Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Je vous remercie, monsieur le président. Je suis à la fois très heureux et très honoré de me trouver devant vous pour ce qui est notre premier échange – mais certainement pas le dernier, car nous aurons de nombreuses autres occasions de nous revoir dans ce format et dans d'autres, et je m'en réjouis d'avance. Je veux avant toute chose vous faire part de mon profond respect : la représentation parlementaire doit être respectée et écoutée car, à travers vous, c'est le peuple que nous écoutons. Les Français sont très concernés par le sujet de l'école, et je constate à chacun de mes déplacements, à chacune de mes discussions qu'il existe une passion française pour l'école. Il faut donner à cette passion un tour positif de sorte que la société soutienne son école. C'est pourquoi il me semble essentiel, dans le sillage de la campagne présidentielle et de la campagne législative, de bâtir l'unité nationale autour de notre école.

Vous avez bien voulu rappeler, monsieur le président, que le terme « confiance » est central dans mes propos. En effet, « l'école de la confiance » est selon moi ce qui cristallise et résume ce que nous devons faire pour moderniser l'école. Dans tous les pays où l'école va mieux qu'en France, elle suscite la confiance, qui s'exerce dans toutes les directions : de la société envers l'école, de l'école envers la société, de l'école en elle-même, de chacun des acteurs de l'école entre eux et, surtout, des élèves en eux-mêmes. Aujourd'hui, l'un des symptômes de nos difficultés tient au fait que nos élèves et enfants n'ont pas confiance en eux-mêmes, s'expriment difficilement à l'oral, ont peur de commettre des erreurs – en clair, ils ne sont pas mis en confiance.

Au cours des années à venir, nous devrons créer une contagion positive de la confiance – et cela commence par nous-mêmes, par la confiance que je vous exprime et que, je l'espère, vous voudrez bien m'exprimer aussi. Cet état d'esprit de bonne volonté permettra de faire progresser l'école par-delà les clivages, bien normaux, qui la traversent et dépassent le seul clivage entre gauche et droite, qui peuvent avoir leur utilité mais qui entraînent parfois des effets contreproductifs. Nous devons savoir nous unir autour de l'école. J'agirai toujours en ce sens et à votre écoute, quelles que soient vos orientations politiques. Cela me semble d'autant plus important que la société de confiance, très présente dans le discours du Président de la République et dans celui du Premier ministre, constitue notre objectif général ; de ce point de vue, le rôle de l'école est décisif.

La question de la confiance renvoie à celle de la méthode visant à faire évoluer notre système. En prenant mes fonctions, j'ai d'emblée annoncé que nous ne proposerions pas une grande loi sur l'école, parce que nous disposons déjà du socle légal qui convient, même si l'on peut toujours améliorer telle ou telle disposition du code de l'éducation. Ce n'est pas là le coeur des transformations qui nous incombent, qui portent bien davantage sur le quotidien de nos établissements scolaires, par des évolutions pratiques ou pédagogiques et par les impulsions que nous saurons donner. Lors des questions au Gouvernement, j'ai ainsi répondu à M. le député Patrick Hetzel, qui m'interrogeait sur la question de la ruralité à laquelle vous êtes – je le sais – tous très sensibles, que ce n'est pas en adoptant une nouvelle loi que l'on résoudra le problème, mais en accordant une attention constante et spécifique aux territoires et en recréant de l'attractivité en milieu rural. Ce n'est certes pas simple, mais c'est un objectif que l'on peut poursuivre hors du cadre d'une grande loi.

De même, je publierai moins de circulaires. Le ministère de l'éducation nationale en produit en moyenne 1 700 par an ! Et bien sachez que j'en ai encore refusé une juste avant cette audition, car on peut souvent s'en passer. Mieux vaut libérer les énergies et les acteurs et, plutôt que de leur expliquer comment aller du point X au point Y, leur dire que si l'objectif est le même pour tous, il existe bien des manières d'y parvenir. Cette philosophie de liberté va de pair avec la confiance. Ce message est pédagogique et s'adresse naturellement aux élèves, mais il est aussi institutionnel et s'adresse aux adultes qui font fonctionner l'éducation nationale.

