Intervention de Julien Denormandie

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h00
Délégation aux outre-mer

Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement :

Merci beaucoup monsieur le président, cher Olivier. Bonjour à toutes et à tous, je vous remercie pour cette invitation à venir échanger avec vous sur ce sujet, ô combien important, de la situation du logement sur nos territoires ultramarins. Il s'agit d'un enjeu de taille, et je ne reviendrai pas sur l'état de la situation, vous la connaissez extrêmement bien. Le rapport que vous avez élaboré, en amont de cette audition, montre d'ailleurs bien quels sont les principaux enjeux.

Le premier enjeu est de construire davantage de logements, notamment de logements sociaux. La pénurie de logements, que nous pouvons constater en métropole, est très prégnante sur certains de nos territoires ultramarins. Mais cette construction doit prendre en compte les approches territoriales, c'est-à-dire les spécificités de nos territoires, qui sont très différentes d'un territoire ultramarin à un autre – deuxième élément.

Il s'agit là de la notion d'agilité, de différenciation qui, comme vous le savez, est chère au Président de la République, puisqu'il s'agit d'un des éléments de la réforme constitutionnelle qui s'est traduit, il y a quelques mois, dans le cadre de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), par un permis d'expérimenter. Il est aujourd'hui possible, en attendant la réécriture totale du code de la construction, d'introduire des différenciations dans l'acte de construction.

Le trosième élément que vous mettez en avant dans votre rapport, et qui a été rappelé ces derniers jours sur le territoire métropolitain, c'est l'adaptation de nos territoires au changement climatique ; le changement climatique est une réalité. C'est la raison pour laquelle, il est effrayant de voir que certains essayent encore de le nier ou sont encore climato-sceptiques. Par ailleurs, si certains de nos compatriotes, sur le territoire hexagonal, commencent tout juste à se rendre compte de cette réalité, nos compatriotes ultramarins s'en sont déjà rendu compte, il y a bien longtemps. La question de cette adaptation de nos territoires au changement climatique est donc essentielle.

Une fois ce constat posé, les enjeux sont de taille. Je voudrais saluer ici le travail de la ministre, Annick Girardin. Je pense au Livre Bleu, auquel vous avez très largement participé. Des mesures importantes ont été prises dans le cadre de la loi ESSOC et de la loi pour l'évolution du logement, de l'émanagement et du numérique (ÉLAN), notamment la possibilité du droit à la différenciation dans l'acte de construction, avec ce permis d'expérimenter, qui a été publié fin 2018 et qui est aujourd'hui opérationnel. Un outil d'autant plus nécessaire que vous devez parfois faire face à des injonctions contradictoires.

Je vous citerai, pour exemple, la nécessité, sur certains territoires, de mettre en place de normes, à la fois sismiques et anticycloniques. Ce qui est très contre-intuitif, puisque l'une appel à la rigidité des structures et l'autre à leur souplesse. Il serait donc très contre-productif d'édicter une norme qui irait s'appliquer de la même façon sur tous les territoires, certains n'étant concernés que par des risques sismiques et d'autres que par des risques cycloniques.

Nous devons également capitaliser sur l'engagement que nous avons a pris avec les bailleurs sociaux. L'un des éléments les plus importants opérés durant ces derniers mois, c'est l'entrée de CDC Habitat dans les six sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM). Il s'agit d'ailleurs d'un non dossier. J'ai eu l'occasion de me pencher dessus avec beaucoup de précision, il y a quelques années, lorsque la question de la présence de l'Agence française de développement (AFD) dans les SIDOM s'était posée. L'entrée de la CDC Habitat au capital des SIDOM est un élément très important.

Il est important de capitaliser sur le foncier, l'aménagement, avec notamment la création des établissements publics fonciers d'aménagement (EPFA), à la fois en Guyane et à Mayotte. S'agissant de la Guyane, il s'agit principalement de transférer une partie du foncier de l'État vers l'EPFA Guyane, qui a vocation, y compris dans le cadre de l'Opération d'intérêt national (OIN), à relancer la construction.

À Mayotte, cet EPFA est particulièrement important, notamment pour les habitats insalubres, parfois illégaux, qui sont une réalité qu'il nous faut aborder avec beaucoup de précision et de justice.

Par ailleurs, nous avons lancé, il y a maintenant deux ans, avec M. Jacques Mézard, la politique Action Coeur de Ville, qui vise à revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes des villes de taille moyenne – une expression que je n'affectionne pas ; disons des villes de la taille d'une sous-préfecture.

