Intervention de Denis Morin

Réunion du mardi 16 juillet 2019 à 16h45
Commission des affaires sociales

Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Messieurs Door et Perrut, notre rapport apporte des éléments utiles sur la transparence des financements, sur laquelle je n'avais jamais trouvé d'explications précises.

Le régime des IEG a été adossé au régime général, avec le versement d'une soulte dont nous détaillons les caractéristiques, notamment le mécanisme de la contribution tarifaire d'acheminement.

Le régime de la RATP est entièrement financé par une subvention de l'État, et l'adossement envisagé un temps a été un échec, probablement car il posait la question des conditions de financement de l'exploitation de la RATP, qui relève entièrement des collectivités locales d'Île-de-France. Par conséquent, on pourrait considérer que le régime de retraite des agents de la RATP est financé par tous les contribuables nationaux, ce qui ne va pas nécessairement de soi. C'est toutefois le choix qui a été fait. La contribution publique finance les avantages de droit commun, comparables au régime général, mais aussi l'ensemble des avantages spécifiques au régime, qui sont substantiels puisqu'il s'agit probablement de l'un des régimes les plus favorables.

S'agissant de la SNCF, le rapport met au clair l'ensemble des circuits de financement : des cotisations sociales et patronales financent les prestations de droit commun à un taux T1, le taux T2 finance les avantages spécifiques, et les autres dépenses du régime sont financées par une subvention d'équilibre du budget de l'État. Des contentieux récurrents opposent l'État et la SNCF sur l'imputabilité de certains avantages au taux T2 ou à la subvention publique. La SNCF est généralement perdante, mais ce petit jeu n'est pas satisfaisant au regard des principes et de la transparence.

La pénibilité est probablement l'un des sujets les plus difficiles, car il concerne un grand nombre des agents pris en charge par ces trois régimes spéciaux et d'autres professions. M. Perrut évoquait les professions de santé ; je rappelle que, s'agissant des infirmières, la décision a été prise au moment de la réforme LMD, lorsqu'elles ont pu décider de passer en catégorie A à la condition de renoncer au bénéfice de la catégorie active.

La question va se poser pour beaucoup d'agents de la fonction publique qui n'ont pas été concernés par les réformes passées.

Le cadencement de l'alignement des âges prévu par la réforme de 2008 est strictement respecté. Le principe d'un alignement rapide n'avait pas été posé, et il n'y a pas de retard dans la mise en oeuvre. La réforme de 2008 prévoit un alignement très progressif sur le régime de la fonction publique, selon le calendrier rappelé dans le rapport, avec de nombreuses contreparties. Il faudra un certain nombre d'années, de 2008 à 2024, pour y arriver : prudence est parfois mère de sûreté.

La gestion des caisses est un enjeu financier de moindre importance au vu des 5,5 milliards d'euros nécessaires à l'équilibre du régime. Elles présentent néanmoins des défaillances de gestion qui nous ont amenés à saisir le parquet général près la Cour des comptes, qui jugera des suites à donner au regard du principe de probité dans l'usage des fonds publics. Nous avons notamment découvert des difficultés de cette nature concernant la gestion de la RATP.

La gestion des caisses n'est pas encadrée par une convention d'objectifs et de gestion. C'est principalement en raison des normes comptables, qui auraient imposé aux entreprises de provisionner des montants considérables dans leurs comptes, que ces régimes ont été isolés dans des caisses spécifiques. L'ampleur des passifs sociaux dans le secteur des IEG est comparable aux provisions à passer au titre du démantèlement des centrales nucléaires, soit des dizaines de milliards d'euros.

Si cette situation comptable est évitée, ces caisses restent très proches des entreprises en question ; c'est pourquoi nous recommandons de mieux marquer leur spécificité en recourant à du personnel ayant le statut de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale. Avec quelques gains de productivité et un meilleur fonctionnement, une meilleure informatique et une meilleure qualité de liquidation des droits, des économies de gestion de l'ordre de la centaine de millions d'euros sont possibles, ce qui n'est pas négligeable.

Nous n'avons travaillé ni sur le régime de retraite des marins, ni sur celui des pompiers, mais nous voyons que la démarche de convergence vers un régime unique fait immédiatement affleurer des préoccupations d'ordre catégoriel pour des métiers dans lesquels les personnes sont confrontées à des risques particuliers.

S'agissant des pensions de réversion, nos systèmes de retraite corrigent les inégalités salariales entre hommes et femmes, bien qu'insuffisamment. Les écarts de retraite entre les hommes et les femmes sont plus faibles que les écarts de rémunération. C'est un point évoqué dans l'ensemble des réformes des années passées. Cet écart se corrige aussi car les femmes ont aujourd'hui des carrières de plus en plus longues, dont la durée se rapproche de celles des hommes. Si d'importants écarts de rémunération demeurent, les avantages familiaux permettent de les atténuer lors de la liquidation de la retraite. Les règles de réversion sont extrêmement différentes d'un régime à l'autre, parfois en vertu de considérations qui relèvent de la vie privée : ainsi les règles peuvent changer selon qu'un bénéficiaire décide de se remarier. Nous plaidons pour un alignement sur le régime de la fonction publique, au moins à ce stade, comme le principe en a été envisagé. Enfin, l'harmonisation des règles par le haut est bien sûr une solution, mais elle poserait des problèmes d'ordre financier.

Pour juger de la pénibilité, le critère principal que nous envisageons est l'espérance de vie à l'âge de soixante ans. Les écarts sont importants dans la population générale, mais faibles au sein des catégories étudiées dans ce rapport. Cela induit l'idée que le rapprochement des droits est envisageable en théorie, car l'allongement de la durée de cotisation se fonde sur le constat de l'augmentation de la durée de vie d'un trimestre par an. Ce critère a été une ligne directrice pour un certain nombre de réformes de nos régimes de retraite lors des années passées.

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