Tel est l'esprit de la méthode que j'emploierai avec vous, puisque nous aurons à aborder chacun de ces éléments – l'absence d'une grande loi ne signifie pas, en effet, qu'il n'y aura pas matière à discuter ensemble de ces sujets. Nous nous inspirerons de vos propositions car vous connaissez le terrain, vous constatez des situations, vous connaissez nos forces et nos limites dans le contexte actuel ; ensemble, nous produirons des idées pour faire progresser le système.

Comme vous le savez, quatre mesures s'appliquant à la prochaine rentrée scolaire ont déjà été prises ; je les aborderai très rapidement avant d'y revenir lors des réponses que j'apporterai à vos questions. Je m'inscris dans trois temporalités. À très court terme, tout d'abord, celle de la rentrée 2017 : entre l'élection présidentielle puis la constitution du premier gouvernement et la prochaine rentrée scolaire, nous ne disposions que de quelques semaines pour adopter des mesures qui n'auront pris personne par surprise puisqu'elles avaient été annoncées par le Président de la République pendant sa campagne. J'ai donc fait ce qu'il est normal de faire en démocratie : j'ai mis en oeuvre les engagements que le Président de la République avait pris et que les Français ont approuvés. C'est la preuve que l'action est possible et que nous pouvons mettre l'école en mouvement, contrairement à ce qui se dit parfois du système scolaire. Ensuite, ce cadre temporel était de nature particulière ; les temporalités suivantes seront plus longues et nous permettront d'avoir des discussions plus amples en amont du déclenchement des mesures.

Deuxième temporalité : celle de la rentrée 2018, qui se prépare d'ici au mois de décembre et suppose là encore que nous échangions sur les mesures à prendre, s'agissant par exemple du dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et REP+, dans le prolongement du dédoublement des classes de CP en REP+ à partir de la rentrée prochaine. Dans certains endroits, il est physiquement possible de dédoubler ces classes sans difficulté ; dans d'autres, non. Là où cela a été facile pour les seules classes de CP en REP+, il se peut que le quadruplement de l'effort à la rentrée suivante pose problème, mais nous avons plusieurs mois pour y travailler. Avec de la bonne volonté, je suis persuadé que nous y arriverons – encore faut-il regarder la question en face. Quoi qu'il en soit, cette deuxième temporalité ne saurait être dite de moyen terme ; elle est d'assez court terme puisqu'elle nous obligera au cours des six ou sept prochains mois.

La troisième temporalité est celle du quinquennat. Nous allons travailler sur des éléments structurels d'évolution de notre système. Je pense naturellement au baccalauréat, que le Premier ministre a évoqué hier en indiquant clairement la direction à suivre, l'idée étant de transformer le baccalauréat d'ici à juin 2021 – ce qui produira de nombreux effets en amont. Il faudra pour ce faire démarrer la concertation dès la rentrée prochaine et l'étaler sur quelques mois afin d'en tirer des conclusions au début 2018 et de mettre en oeuvre les réformes qui produiront leurs effets sur la classe de seconde, puis sur celle de première et enfin sur celle de terminale et sur le baccalauréat lui-même.

Il est important d'avoir ces différentes échelles de temps à l'esprit pour travailler avec méthode ; vous voyez que nous avons du grain à moudre. Je sais que bon nombre d'entre vous êtes issus de l'éducation nationale, et je m'en félicite : il y a parmi vous des enseignants et des chefs d'établissement, mais aussi bien sûr de très nombreux parents d'élèves ! Dans tous les cas, votre présence ici atteste de la passion que vous éprouvez pour ces sujets, qui dépassent d'ailleurs l'éducation nationale stricto sensu. Mon ministère couvre en effet la jeunesse et la vie associative, et il va de soi que vous pourrez me saisir de ces questions. Avec le Président de la République et le Premier ministre, j'ai souhaité cette compétence élargie qui permet d'assurer la cohérence entre diverses actions visant le même but, c'est-à-dire la qualité de la vie et la réussite de nos enfants, de nos adolescents, de nos jeunes.

