Intervention de Mounir Mahjoubi

Réunion du mardi 23 juillet 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMounir Mahjoubi :

Personne ici ne pense que vous êtes Satan et tout le monde connaît les histoires formidables de PME qui, grâce à Amazon, ont réussi à augmenter de 30 % ou 40 % leur chiffre d'affaires. Un jour, cela ne fonctionne plus, mais dans l'intervalle, ces anecdotes sont jolies à raconter. Je suis député du 19e arrondissement : trois habitants de mon immeuble ont réussi à décrocher un emploi dans le centre Amazon Prime Now que vous avez ouvert à la Porte d'Aubervilliers. C'est vrai, lorsque vous arrivez, on se bat pour figurer sur la photo et célébrer le fait que vous êtes en train de créer des centaines et des milliers d'emplois ! Mais cela ne change rien à la responsabilité et à la transparence que l'on est en droit d'exiger de vous.

La grande distribution française a permis de faire baisser les prix, a offert des expériences d'achat comme nulle part ailleurs en Europe, a donné aux consommateurs un pouvoir – un pouvoir d'achat, un pouvoir de décider – mais elle a aussi institutionnalisé des pratiques que nous avons dû réguler. Nous n'avons jamais considéré ces acteurs de la grande distribution comme des grands méchants N'allez pas croire que nous vous considérons comme tels simplement parce que nous voulons réguler et donner à vos clients de bonnes raisons de vous apprécier.

Il ne faut pas voir dans la création de ces 1 700 emplois un amour particulier pour la France ou un geste sympathique de la part du siège social américain vis-à-vis de notre pays : la France est l'un des plus beaux marchés en Europe et dans le monde ! Les Français sont riches, ils aiment acheter sur internet, le potentiel de transformation des non-consommateurs numériques en consommateurs numériques est très élevé, et de surcroît, les PME étaient en retard. J'ai adoré vous entendre, monsieur Duval, retourner l'une de mes déclarations contre moi : oui, ces PME doivent se numériser.

Toutefois si aujourd'hui nous vous parlons de cas de déréférencement, si nous évoquons avec vous la logique du prix toujours plus bas et celle d'auto-concurrence, si nous vous demandons de nous expliquer l'impact fiscal de vos pratiques, ce n'est pas parce que nous voulons que vous partiez mais parce que nous souhaitons que vous fassiez preuve de plus de transparence. Je ne crois pas que vous êtes le diable, mais je pense que votre peu d'appétence pour la transparence est profondément ancrée dans la culture de votre entreprise. Vous rendez-vous compte ? Aux six questions que je vous ai posées, vous avez répondu à deux reprises que vous ne saviez pas et vous avez expliqué quatre fois que je n'avais franchement rien compris, que j'étais peut-être un peu trop bête parce que cela coulait pourtant de source. Autrement dit, vous n'avez répondu à aucune de mes questions, vous contentant de tourner autour. Il est très agréable de vous écouter car vous parlez fort bien – vous avez été recruté pour cela –, mais comme M. Bénard, vous ne répondez jamais. Lorsqu'un dirigeant d'entreprise m'explique qu'il ne sait pas ce que représente son quatrième produit le plus vendu dans son chiffre d'affaires, je ne le crois pas. Demandez donc à Michel-Édouard Leclerc combien lui a rapporté une remise sur une période donnée, il vous donnera immédiatement le montant – c'est d'ailleurs ainsi qu'il évalue ses directeurs de magasin, ses acheteurs et toute la bande !

Je ne vous crois donc pas. Vous devez réaliser – cela a été long pour Facebook et sans doute vous faudra-t-il plus de temps encore – que la plus grande des intelligences consiste à discuter avec le législateur de façon pertinente et transparente, pour trouver avec lui la meilleure solution. Mon rêve, c'est que vous ouvriez plein d'entrepôts et que vous créiez plein d'emplois en France, mais que les consommateurs puissent avoir le choix entre Amazon et d'autres, qu'ils puissent se poser la question de l'impact des différentes formes de commerce, que les centres villes soient revitalisés. Et à la fin, nous serons tous très heureux.

Reste que je sortirai de cette audition avec le sentiment que vous n'avez répondu à rien.

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