Je veux d'abord souligner à nouveau l'impact de cette réforme : avec la seule réforme de la taxe d'habitation, nous allons rendre progressivement 17 milliards aux ménages français et, à horizon 2023, aux 24,4 millions de foyers qui bénéficieront de sa suppression. En tenant compte d'autres diminutions d'impôts d'ores et déjà annoncées, nous parvenons à réduire la fiscalité des ménages de 27 milliards. Supprimer un impôt de presque 23 milliards – c'est le montant global de la taxe d'habitation – est une entreprise qui n'avait jamais été réalisée jusqu'à présent, étant précisé qu'il ne s'agit pas de substituer à cette taxe une nouvelle imposition : l'État a bien la volonté d'alléger les prélèvements sur les ménages.
Mme la ministre venant de rappeler les grands principes, je vais simplement préciser comment nous envisageons de mettre en oeuvre la compensation. Nous souhaitons l'inscrire dans le PLF pour 2020, afin de disposer d'une année entière, jusqu'au PLF pour 2021, pour pouvoir procéder, si nécessaire, à des améliorations ou à des ajustements. Cette année servira également à préciser les simulations existantes et à mieux connaître le cadre dans lequel nous évoluerons.
La première compensation concerne les communes, auxquelles il s'agit d'affecter la part de la taxe foncière actuellement perçue par les conseils départementaux, ce qui représente 14,1 milliards et vient compenser une perte de recettes de 15 milliards. Il manque donc environ 900 millions, que nous proposons de régler par des dotations affectées aux communes pour compenser de manière macroéconomique la recette qui leur est retirée.
Nous proposons de donner aux intercommunalités une fraction de la TVA, de manière à ce que la perte de recettes liée à la suppression de la taxe d'habitation soit intégralement compensée par une ressource dynamique, à l'instar de ce qui se fait actuellement pour les régions. La question ayant été posée dans le cadre du débat public, je précise que les intercommunalités continueront à bénéficier de la fraction de taxe foncière qu'elles perçoivent actuellement, de manière à ce que les intercommunalités qui mènent des politiques en matière d'urbanisme ou de logement puissent aussi être intéressées à ces politiques.
J'ajoute que la compensation de la perte de recettes de taxe d'habitation pour les intercommunalités par une fraction de la TVA permet de coller au plus juste des réalités, puisque le régime fiscal des intercommunalités peut revêtir diverses formes – certaines sont à fiscalité additionnelle, d'autres à fiscalité propre –, ce dont nous devons tenir compte. Attribuer à chacune d'entre elles une fraction de TVA permet justement de répondre à ces spécificités, ce qui n'aurait pas été évident dans un système où nous aurions transféré telle ou telle fraction d'imposition – comme nous le faisons au bénéfice des communes avec la fraction de la taxe foncière départementale.
Il est également proposé d'affecter aux départements une fraction de TVA – même si cela tombe sous le sens, je précise, car la question nous a également été posée, qu'il s'agit d'une fraction de la TVA existante : il ne s'agit en aucun cas d'augmenter la TVA actuelle.
Enfin, nous proposons de remplacer par une dotation les recettes que perdraient les régions. Il s'agit en réalité des frais de gestion de la taxe d'habitation, d'un montant d'environ 300 millions d'euros, qui leur ont été affectés il y a quelques années en tant que recettes dans le cadre de différentes compensations.
Un certain nombre de sujets techniques doivent être évoqués. D'abord, Jacqueline Gourault l'a dit, la taxation sur les résidences secondaires sera maintenue d'une manière formelle ou pratique – nous ferons peut-être le choix de lui donner un autre nom –, car il nous paraît à la fois juste socialement et conforme à l'engagement du Président de la République de ne supprimer la taxe d'habitation que sur les résidences principales.
Nous allons également maintenir la possibilité pour le bloc local d'avoir une taxation supplémentaire, donc une surtaxe, pour les logements vacants. Cet outil utile en matière de politique du logement pour les communes et leurs intercommunalités représente environ 600 millions par an, auxquels s'ajoutera la taxe sur les résidences secondaires, que nous maintenons, et dont la recette totale est comprise entre 2,6 et 2,7 milliards.
Nous allons devoir compenser ou régler d'autres taxes aujourd'hui adossées à la taxe d'habitation. Pour ce qui est de la taxe de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), nous proposons que l'actuelle part additionnelle à la taxe d'habitation soit répartie entre la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière ou la cotisation foncière des entreprises, de manière à ce que ces taxes-là puissent être porteuses de la GEMAPI, comme l'est aujourd'hui la taxe d'habitation.
Nous devons aussi avoir un débat sur la taxe spéciale d'équipement, pour laquelle se présentent deux options en fonction de la nature des territoires, notamment pour le financement des établissements publics fonciers. On peut envisager soit de remplacer l'actuelle part additionnelle de la taxe d'habitation par un report sur d'autres taxes locales – éventuellement la taxe foncière –, soit de procéder à une compensation budgétaire. C'est un point dont nous discutons encore avec les associations d'élus, mais nous savons que la taxe spéciale d'équipement perçue par les établissements publics fonciers varie beaucoup d'un territoire à l'autre, et du ressort d'un établissement public foncier à l'autre, ce qui donne lieu à des situations très diverses.
Enfin, nous devons régler la question de la contribution à l'audiovisuel public, que nous proposons dans un premier temps de maintenir en l'état, en vue d'une réforme à venir qui pourrait prendre la forme d'un adossement à l'impôt sur le revenu – mais là aussi, la réflexion menée pour trouver la meilleure solution reste à approfondir.
