Je vous remercie de toutes ces questions qui balaient de nombreux aspects de notre système éducatif.
Monsieur le président, je répondrai à votre question sur la formation des professeurs à la fin de mon intervention car le sujet vient aussi d'être soulevé par Marie-George Buffet.
Madame Lang, notre objectif est de dédoubler les classes de CP en REP+ à la rentrée prochaine. Nous savons depuis le début que nous réussirons à obtenir 100 % de l'attention pédagogique spécifique au CP en REP+. Dans 70 à 80 % des cas, nous y parviendrons grâce à un dédoublement des classes – lorsqu'il sera physiquement possible. Dans les autres cas, nous utiliserons le dispositif « Plus de maîtres que de classes » qui permet d'affecter deux maîtres pour vingt-quatre élèves. Le recours simultané à ces deux méthodes sera très intéressant du point de vue scientifique car il nous permettra de comparer leur efficacité respective.
Le dispositif ne sort pas de nulle part. Si le Président de la République l'a intégré dans son projet présidentiel, c'est parce que des études montrent que c'est dans les plus petites classes – CP et CE1 – que le dédoublement est efficace pour les élèves les plus en difficulté. Nous avons voulu cibler le coeur même de la difficulté scolaire française, tant du point de vue social que pédagogique : nous accordons la priorité à l'école primaire ; en son sein, aux plus petites classes ; et parmi ces dernières, à celles qui sont implantées dans les territoires les plus défavorisés. Bien entendu, cette mesure quantitative ne suffira pas si elle ne s'accompagne pas d'une attention pédagogique spécifique. Cela passe en particulier par l'affectation à ces postes de maîtres d'école expérimentés – objectif que l'on peut d'ailleurs se fixer dans tous les CP de France et qui n'a encore jamais été atteint aujourd'hui, trop de professeurs effectuant encore leurs débuts en CP, ce qui est anormal –, par la formation initiale et continue des professeurs – j'y reviendrai mais vous conviendrez tous qu'il est essentiel d'y consacrer plus de moyens et d'en améliorer la qualité – et par le recours à certains outils pédagogiques. En un mot, il s'agit de mettre l'école française au diapason de ce qui se fait de mieux dans le monde aujourd'hui, selon les résultats de la recherche et les comparaisons internationales. Nous en savons en effet davantage désormais sur les méthodes les plus efficaces d'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des mathématiques. Il faut que les maîtres d'école – de CP comme des autres classes – bénéficient au maximum des conclusions tirées de la recherche au niveau international.
Le dédoublement des classes de CP est une mesure d'ordre organisationnel, et plus encore d'ordre pédagogique, qui fera l'objet d'un accompagnement très important. C'est la raison pour laquelle j'ai réuni tous les inspecteurs de l'éducation nationale concernés, car ce n'est pas d'une loi dont nous avons besoin mais d'être attentifs au quotidien et de veiller au pilotage pédagogique de ce qui se passera dans ces CP.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Il convient d'éviter que les dispositifs entrent en conflit les uns avec les autres, comme cela arrive dans notre pays. Il n'y a aucune raison a priori d'être adepte d'une formule plutôt que d'une autre : seuls les faits comptent. Or, il est aujourd'hui avéré par des études scientifiques que le dédoublement des petites classes donne de bons résultats dans le monde, tandis que toutes les mesures ressemblant au dispositif « Plus de maîtres que de classes » n'ont donné que peu ou pas de résultats. C'est pour cette raison qu'Emmanuel Macron a intégré le dédoublement des classes dans son programme.
Compte tenu des conclusions de ces études scientifiques, j'aurais pu mettre un terme au dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Nous ne l'avons pas fait car, comme certains d'entre vous l'ont souligné, celui-ci apporte des éléments de satisfaction sur le terrain. Par ailleurs, je souhaite évaluer l'efficacité de la mesure. Lorsque j'ai pris mes fonctions il y a quelques semaines, je n'avais pas en main d'évaluation réelle du dispositif mais seulement quelques conclusions de l'Inspection générale – qui n'étaient d'ailleurs pas très bonnes – datant d'il y a un an. Nous devons donc être pragmatiques et nous donner l'année qui vient pour analyser les deux systèmes concurrents : on recourra moins au dispositif « Plus de maîtres que de classes » en 2017-2018 mais les deux systèmes coexisteront. C'est sans doute à la rentrée de 2018 que nous prendrons des mesures à la lumière des résultats obtenus. Nous devons nous attacher moins aux dispositifs qu'à l'objectif poursuivi : la réussite de tous les élèves en CP.
