Intervention de Cédric O

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 16h30
Commission des affaires économiques

Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique :

Je ne serai pas long, afin de répondre ensuite à toutes vos questions. Le numérique est à la fois intéressant et problématique car il concerne tout et tout le temps !

C'est pourquoi, en accord avec le Président de la République, le Premier ministre, et MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, j'ai choisi de me concentrer et de faire avancer trois ou quatre chantiers majeurs, sur lesquels je vais revenir. Les secrétaires d'État au numérique ont parfois eu trop tendance à se noyer dans tous les sujets, car le numérique infuse tous les secteurs, à tout moment : numérisation du travail, du processus de facturation des entreprises, etc. Je me suis donc concentré sur le développement de l'écosystème technologique et numérique français, la régulation, la fracture numérique et les rapports numériques des citoyens et de leurs administrations, ce dernier thème comprenant également la question de l'inclusion numérique.

L'écosystème technologique tout d'abord : au cours des dernières années, l'importance du sujet a été sous-évaluée en France. En termes macroéconomiques, le numérique représente une création nette d'emplois sur trois, voire une sur deux aux États-Unis. Se battre pour un écosystème technologique et numérique de bon niveau, c'est se battre pour les emplois de demain, et ceux d'aujourd'hui, mais également pour notre souveraineté.

Nous utilisons tous des téléphones américains, chinois ou coréens, des messageries américaines, des réseaux sociaux américains. Avec l'économie numérique, le gagnant est hégémonique. Si l'Europe n'a pas de gagnants, elle sera soumise à l'hégémonie des Américains et des Chinois. C'est peut-être un peu simple et caricatural, mais c'est ma vision.

Comment faire en sorte que nos entreprises – les grandes entreprises actuelles, mais également de nouvelles entreprises – émergent et soient en mesure de concourir avec leurs concurrents américains et chinois. La dernière introduction en Bourse d'une valeur technologique supérieure à un milliard d'euros à Paris, c'est Dassault Systèmes en 1996. Cela résume parfaitement nos réussites et nos échecs. Si nous ne sommes pas capables de faire émerger d'autres entreprises et de nous battre à armes égales avec les Américains et les Chinois, nous leur laisserons nos emplois technologiques et notre souveraineté…

Cela ne signifie pas qu'il faut devenir protectionniste, mais plutôt réfléchir à la meilleure façon de faire émerger des champions technologiques. L'écosystème numérique français se développe déjà, extrêmement vite : si 2,5 milliards d'euros ont été investis dans les start-up françaises il y a deux ans, nous sommes passés à 3,5 milliards d'euros l'an dernier et nous devrions atteindre 5 milliards d'euros cette année. Peu de secteurs croissent de 50 % en deux ans ! C'est bien, mais ce n'est pas encore assez. Les Anglais sont à 7 milliards ; nous venons de dépasser les Allemands, mais nous devons nous mettre en position de faire émerger encore plus d'entreprises – et de grosses entreprises. Là encore, l'accélération est notable : six levées de fonds ont été supérieures à 50 millions d'euros en 2017, elles étaient douze en 2018 et nous sommes à quinze à mi-2019. La dynamique est enclenchée et le rattrapage en cours.

Je l'ai dit dans un quotidien économique il y a quelques mois : nous pouvons atteindre quinze à vingt « licornes » – des entreprises valorisées plus d'un milliard d'euros – dans les cinq à dix prochaines années. Nous allons y arriver, c'est mathématique, puisqu'une quinzaine vient de dépasser les 500 millions d'euros. Mais il ne faut pas relâcher la pression. Plus que de licornes, nous avons besoin d'entreprises valorisées demain à 10, voire 40 ou 50 milliards d'euros.

Quel est le rôle de l'État ? Il doit créer les conditions de leur développement. Deux leviers sont particulièrement importants : le financement – nos réussites sont clairement liées aux réformes de la fiscalité menées par le Gouvernement. Le recentrage de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur l'immobilier, avec l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), et le prélèvement forfaitaire unique sont essentiels pour que l'écosystème français se développe. À titre personnel, j'estime que revenir sur la réforme de l'ISF nous ferait prendre le risque de sortir de l'histoire.

Nous devons aussi nous focaliser sur les introductions en Bourse et les levées importantes de fonds : comme leurs homologues américaines, nos entreprises doivent pouvoir lever 100 à 200 millions d'euros. Elles arrivent désormais souvent à lever 100 millions d'euros mais, à chaque fois, elles doivent faire appel à un financeur anglo-saxon. Ce n'est pas forcément un problème, mais nous aimerions plus de financeurs français.

En outre, le Gouvernement travaille d'arrache-pied pour développer un écosystème de recherche bénéfique pour ces entreprises afin que, demain, l'introduction en Bourse de valeurs technologiques françaises de plus d'un milliard d'euros soit à nouveau une réalité.

Deuxième levier indispensable : le recrutement, qui constitue actuellement le premier frein au développement des entreprises françaises du numérique, à tous les niveaux de formation. Le problème est tel que certaines d'entre elles – par exemple, Doctolib, une des dernières licornes françaises – ouvrent des bureaux à Berlin car elles n'arrivent pas à recruter des ingénieurs et techniciens français ! Dans un pays qui compte 2,5 millions de chômeurs, ce n'est pas satisfaisant. 80 000 emplois sont actuellement non pourvus dans le numérique ; il y en aura 200 000 en 2022. Il ne s'agit pas d'emplois pénibles, mais de postes à pourvoir du post-bac au niveau ingénieur. Nationalement et localement, nous devons faire le nécessaire pour répondre à la demande : 200 000 emplois, c'est le nombre total d'emplois créés en 2018 ! Le numérique nous permettrait donc de réduire le chômage de façon extrêmement efficace et, je le répète, il ne s'agit pas d'emplois pénibles.

La régulation des grandes plateformes est le deuxième grand dossier auquel je m'attelle. J'ai eu l'occasion de le dire durant les débats sur la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, dite « Avia ».

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