– Je vous rejoins tous les deux. J'ai un avis personnel, que j'essaie de dépasser dans la note scientifique que je vous présente ici. On est effectivement déjà entré dans l'ère de la reconnaissance faciale, j'ai pu en décembre dernier apprécier la fluidité de l'aéroport de Singapour. Il en va de même pour les collectivités locales, je le sais bien en tant que conseiller municipal. Une collectivité, qui a installé un système de vidéoprotection depuis des années - le cas emblématique de la ville de Nice est le plus abouti -, se pose forcément la question de la reconnaissance faciale. Pour optimiser le service rendu aux citoyens, se développent des applications qui ne sont pas de type Big Brother, mais améliorent la gestion des flux de personnes. Il en est de même dans les aéroports ou dans les grands événements sportifs. Le Royaume-Uni est entré dans la reconnaissance faciale par la question de l'accès aux stades, en croisant les images avec les fichiers des hooligans. La question se posera dans toutes les villes où il y a un grand stade, pour la sécurité de tout le monde. Pour savoir si les citoyens en ont envie, il faut impérativement établir un cadre législatif d'expérimentation large. Je suis passé vite sur les partenariats d'ADP et de la SNCF. Les premières expérimentations larges ont été faites dans une gare ferroviaire londonienne, avec des passagers volontaires, pendant plusieurs mois, pour évaluer si cela améliorait les flux et diminuait le sentiment d'insécurité. Si on ne fait pas ce genre d'expérimentations en France, on ne pourra pas en connaître les effets sur nos concitoyens. L'étude de douze mois qu'ont lancée le forum économique mondial et le conseil national du numérique est essentielle pour les mêmes raisons. Il s'agit d'analyser ce que les citoyens souhaitent ou ne souhaitent pas. Nous avons commencé à dessiner un diagramme distinguant les applications régaliennes de sécurité et les applications de la vie courante. Je rentre dans un magasin, est-ce que j'ai envie qu'on me propose un soin de beauté ou une alimentation adaptée à ma morphologie ? Les douze mois de cette étude permettront de mesurer le degré d'acceptation par les citoyens. Puis nous en tirerons des conclusions pour légiférer, notamment pour protéger les libertés individuelles. Aujourd'hui, nous n'avons pas de cadre légal pour expérimenter. Si la population rejette massivement cette technologie, nous en tirerons les conséquences et maintiendrons la législation actuelle. Sachant que la France a traditionnellement une position plutôt protectrice sur ces sujets, nos collègues européens nous poussent à aller de l'avant.