Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 16h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Je vous remercie pour vos questions, qui dressent un panorama très varié. Madame la députée Émilie Guerel, vous avez évoqué la question de la formation professionnelle et de l'insertion des détenus majeurs, citant des exemples de restaurants tenus par les détenus. Vous me demandez quelles sont les orientations. D'un point de vue structurel, le travail en détention sera suivi par l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Dans un certain nombre de cas, les contacts qui seront noués pour l'offre de postes de travaux d'intérêt général permettront également d'évoquer des concessions qui pourraient être proposées en détention.

S'agissant des ordinateurs et de l'accès facilité à des modules éducatifs, dans le cadre du programme Numérique en détention, nous tendons précisément à déployer le numérique pour la réservation des parloirs, l'accès aux cantines et à la formation. Ce sera en effet un outil précieux ; une expérimentation devrait démarrer très prochainement.

Je travaille également avec les présidents de région pour développer la formation professionnelle en détention ; certains ou certaines sont plus ouverts que d'autres à ces questions. Je m'appuie pour ce faire sur le plan d'investissement dans les compétences déployé à l'initiative de Muriel Pénicaud. Nous travaillons également beaucoup sur les questions d'insertion par l'activité économique, avec le soutien d'entreprises d'insertion.

Enfin, les prisons expérimentales d'insertion par le travail sont un projet un peu particulier visant à nouer des liens avec des grandes entreprises : celles-ci feraient passer des entretiens d'embauche aux détenus ; elles assureraient la formation et le suivi une fois la personne sortie de détention. Ces prisons expérimentales accorderaient également une très forte autonomie aux personnes détenues pour leur hébergement. Ce projet a bien avancé : nous disposons désormais du cahier des charges et nous allons prochainement lancer un appel à projets pour deux ou trois structures expérimentales. Ce point est majeur : le taux d'activité en détention ayant baissé ces dernières années, il faut absolument le faire remonter. C'était d'ailleurs l'un des axes forts préconisés dans le rapport remis par la commission des Lois.

Monsieur le député Dimitri Houbron, vous m'avez demandé si nous avions des données concernant les violences faites aux femmes. Nous en avons quelques-unes mais le Grenelle qui leur sera consacré sera l'occasion de fournir d'autres évaluations.

Je souhaite ainsi accroître le nombre d'ordonnances de protection. Les chiffres sont stables et ce n'est pas suffisant : 3 000 ordonnances de protection ont été rendues en 2017 et 3 300 en 2018, à comparer aux plus de 10 000 ordonnances délivrées chaque année en Espagne. Dans la circulaire que j'ai édictée au mois de mai, j'ai invité les juges aux affaires familiales à délivrer davantage d'ordonnances de protection, et j'ai incité les procureurs à demander la délivrance de ces ordonnances par toute une série de mécanismes que je ne détaille pas devant vous. Le Grenelle sera l'occasion d'étudier le dispositif du bracelet anti-rapprochement mis en oeuvre en Espagne, où je souhaite me rendre pour comprendre la manière dont il fonctionne et voir si nous pouvons en tirer des enseignements.

Enfin, concernant les auditions que vous souhaitez mener, il est très important que vous entendiez l'ensemble des acteurs de terrain : associations, unités médico-judiciaires, services enquêteurs, avocats, tribunaux, ainsi que les comités locaux d'aide aux victimes, dont le regard est précieux. Nous devons mieux faire connaître l'ensemble des dispositifs existants et ceux qui seront développés si nous voulons évoluer positivement.

Monsieur le député Éric Ciotti, vous dites être inquiet du non-respect de la loi de programmation pour la justice, considérant qu'il y a là une forme de mépris du Parlement. Or l'augmentation du budget de la justice sera respectée ; l'augmentation des recrutements perdurera ; le nombre des contentieux qui pourront être rendus en proximité augmentera afin de rendre la justice plus accessible : tous ces engagements pris devant le Parlement seront respectés. Si j'assume ma part de responsabilité dans la situation financière globale, cela ne conduira en aucun cas à un non-respect de l'augmentation du budget de la justice : elle sera sans doute moindre que prévu mais ce sera toujours une augmentation.

Puisque vous parlez d'une justice paupérisée, je souhaite ici prendre un exemple concret montrant que la justice bénéficie au contraire d'un rattrapage réel : l'augmentation du nombre de magistrats est une réalité. Vous pouvez le constater si vous vous rendez au tribunal de Nice.

L'exemple de Nice illustre d'ailleurs une difficulté à laquelle nous nous heurtons : le retard dans les projets pénitentiaires. Un premier terrain a été proposé, qui fait l'objet d'un désaccord de la part d'un certain nombre d'élus, dont le maire de la commune concernée. Un autre terrain a été proposé, difficilement compatible avec les exigences de la construction d'un établissement pénitentiaire. La situation n'évolue pas alors que je dispose du budget pour ce faire. Je garde clairement l'objectif de construire la prison de Nice – peut-être trouverons-nous une solution après les élections municipales…

Enfin, nous souhaitons établir un centre éducatif fermé dans le département des Alpes-Maritimes ; à ce stade, nous n'avons pas pu trouver un terrain mais, puisque vous m'en avez fait l'aimable proposition, une lettre vous sera adressée, ainsi qu'à M. le président du conseil départemental, dans les jours prochains pour appeler à nouveau l'attention sur le terrain que nous cherchons dans ce département.

Monsieur de Courson, vous avez évoqué le projet de loi présenté en Conseil des ministres ce matin et vous m'interrogez sur le traitement des enfants qui naîtront des couples de femmes. Nous avions proposé deux options au Conseil d'État, aucune solution ne s'imposant de manière évidente. La proposition que nous avons formulée ce matin prend en compte les avis rendus par le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, les parlementaires et le Conseil d'État. Nous avons pris la décision de maintenir l'état du droit existant pour les couples composés d'un homme et d'une femme.

En revanche, pour les couples de femmes, nous faisons la proposition de créer un régime ad hoc, dont la procédure sera la suivante : le couple de femmes se rendra chez le notaire pour consentir à la PMA et, par la même démarche, fera une déclaration commune de volonté démontrant leur intention de s'inscrire dans un projet parental. Une fois l'enfant né, et sur présentation à l'officier d'état civil de cette déclaration, les deux femmes seront en même temps et immédiatement reconnues comme étant les parents de l'enfant. Ce dispositif relativement simple sécurise la filiation des enfants nés de couples de femmes.

Je précise tout de suite, pour lever toute ambiguïté, que nous parlons bien de modes différents d'établissement de la filiation – biologique, par adoption ou par PMA avec tiers donneur. Mais, dès la filiation établie, les droits des enfants sont exactement identiques. L'égalité est absolument réaffirmée.

Vous me demandez ensuite, si j'ai bien compris votre question, si la reconnaissance du droit à procréer pour un couple de femmes n'entraînera pas une revendication de la part d'un couple d'hommes, opérant un glissement vers la GPA. Est-ce bien la question que vous m'avez posée ?

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