Jacqueline Gourault l'a dit, nous proposons que la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation soit engagée dès 2021, selon une procédure similaire à celle qui a été suivie pour la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, à savoir l'établissement des nouvelles valeurs, de différents systèmes de plafonnement et de planchonnement, puis d'un tunnel de convergence, afin que la réforme puisse être achevée dans quelques années.
Il reste un point que je n'ai pas évoqué, portant sur les mécanismes de compensation de la taxe d'habitation pour les communes dans le cadre de l'affectation de la taxe foncière des départements. Je l'ai dit, cette affectation représente 14,1 milliards d'euros, alors que la recette supprimée s'élève à 15 milliards. De manière assez évidente, il n'existe qu'un nombre très limité de communes pour lesquelles la valeur de la taxe foncière perçue sur leur territoire par les départements correspond exactement à la valeur de taxe d'habitation qu'elles percevaient. En réalité, nous estimons qu'il y a plus de 24 000 communes surcompensées et 11 000 communes sous-compensées.
Nous proposons de commencer par observer les communes qui font l'objet d'une surcompensation particulièrement limitée. Nous avons proposé – mais ce point reste ouvert à la discussion, tant sur les modalités que sur le montant évoqué – que les communes faiblement surcompensées puissent garder le bénéfice de la surcompensation. Nous avons avancé une idée qui consisterait à ce que les communes surcompensées dans la limite de 15 000 euros par rapport à leur ancien produit de taxe d'habitation puissent garder le bénéfice de cette surcompensation. Les communes surcompensées sont principalement des communes de petite taille – souvent rurales – et, vous le savez, pour les plus petites communes, une recette fiscale supplémentaire de 15 000 euros est loin d'être négligeable. Certains estiment que maintenir le bénéfice d'une surcompensation jusqu'à concurrence de X milliers d'euros est une bonne formule, d'autres estiment que toutes les communes surcompensées devraient pouvoir conserver le bénéfice de la surcompensation – au moins partiellement, car les surcompensations sont parfois d'un montant assez phénoménal – afin d'éviter les effets de seuil. Les différentes solutions envisagées ont toutes un impact budgétaire, mais nous sommes ouverts à la discussion sur ce point.
Laisser aux communes le bénéfice de la surcompensation, lorsqu'elle est inférieure ou égale à 15 000 euros, ferait sortir environ 10 000 communes du champ des mécanismes de compensation. Nous proposons donc un système de compensation entre les communes surcompensées et les communes sous-compensées.
Pour ces dernières, les choses sont assez simples, il suffit de déterminer le montant de la compensation nécessaire et de la leur affecter. La seule difficulté réside dans le prélèvement de la ressource destinée à abonder le fonds de compensation. Nous vous proposons de ne pas adopter de mécanisme identique à celui du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) qui a été retenu pour la taxe professionnelle. L'expérience montre en effet que, huit ans après, le FNGIR se heurte à certaines limites : des communes dont la situation économique et sociale a évolué restent contributrices de manière figée, alors que des communes qui, elles, ont vu leur situation s'améliorer, en restent bénéficiaires, ce qui semble anormal dans les deux cas.
Nous proposons donc d'instaurer un coefficient correcteur fonctionnant comme suit : si une commune perçoit 80 de taxe d'habitation et que demain, la part de la taxe foncière départementale qui lui est affectée est égale à 100, le mécanisme correcteur – permettant de passer de 100 à 80 la première année – serait de 0,8. Un tel mécanisme a plusieurs mérites, à commencer par celui de garantir le maintien d'une ressource dynamique. En effet, si les valeurs locatives de la taxe foncière concernée évoluent, la recette de la commune évolue à due proportion.
Cela nous permet aussi de neutraliser un autre aspect, à savoir le fait que les politiques d'abattement pratiquées respectivement par les départements et les communes peuvent différer, pour deux raisons. La première, c'est que tous les abattements ne sont pas ouverts dans les mêmes conditions aux deux strates ; la seconde, c'est que chaque collectivité ayant procédé à ses propres choix en la matière, cela a pu créer des différences. L'application du mécanisme correcteur nous permet donc de garantir le dynamisme de la compensation, de tenir compte ainsi de l'évolution des territoires et d'éviter de devoir recourir à un mécanisme de type FNGIR qui se caractérise par l'inscription dans les comptes de la commune d'une contribution ou d'un bénéfice pendant des années et des années, alors qu'on en a parfois oublié l'origine – qui peut même avoir disparu, du fait de l'évolution de la situation économique et sociale des territoires concernés.
Présenté aux associations, ce mécanisme a reçu un accueil plutôt favorable, car il permet au bloc local, notamment aux communes, de préserver leur politique fiscale, donc de conserver un levier fiscal, mais aussi parce qu'il garantit le dynamisme de la compensation.
Un certain nombre de questions restent posées et auront vocation à être débattues au cours de la discussion que nous avons avec les associations, mais aussi dans le cadre du débat parlementaire. Elles portent notamment sur l'année de référence que nous allons retenir pour calculer la compensation initiale : vous savez que la loi de finances prévoit que 2017 sera cette année de référence, mais j'imagine que cela suscitera des discussions. Il conviendra également de déterminer si le coefficient correcteur doit rester fixe ou s'il peut être revu à la hausse ou à la baisse en fonction de l'évolution des communes auxquelles il s'applique – ce point peut susciter des difficultés techniques, mais nous n'avons pas l'intention d'esquiver le débat auquel elles peuvent donner lieu.
Vous le voyez, un certain nombre de points sont arrêtés dans notre esprit sur les grands équilibres et les mécanismes de compensation de la recette de taxe d'habitation pour les collectivités – à tous les niveaux. Ces points, ainsi que d'autres, ont vocation à faire l'objet de discussions dans le cadre de cette audition, puis dans celui du débat sur le prochain projet de loi de finances.