Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Madame la présidente-directrice générale, afin de préparer au mieux cette audition, nous avons reçu votre CV – que j'ai eu l'imprudence d'imprimer, étant loin d'imaginer qu'un CV puisse contenir autant de pages. En tout cas, cette lecture m'a éclairé sur ce que vit aujourd'hui le groupe public RATP.

En effet, votre nomination à la tête de la RATP en 2017 ne doit rien au hasard, mais à votre longue expérience dans la privatisation des biens communs. Vous avez fait vos premiers pas, tout juste sortie de l'École nationale d'administration (ENA), en tant que chargée de l'ouverture du capital d'Air France. Votre expertise progresse tellement qu'en 2010, vous vous privatisez vous-même en démissionnant de la fonction publique. Mais heureusement, l'État – peu rancunier – vous propulse administratrice du groupe ENGIE où vous pantouflez, mais sans rester les deux pieds dans le même sabot, puisque vous présidez en même temps une société de conseil.

Nous sommes donc réunis ici pour faire le point sur votre oeuvre et décider si elle mérite d'être perpétuée par l'ouverture à la concurrence et in fine par la privatisation de la RATP. Celle-ci se fera progressivement jusqu'à une libéralisation totale en 2039. Le principe est simple : tandis que l'État finance l'entretien du réseau de transport, les opérateurs privés se partageront les lignes les plus rentables. La RATP connaîtra le même sort que la SNCF en se démultipliant en des centaines de filiales privées, qui viendront se concurrencer entre elles lors des appels d'offres. Quel est le bénéfice final pour les usagers ?

Dans votre document de présentation, l'un des objectifs que vous affichez est de rebâtir une relation réinventée avec vos clients, qui doivent, selon vous, être en permanence au coeur des préoccupations de l'entreprise. Je préfère personnellement le terme d'usager lorsque nous parlons de missions de service public. Pourriez-vous m'éclairer sur le sens d'une « relation réinventée » ?

En quoi l'ouverture à la concurrence favoriserait-elle une meilleure relation client, quand il y aura des dizaines d'opérateurs de transport sur le marché, enterrant de surcroît la possibilité de toute tarification sociale, sans même parler d'un début de réflexion sur la gratuité ?

Comment la multiplication des exploitants et des filiales pourra-t-elle servir le besoin grandissant d'intermodalité qui nécessite des correspondances performantes entre les modes de transport, une information pertinente et unifiée, une interface unique pour enfin permettre aux citoyens d'abandonner leur voiture individuelle ?

Je passe rapidement sur la question écologique puisqu'en confiant les clés de nos infrastructures au privé, nous perdons tous nos outils pour planifier et réaliser la transition écologique.

Votre propos liminaire faisait l'éloge de la RATP, de la richesse technique de ses salariés et de ses résultats sur les métros, les bus et les RER. Je m'interroge : ne craignez-vous pas, pour vous-même, la dissonance cognitive quand vous serez amenée à gérer l'ouverture à la concurrence, tant vous avez fait l'éloge de cette entreprise intégrée et de sa capacité à travailler sur tous ces réseaux ?

Mon attention particulière au bien-être des personnels me fait m'inquiéter de votre propre bien-être. Comment allez-vous vivre ce nouveau poste de PDG où finalement, nous allons vous rétrograder en tant que chef de rayon de la braderie de ce service public ?

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