Vous m'avez interrogé quant aux moyens alloués au dispositif « Devoirs faits » et au calendrier de sa mise en application. Notre objectif est que la mesure soit opérationnelle au retour des vacances d'octobre et qu'elle commence déjà à produire quelques effets avant ces vacances. Nous mobiliserons d'abord les professeurs – et ce « d'abord » s'entend aussi bien au sens chronologique que pédagogique : dès le mois de septembre, les professeurs volontaires seront identifiés et feront un travail de préparation. Ce premier mois de l'année scolaire est l'occasion de repérer les difficultés des élèves et de voir dans quelle mesure on peut leur apporter un soutien scolaire spécifique. C'est aussi à ce moment-là que nous recruterons des personnes en service civique et des assistants d'éducation.
Comme je l'ai précisé lors des questions au Gouvernement cet après-midi, l'opération « Devoirs faits » sera l'occasion de faire évoluer le rôle des assistants d'éducation qui, au nombre de 60 000 environ, sont une richesse française. Si ces assistants exercent essentiellement des fonctions de surveillance aujourd'hui, nous devons demain leur confier davantage une fonction pédagogique, en plus de cette fonction de surveillance, ne serait-ce que parce qu'ils sont au coeur du vivier des futurs professeurs dont nous avons besoin. À l'heure actuelle, être assistant d'éducation est plutôt un handicap lorsqu'on veut devenir professeur : demain, cela doit devenir un atout, compte tenu de la complémentarité entre les formations dispensées en ESPE et de l'expérience d'aide aux élèves acquise par les assistants en établissement scolaire. Voilà qui devrait nous permettre de résoudre les problèmes de recrutement qui se posent à l'éducation nationale depuis de nombreuses années, en particulier dans les disciplines scientifiques.
Nous financerons l'opération « Devoirs faits » à l'aide de moyens supplémentaires, notamment pour assurer la rémunération des heures supplémentaires des professeurs, à hauteur d'environ 150 millions d'euros. Les assistants d'éducation sont un vivier dont nous disposons déjà. Nous bénéficierons également de 10 000 personnes effectuant leur service civique, dans le cadre de la mobilisation promise par le Président de la République. Enfin, beaucoup est déjà fait par les collectivités locales et les associations ; loin de remettre cela en cause, l'opération « Devoirs faits » doit être l'occasion de les soutenir et créer une cohérence plus forte avec l'action des établissements scolaires. J'encouragerai en outre collectivités et associations au titre de mes attributions en matière de jeunesse et de vie associative. Nous aurons aussi l'occasion de faire un tri parmi les associations car toutes ne sont pas compétentes en matière de soutien scolaire, une forme de labellisation apparaissant souhaitable. Vous le voyez, les enjeux de cette opération sont non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs.
Vous m'avez demandé de préciser le sens de la nouvelle étape pédagogique que nous souhaitons franchir. Notre objectif est de mieux prendre en compte ce qui fonctionne le mieux en France et dans le monde, notamment dans le cadre de la formation des professeurs. Ainsi, l'apprentissage des mathématiques ayant connu un certain affaissement en France ces dernières années, nous devons rebondir en ce domaine et, pour cela, nous inspirer des pays les plus performants. Cette nouvelle étape pédagogique consistera d'une certaine manière à dépasser le clivage, fort prégnant dans notre pays, entre tradition et modernité : il faut prendre le meilleur de chacune et aller de l'avant.
M. Reiss m'a interrogé sur le renouveau de l'alternance et de l'enseignement professionnel. J'ai plusieurs priorités que je hiérarchise clairement. La première est l'école primaire – comme l'ont également souligné le Président de la République et le Premier ministre – et la deuxième est précisément l'enseignement professionnel. Derrière les idées de liberté et d'autonomie, nous visons avant tout à porter une attention particulière aux plus fragiles ainsi qu'aux lieux et aux domaines où se concentrent le plus de difficultés. C'est le cas de l'enseignement professionnel, mais ce n'est absolument pas une fatalité. Ne nous contentant pas des habituelles promesses de revalorisation de cet enseignement, nous engagerons des évolutions importantes sur le terrain, notamment pour qu'il soit plus en lien avec les grands enjeux d'avenir et, ainsi, plus attractif. Quand on pense à la révolution numérique, à la transition écologique, à l'entrepreneuriat et aux savoir-faire à la française, on s'aperçoit qu'il y a matière à créer demain des campus professionnels reliés aux universités et aux centres de formation par l'apprentissage. Loin d'opposer enseignement professionnel scolaire et apprentissage, nous les rendrons complémentaires. C'est autour de thèmes communs et de partenariats avec les entreprises que ce renouveau peut avoir lieu et j'en parlerai avec vous comme avec la ministre du travail. Certains bons exemples existent déjà en France, tels que le campus aéronautique de Bordeaux, qui pourront servir de modèles pour avancer.
Le statut des directeurs d'école est un sujet ancien et complexe. Il me semble important de donner à l'école primaire une certaine assise, qui diffère selon les territoires. J'ai indiqué tout à l'heure lors des questions au Gouvernement que dans les territoires ruraux, le lien entre l'école primaire et le collège devait être renforcé. Il conviendra dans le futur de faire preuve de pragmatisme et d'une certaine souplesse d'organisation afin de prendre en compte chaque situation particulière.
