il s'agit d'une aide économique. Or, on l'a laissé faire, car l'urgence était telle que le bon sens commandait de demander au préfet de fermer les yeux sur le contrôle de légalité. Toutefois, je n'aime pas beaucoup cette hypocrisie. C'est pourquoi je vous proposerai de rétablir temporairement – sur décision préfectorale, cela va sans dire – la clause de compétence générale des conseils départementaux en cas de catastrophe naturelle. Là encore, il s'agit d'une mesure de bon sens, qui ne remet pas en cause l'équilibre des compétences des différentes collectivités et qui permettra de remédier à des problèmes de proximité.

Il y aurait encore beaucoup à dire. Je pourrais ainsi évoquer les communes nouvelles – un texte consacré à cette question sera bientôt soumis à l'Assemblée –, la médiation territoriale ou les questions métropolitaines. Plusieurs sujets sont sur la table. En tout cas, je crois vous avoir présenté un large panorama des mesures que pourrait contenir ce texte qui n'existe pas encore.

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