Il existe par ailleurs des enjeux interministériels qui concernent particulièrement votre commission, puisqu'il s'agit de l'action que nous mènerons avec le ministère de la culture. Nous avons d'ores et déjà établi un programme de travail avec Mme Françoise Nyssen, que vous auditionnerez sans doute prochainement, et nous nous verrons le 20 juillet dans le cadre du Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle. Nous avons fait de la musique et de la lecture deux priorités majeures et de premières mesures emblématiques ont déjà été prises comme la distribution, ces jours-ci, de 150 000 livres aux élèves de CM2 dans les académies de Marseille, Nantes et Lille, qui sera étendue à toute la France l'année prochaine. Là encore, nous allons nous nourrir de vos idées et de votre connaissance du terrain. Nous allons également agir en faveur de la revitalisation des petites librairies, un objectif du ministère de la culture auquel celui de l'éducation nationale peut aussi contribuer. Plus généralement, nous partageons l'objectif de promotion de la lecture.

La musique est elle aussi essentielle et possède de nombreuses vertus. Elle est un premier témoin de l'école de la confiance que j'évoquais plus tôt. C'est pourquoi de manière très symbolique, au sens le plus fort du terme, la rentrée prochaine se fera en musique. Le 4 septembre, les écoles, collèges et lycées sont invités à vivre le premier jour en musique. Les chorales et orchestres locaux ainsi que toutes les autres formes musicales seront mobilisés à cette occasion. Cela n'a rien de superficiel ni de ponctuel : en réalité, c'est un double signal que nous donnons. D'une part, c'est le signal de l'état d'esprit dans lequel la rentrée doit être abordée : souvent présenté dans les reportages comme un temps de larmes et d'émotion – sans doute inévitable pour les plus petits – il doit pourtant s'agir pour l'ensemble de nos enfants d'un temps de bonheur et de confiance où l'on comprend ce qu'est l'intelligence collective et ce que c'est de vivre ensemble. Or, la musique est un langage universel qui permet de le dire. D'autre part, nous voulons montrer l'importance que revêt la musique à l'école en général, en particulier à l'école maternelle. En clair, nous allons travailler de plus en plus avec le ministère de la culture sur le développement des pratiques musicales à l'école, au collège et au lycée par la systématicité des chorales ou encore l'encouragement des orchestres, par exemple.

La dynamique interministérielle animée avec détermination par le Premier ministre concerne aussi d'autres ministères : je pense au lien entre éducation et sport mais aussi entre éducation et handicap – le Gouvernement, pourtant restreint, comporte notamment une secrétaire d'État chargée du handicap avec laquelle nous travaillons main dans la main pour relever l'enjeu de l'accueil des élèves en situation de handicap. Nous discutons aussi avec la ministre du travail de la rénovation de l'enseignement professionnel. En clair, l'éducation nationale a un rôle important à jouer dans divers domaines, en lien avec d'autres ministères.

Cet élan est naturellement au diapason de celui qu'ont suscité l'élection présidentielle et les élections législatives, et que vous incarnez. Il est essentiel que nous contribuions à le transformer en réalité pour nos élèves, parce que la situation scolaire de la France est mitigée. Certaines choses vont bien, d'autres mal, voire très mal. Gardons-nous de caricaturer le tableau, mais il est mitigé, et nous devons, dans l'intérêt général, parvenir demain à l'améliorer afin que la France retrouve fierté et confiance dans son école. Je suis fermement convaincu que c'est possible. Plusieurs indices attesteront de notre succès : la confiance qu'ont les élèves en eux-mêmes, mais aussi l'existence renouvelée d'un modèle scolaire français, qui est à portée de main. En témoigneront l'attractivité – à l'image de celle des lycées français à l'étranger – des établissements scolaires français à l'échelle européenne, mais aussi la reconnaissance de la qualité de divers secteurs de l'enseignement scolaire en France. Je ne suis pas certain que nous y parviendrons, car cela ne dépend pas d'une poignée de personnes mais de la mobilisation de la société française. En tout état de cause, je prends l'engagement de mettre toute mon ardeur à atteindre l'objectif, en lien le plus étroit possible avec vous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.