Le rejet du projet de loi de règlement par les sénateurs nous conduit à l'examiner ce matin en lecture définitive.
Je veux saluer – comme je l'ai déjà fait – l'exécution de la loi de finances pour 2018. La gestion des dépenses de l'État a, en effet, été conforme à la prévision initiale ; le taux de mise en réserve a été réduit et il n'y a pas eu de décret portant avance ou annulation de crédits. Tout cela concourt à une plus grande sincérité budgétaire.
Les recettes de l'État ont été supérieures de 8,8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances. Il faut sans doute modérer la satisfaction, car ces résultats meilleurs qu'attendu doivent être imputés davantage à la conjoncture internationale qu'à l'action publique.
Malgré ces signaux positifs, plusieurs points faibles persistent, en particulier sur la question décisive du déficit, au sujet duquel les annonces récentes sur les perspectives du PLF pour 2020 confirment la tendance.
Le déficit de l'État, qui s'établit à 76 milliards d'euros en 2018, est certes moins important que celui qui était anticipé en loi de finances initiale – 85,7 milliards d'euros. Pour autant, il est supérieur de 8,3 milliards d'euros au budget exécuté en 2017, soit une augmentation de 12 %, ce qui ne peut constituer une bonne nouvelle – disons-le ainsi pour être modéré.
Par ailleurs, l'effort en matière d'économies n'est pas particulièrement porté par l'État. Il est plutôt assumé par les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales. Cet élément conduira les membres du groupe Libertés et territoires à s'abstenir très majoritairement sur ce texte.
Comme je l'indiquais lors de l'examen en nouvelle lecture, la réduction du déficit structurel n'est pas à la hauteur des règles européennes. Le déficit structurel est un indicateur d'autant plus pertinent qu'il n'est pas lié aux aléas de la conjoncture. Or, l'effort de diminution s'établit seulement à 0,1 point en 2018. En 2019, vos prévisions misent sur un effort structurel de 0,3 point de PIB, là encore loin de l'objectif européen, malheureusement.
Il est un autre levier que l'exécutif n'actionne pas : la réduction de la dépense publique. Il est certes difficile de le faire, mais la question se pose. Nous l'avons souligné à plusieurs reprises, une revue de l'ensemble des niches fiscales est nécessaire, car elles viennent « miter » l'impôt sur le revenu et altèrent sa progressivité.
Je m'arrête un instant sur les conditions d'examen de ce projet de loi de règlement. Les modifications apportées au calendrier devaient permettre d'en faire une véritable loi de résultats et un temps fort de l'évaluation et du contrôle parlementaires. Malgré les ambitions affichées, cela n'a jamais été le cas depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Le resserrement du calendrier pose néanmoins quelques difficultés. Par exemple, le Haut Conseil des finances publiques a formulé son avis avant même que l'INSEE ne publie les résultats des comptes annuels de 2018. Des ajustements doivent être faits.
Par ailleurs, nous constatons que le cadre budgétaire de l'État est de plus en plus complexe, ce qui nuit à sa lisibilité. Cela affecte notre capacité à appréhender, d'un point de vue global, les enjeux financiers associés à l'action de l'État.
À l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaite évoquer également les grandes orientations pour 2020, qui sont désormais connues.
Nous relevons un manque de lisibilité pour la fiscalité des entreprises. Le Gouvernement a l'intention de faire une deuxième exception, au détriment des grands groupes, à la trajectoire annoncée de baisse de l'impôt sur les sociétés. Cela fait suite à une première dérogation décidée dans le cadre de la taxe GAFA, nous l'avons tous en mémoire. Nous nous souvenons aussi des engagements de M. le ministre de l'économie et des finances quant à son caractère exceptionnel – visiblement, il ne l'était pas tant que cela !
Nous prenons acte de la décision de diminuer l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, qui fait suite à la suppression de la taxe d'habitation. Toutefois, nous notons que la réduction des niches fiscales, à laquelle le Gouvernement a appelé, ne permettra que 615 millions d'euros d'économies en 2020, ce qui pose un problème. En définitive, ce sont les entreprises qui seront mises à contribution, tout comme certains secteurs, notamment celui du logement.
Enfin, vous parvenez à boucler ce budget en relâchant l'effort de diminution du déficit, puisque celui-ci s'établira à 2,1 % du PIB au lieu de 2 %.
J'ai mentionné ces quelques points de vigilance un peu à l'avance, dans la perspective de l'examen du prochain projet de loi de finances. Nous aurons l'occasion d'y revenir.