Je suis très heureuse de me trouver devant vous avec mon collègue Olivier Dussopt. Nous avons l'habitude de travailler ensemble – nous le faisons notamment sur le dossier des contrats dits de Cahors – et c'est donc à deux voix que nous allons nous adresser à vous.
Il me semble important de commencer par rappeler que la suppression de la taxe d'habitation était un engagement du Président de la République, désormais matérialisé par une décision politique. Vous le savez, l'idée de supprimer la TH reposait sur deux idées. Premièrement, elle était devenue un impôt assez injuste, avec des variables très différentes selon les villes, voire entre les différents quartiers d'une même ville : de ce point de vue, sa suppression est une évidente mesure de justice sociale. Deuxièmement, c'est une mesure d'augmentation du pouvoir d'achat.
Vous l'avez dit, monsieur le président, c'est à une baisse d'impôts sans précédent que nous allons procéder puisque, dès 2020, 80 % des Français auront définitivement cessé de payer la taxe d'habitation sur leur résidence principale. Leur gain sera de 555 euros en moyenne, après avoir connu des allégements progressifs : un tiers en 2018, deux tiers en 2019. En 2020, les Français n'auront plus de taxe d'habitation à payer. Nous avions initialement imaginé que cette mesure concernerait environ 80 % des Français mais, tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel, nous avons finalement décidé que l'ensemble de nos concitoyens bénéficieraient en 2023 de la suppression complète de la taxe d'habitation sur la résidence principale, pour un gain moyen de 723 euros.
Je rappelle que les 20 % de Français qui ne seront exonérés qu'en 2023 correspondent, en termes de revenus, à un couple composé de deux personnes gagnant chacune plus de 2 200 euros par personne. On me fait parfois la réflexion que ce sont les plus riches, mais j'estime pour ma part que deux personnes ayant un revenu total de 4 400 euros ne font pas un couple de millionnaires – même si on trouve dans le haut de la pyramide des personnes payant des taxes d'habitation d'un montant très important.
Bien sûr, derrière tout cela, il y a un enjeu de finances publiques pour la soutenabilité de la réforme. Vous le savez, le Gouvernement a décidé de ne pas recréer d'impôt : en d'autres termes, on a supprimé plus de 20 milliards d'impôts sans les remplacer par quelque prélèvement que ce soit. L'État va assumer la compensation intégrale pour les collectivités sur ses propres ressources, et supportera seul le coût de cette suppression d'impôt sans précédent.
La réforme va s'appliquer en tenant compte de plusieurs principes. Le premier est celui d'une compensation intégrale pour chaque collectivité, à l'euro près : aucune ne perdra de ressources, et c'est un point sur lequel nous ne transigerons pas. Le dégrèvement a déjà commencé à s'appliquer dans les communes et, comme vous le confirmera Olivier Dussopt, qui se tient sur le terrain à l'écoute des retours, nous n'avons pas été informés de difficultés particulières pour le moment.
Nous avons aussi le souci de clarifier le système des impôts locaux, pour le contribuable comme pour les élus. Notre engagement est donc de parvenir à une plus grande lisibilité, ainsi qu'à une meilleure prévisibilité du panier de ressources avant les prochaines échéances. Évidemment, nous avons en ligne de mire les élections municipales de l'année prochaine, c'est pourquoi ce nouveau panier de ressources sera connu dès l'examen du PLF pour 2020. Par ailleurs, de nouveaux paniers de ressources seront instaurés au 1er janvier 2021, ce qui correspond au premier budget après les élections municipales.
Vous connaissez le schéma général de la réforme, puisqu'il a déjà été largement commenté. Je voudrais néanmoins y revenir brièvement pour dire que les communes pourraient recevoir, conformément au dispositif que nous avons présenté à toutes les associations, la fraction départementale du foncier bâti. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui touchent de la taxe d'habitation – ce n'est pas le cas de tous – pourraient recevoir une ressource fiscale nationale dynamique, c'est-à-dire de la TVA. Enfin, les départements, auxquels est appliquée la suppression de la part de foncier bâti, la verraient remplacée par une fraction d'imposition nationale dynamique – nous pensons évidemment aussi à la TVA.
Ces grands principes ont été accueillis plutôt positivement par les associations d'élus. Certes, les départements ne sont pas ravis de perdre le foncier bâti, je le dis clairement, mais ils sont disposés à poursuivre le dialogue avec nous en vue de trouver des solutions de nature à les satisfaire. L'Association des maires de France (AMF) et les autres associations de maires ont également plutôt bien reçu cette réforme qui laisse aux communes un levier leur permettant de conserver une capacité à lever l'impôt à un certain taux.
Sans entrer dans le détail du système, qu'Olivier Dussopt va vous exposer, il a également le mérite de maintenir une dynamique de ressources, aussi bien pour ceux qui vont toucher de la TVA que pour ceux qui vont bénéficier d'un système de compensation. Mon exposé ne serait pas complet si je ne vous disais pas qu'André Laignel, premier vice-président de l'AMF, nous a parlé de dégrèvements perpétuels – mais il paraît pour le moins curieux de vouloir faire des dégrèvements sur des impôts qui n'existent plus.
D'une manière générale, la réforme est plutôt bien accueillie, dans le sens où les associations d'élus souhaitent poursuivre le dialogue avec nous pour affiner les propositions que nous leur avons faites. Bien entendu, la taxe sur les résidences secondaires sera maintenue : tout au plus changerons-nous éventuellement son nom. Enfin, la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale va avoir quelques incidences sur un certain nombre d'impôts qui étaient liés à la taxe d'habitation, mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.