M. le Premier président a bien indiqué l'ensemble des éléments qui sous-tendent notre démarche. Nous avons évidemment présenté le principe de l'alignement pur et simple de l'ensemble des régimes sur un régime unique comme l'une des hypothèses retenues.
Du reste, cette hypothèse restera probablement, pendant un certain nombre d'années, assez théorique, vu l'ampleur des écarts que nous mesurons dans notre constat de départ. Car, en réalité, ces régimes divergent non seulement du régime général, mais aussi du régime de la fonction publique sur l'ensemble des paramètres de calcul. Qu'il s'agisse de l'âge d'ouverture des droits, de l'assiette des cotisations, des taux de cotisation, de l'âge de départ effectif, des règles de la décote ou de la surcote, du calcul d'un certain nombre d'avantages non contributifs, des montants moyens de cotisations, des montants moyens de retraite – augmentés, d'ailleurs, du fait des mesures d'accompagnement des réformes de 2008 –, du niveau des taux de remplacement ou, enfin, de l'ampleur des concours publics, l'ensemble de nos constats montrent à quel point la situation de départ est marquée par des divergences fortes.
Par conséquent, si, sans savoir quelles seront les annonces de M. Delevoye, nous posons le principe, dans un des scénarios envisagés, de l'alignement pur et simple au sein d'un régime unique, ce n'est pas si simple à faire. Nous construisons également d'autres scénarios, qui passent par la révision de l'ensemble des droits posés. M. Dharréville a mis tout à l'heure en avant qu'un certain nombre de raisons historiques avaient conduit à poser des droits spécifiques. Ce que nous disons dans le rapport, c'est qu'un certain nombre de ces raisons ne valent probablement plus aujourd'hui et que ces droits spécifiques mériteraient sans aucun doute d'être revus. À l'inverse, on peut aller jusqu'à un scénario qui, pendant au moins toute la période de transition, maintient l'entièreté des droits.
Cela nous renvoie cependant au problème du financement. Les règles d'ouverture à la concurrence de l'ensemble des activités de ces entreprises vont s'appliquer. Elles s'appliquent déjà à l'activité de fret de la SNCF et vont s'appliquer au transport des voyageurs. Elles s'appliquent aussi sur le marché de l'électricité, notamment aux activités régulées, en vertu d'une décision prise récemment, et vont s'appliquer aux transports urbains.
Ainsi, l'ouverture à la concurrence rend difficile le financement de droits spécifiques considérables – on a évoqué des concours publics de 5,5 milliards d'euros – en faisant porter la charge sur les entreprises elles-mêmes : c'est le plus sûr moyen de nuire gravement à leur compétitivité. Même si on devait aller jusqu'à un scénario qui maintient l'entièreté des droits, se poserait, de toute façon, un problème de financement pendant la période de transition.
À titre principal, puisque la question a été posée par M. Isaac-Sibille, il nous semble que le paramètre le plus fondamental et le plus divergent qui doive être révisé, mais non forcément le plus simple à faire évoluer, est celui de l'âge d'ouverture des droits. Le tableau qui vous a été montré tout à l'heure est tout à fait clair : l'âge d'ouverture des droits, pour un certain nombre de professions, dans un certain nombre d'entreprises, est aujourd'hui à 50,8 ans. Ce que nous disons, c'est qu'il est sans rapport avec la réalité de l'espérance de vie à l'âge en question. Il n'y a pas de divergence d'espérance de vie qui justifie le maintien de conditions aussi favorables. Cela étant dit, le sujet est évidemment complexe. Nous imaginons que la perspective d'un régime unique fondé sur un principe d'équité voulant qu'un euro cotisé ouvre les mêmes droits partout ne peut, par définition, qu'accélérer une convergence dont le principe et les modalités ont été souvent posés par le passé, mais sans qu'on aille nécessairement au bout de la démarche.
Sur les conditions financières, bien sûr, nous posons le problème de la soutenabilité des contributions publiques.
S'agissant des droits qui pourraient être maintenus et du financement des droits passés, on voit bien que la question se posera de faire financer ces droits soit par les entreprises, soit par le régime unique mis en place – c'est-à-dire, en fait, par l'ensemble des cotisants –, soit par l'État. Si on les fait financer par les entreprises, il faudra que ce soit dans les limites de compétitivité que j'évoquais tout à l'heure. Les salariés concernés pourront également être mis à contribution.
Nous ne tranchons pas ces différents points, comme nous ne tranchons pas non plus la question, soulevée par Mme Firmin Le Bodo, de l'avenir de la CTA. A priori, nous ne voyons pas de raison de la supprimer, si ce n'est le fait que, du point de vue de la Cour des comptes, il vaut toujours mieux une contribution publique imputée sur le budget de l'État qu'une contribution détournée à caractère fiscal. Ce principe renvoie aux principes généraux de la loi organique relative aux lois de finances, qui n'est pas forcément d'une application simple. La CTA devrait d'ailleurs, comme l'a dit M. le Premier président, plutôt baisser dans les prochaines années.