Deux cents villes de France ont été identifiées pour bénéficier de cette politique Action Coeur de Ville et, notamment, de financements importants : 5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard sera dédié à la rénovation de logements.

Ces villes bénéficient également, depuis la loi ÉLAN, de prérogatives nouvelles, des prérogatives accordées aux maires et aux préfets dans l'établissement du tissu commercial pour éviter, quand le maire le souhaite, un épandage de grandes surfaces en périphérie, qui tuerait le centre-ville. Jusqu'à présent, les outils dont disposaient le maire et le préfet n'étaient pas suffisants.

Par ailleurs, le nouveau dispositif fiscal, qui vise à rénover l'habitat dégradé, est opérant dans ces deux cents villes. Dans nos territoires ultramarins, treize villes sont concernées par cette dynamique Action Coeur de Ville, et toute autre ville qui mettra en place une opération de revitalisation du territoire aura la possibilité d'accéder directement aux outils que j'évoquais, quand bien même elles ne font pas partie du dispositif initial.

Il reste, cependant, des chantiers sur lesquels il nous faut aller encore plus loin et qui sont sur notre feuille de route. Je pense évidemment, en priorité, à la rénovation énergétique des bâtiments ; un enjeu considérable. J'en ai fait le marqueur de mon action, voulant être le ministre, à la fois de la construction et de la rénovation. Nous menons une politique forte et efficace – d'abord sur les copropriétés dégradées –, qui concilie la politique Action Coeur de Ville, le dispositif fiscal que j'évoquais, et le renforcement des moyens de la rénovation énergétique.

Je souhaite, aujourd'hui, que l'acte 2 s'oriente vers une massification, une amplification de la rénovation énergétique de nos bâtiments. Si tous les trois mois, mon ministère publie les chiffres de la construction, ceux de la rénovation n'ont jamais été publiés, puisque les indictateurs n'existent pas ; nous somme en train de les créer.

L'autre élément de cette feuille de route de la rénovation, c'est l'amplification de la rénovation urbaine. Plusieurs de nos territoires ultramarins sont concernés par les projets de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Aujourd'hui, l'ensemble des protocoles de préfiguration du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) dans nos territoires ultramarins sont en bonne voie, ou finalisés, avec un souci d'accélérer très fortement la mise en oeuvre de ces protocoles pour pouvoir commencer les travaux – il s'agit d'un enjeu de taille dans certains territoires.

Par ailleurs, nous avons conclu avec les partenaires sociaux un plan d'investissement volontaire (PIV), de 9 milliards d'euros de relance pour la construction et la rénovation du logement. Un plan qui est le fruit de nombreux travaux et qui montre que le paritarisme fonctionne dans notre pays.

Nous avons mené ces travaux avec Action Logement, qui, comme vous le savez, est un groupe paritaire composé du patronat et des syndicats, et conclu un grand plan de 9 milliards d'euros, avec une volonté très forte, portée par Laurent Berger, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) – encouragée par le gouvernement –de définir, sur ces 9 milliards, un volet ultramarin clairement identifié. De sorte, que 1,5 milliard d'euros sera consacré aux territoires ultramarins, pour l'accession sociale et la réhabilitation. Bien entendu, toutes mesures inclues dans ce plan investissement volontaire seront également éligibles dans les territoires ultramarins.

Je terminerai sur la question de la lutte contre l'habitat insalubre, indigne, voire illégal. Il s'agit d'un enjeu majeur, débattu dans le cadre de la loi ÉLAN. Certaines dispositions ont d'ailleurs été déjà adoptées dans cette loi, permettant ainsi de résorber un certain nombre de situations très difficiles. Je pense notamment à des endroits qualifiés de bidonvilles et, pour lesquels des dispositifs particuliers étaient nécessaires pour les résorber ; c'est chose faite.

Je n'occulterai pas le débat sur l'APL accession, l'un des éléments permettant de lutter contre l'habitat insalubre. Une question que vous avez soulevée et qui fait l'objet d'une mission du Conseil général de l'environnement et du développement (CGEDD), dont les résultats viennent de m'être remis et qui feront l'objet de discussions en amont du prochain projet de loi de finances (PLF).

Il s'agit également d'un des éléments importants du Plan logement que nous avons lancé avec la ministre des outre-mer, au mois de janvier dernier, et dont les principales conclusions seront discutées en milieu de semaine prochaine, dans le cadre de la suite des travaux menés par la ministre des outre-mer.

Tels sont, monsieur le président, les axes que je souhaitais vous présenter. J'ai bien noté vos questions et je suis disposé y répondre tout de suite, si vous m'accordez encore quelques minutes.

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