Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 19 octobre 2017 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président du groupe de travail sur le détachement des travailleurs :

Je voudrais rappeler quelques éléments de contexte. Les facteurs historiques sont ici très importants. La directive de 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, a représenté une avancée lorsqu'elle a été adoptée, mais elle est devenue inadaptée car l'Union européenne a profondément évolué avec l'intégration des pays d'Europe de l'est. Cette directive aurait dû être revue il y a plusieurs années pour répondre aux nouvelles réalités économiques et c'est un peu par « paresse » que nous ne l'avons pas fait au risque de donner du grain à moudre à ceux qui critiquent l'Union européenne, facteur de concurrence déloyale et de dumping social selon eux, comme vient de le dire M. Bruno Gollnisch.

Je voudrais souligner que des négociations sont en cours au sein des instances européennes et qu'il faut tenir compte des forces en présence. Je vous appelle donc à la prudence, car si les négociations échouent nous reviendrons au statu quo antérieur, c'est-à-dire à l'application de la directive de 1996 qui est totalement inadaptée aujourd'hui, ce point fait consensus. Si nous adoptons des positions trop radicales, comme le propose par exemple notre collègue Danièle Obono, nous fragilisons les chances de trouver un accord acceptable au niveau européen.

Il faut donc se concentrer sur les points essentiels qui représenteront des avancées incontestables à savoir la notion de rémunération qui remplacera la notion de taux de salaire minimal. Ce point est très important, car désormais les salariés détachés seront rémunérés selon les normes fixées par la convention collective pour une qualification équivalente et non simplement en se référant au salaire minimal du pays d'accueil. De plus, les travailleurs détachés bénéficieront des avantages annexes liés à la rémunération prévue dans le pays d'accueil.

Comme je l'ai dit, des négociations délicates sont en cours, c'est pourquoi nous avons été particulièrement prudents dans la formulation de notre résolution sur le point traitant du transport routier international. En effet, pour que les négociations aboutissent au Conseil européen du 23 octobre, il faudra gagner le soutien de l'Espagne pour obtenir une majorité qualifiée et il se trouve que ce pays est très attaché aux spécificités du transport routier. La rédaction proposée soutient donc l'extension du champ d'application de la directive au transport routier tout en indiquant que compte tenu de ses spécificités, un texte particulier devrait ultérieurement préciser les modalités pratiques d'application de cette directive à ce secteur. Une telle rédaction ne devrait pas gêner le Gouvernement dans ses prochaines négociations au Conseil.

Nous avons aussi insisté sur la nécessité de renforcer le contrôle et la lutte contre les détachements frauduleux. À ce titre, nous soutenons les autorités françaises qui ont proposé d'utiliser la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré pour organiser la coopération administrative entre les États membres dans ce domaine, mais nous n'avons pas voulu nous étendre sur les modalités de ce contrôle pour laisser le champ libre à la négociation.

Pour avoir une démarche constructive, nous devons garder à l'esprit que la France n'est pas le « centre du monde » et que les positions françaises ne seront pas forcément acceptées en l'état par les autres États membres. Sur la question de la durée du détachement, rappelons que la directive de 1996 n'en fixe aucune et que la commission européenne propose une durée de vingt-quatre mois, alors que la France souhaite l'encadrer de manière plus restrictive à douze mois. Il faut garder à l'esprit la grande diversité des types de détachement : les ingénieurs français détachés le sont souvent pour des durées plus longues que les ouvriers du bâtiment originaires de pays situés à l'est de l'Union européenne et qui viennent ponctuellement dans les pays de l'ouest de l'Europe pour des missions de courte durée.

Je voudrais aussi faire remarquer à ceux qui voudraient introduire une sorte de « clause Molière » dans la directive - c'est-à-dire imposer à ceux qui viennent travailler en France de maîtriser notre langue - que cette règle pourrait s'avérer fort préjudiciable à certains Français hautement qualifiés à qui on pourrait demander à titre de réciprocité de maîtriser le hongrois ou le polonais.

Pour conclure, je voudrais que nous adoptions un point de vue européen pour nous mettre en situation de faire progresser cette question, c'est-à-dire de trouver des solutions de compromis sur les points essentiels sans vouloir imposer des solutions trop « franco-françaises ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.