Mme Petit a évoqué le handicap : c'est une priorité nationale qu'a fixée le Président de la République et qui dépasse le cadre du système scolaire. Les phénomènes que vous avez mentionnés sont réels : rupture du suivi de certains élèves et détresse des familles incapables de trouver des débouchés pour leurs enfants, que ce soit dans des études ou dans une insertion professionnelle. S'il n'existe pas de solution miracle à ces problèmes considérables, j'observe que la France a progressé au cours des quinze dernières années et que nous sommes maintenant au milieu du gué : il y a encore beaucoup à faire, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Il convient notamment que nous ayons suffisamment d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour répondre à la demande. Nous y travaillons actuellement avec la secrétaire d'État au handicap et la ministre du travail qui est chargée des contrats aidés. Même si le nombre de ces contrats va évoluer, ceux qui sont consacrés au handicap sont considérés comme prioritaires. Par ailleurs, le quatrième plan autisme sera annoncé demain depuis l'Élysée par le Président de la République : notre détermination est totale en la matière, en lien avec les associations de parents d'enfants d'autistes.
Je remercie Mme Descamps d'avoir souligné l'importance des mots « confiance » et « liberté » qui caractérisent à la fois notre état d'esprit et notre méthode. J'ai déjà répondu, madame la députée, à vos questions relatives au dédoublement des classes de CP en REP+ et au handicap.
Vous m'avez également demandé quel serait l'avenir des travaux et activités périscolaires (TAP) : c'est l'occasion pour moi de revenir sur les rythmes scolaires, également évoqués par plusieurs d'entre vous, parmi lesquels Mme Buffet. Sur ces questions, nous devons évidemment nous appuyer sur les résultats de la recherche. Or, le sujet n'est pas aussi tranché qu'on peut parfois le penser. Il est vrai qu'il faut être attentif au rythme scolaire des élèves, qui a des effets sur la vie familiale, mais c'est un enjeu moins important pour leur réussite que ne le sont la formation des professeurs et la relation entre parents et école. Par ailleurs, le rythme doit s'apprécier à la fois aux titres de la journée, de la semaine et de l'année. Nous avons sans doute plus de problèmes de rythme annuel que de rythme hebdomadaire. La réforme des rythmes scolaires intervenue sous le quinquennat précédent a perturbé la société française. Il est vrai, Madame Pau-Langevin, que cette réforme avait été concertée mais on ne peut pas dire qu'elle ait fait consensus dans la société française : elle a été bien vécue dans certains endroits, mal dans d'autres. Nous tiendrons compte de cette réalité, notamment des progrès qui ont pu être réalisés grâce à cette réforme. Mon discours ne consiste absolument pas à inciter les établissements à passer à la semaine de quatre jours mais vise bien plutôt à desserrer ce qui a été perçu comme un étau par de nombreux acteurs. Je ne fais pas non plus de la semaine de quatre jours un épouvantail. Il semblerait en réalité, d'après les premiers éléments d'analyse dont nous disposons, que le choix entre quatre jours et quatre jours et demi ait un effet assez neutre sur les élèves. Plus importante est la qualité des activités périscolaires.
Les premières mesures que j'ai prises ont parfois été taxées de détricotage ou de recul : ce n'est absolument pas le cas. Simplement, la France connaîtra, à partir de la rentrée prochaine puis de la suivante, une situation mixte : certains établissements appliqueront la semaine de quatre jours, d'autres, la semaine de quatre jours et demi. On me dit aussi parfois que nous allons passer d'une situation homogène à une situation hétérogène : c'est inexact. La situation actuelle est déjà très hétérogène : beaucoup de communes ont appliqué le décret Hamon si bien que les élèves n'y ont pas classe le vendredi après-midi – ce qui est assez discutable. Je ne caricaturerai pas la situation actuelle mais il ne faut pas la magnifier non plus : elle est mitigée. Mon approche consistera toujours à conserver ce qui fonctionne et à faire évoluer ce qui ne fonctionne pas, tout en laissant aux acteurs la liberté d'agir comme ils l'entendent. Encore une fois, nous ne disposons d'aucun élément nous permettant d'affirmer qu'une solution serait meilleure qu'une autre. Je ne tiens pas de discours en faveur de la semaine de quatre jours ni même de discours faisant de cette question un enjeu important. Les sujets dont j'ai parlé précédemment le sont bien davantage.
Vous m'avez posé une question sur les projets éducatifs territoriaux (PEDT) et la qualité des activités périscolaires. Cette dernière doit être améliorée. On peut considérer les PEDT comme un progrès lié à la réforme de 2013 mais, dans les faits, ils sont trop souvent assez formels et sans contenu original et l'on a parfois l'impression d'observer de simples « copier-coller » d'un PEDT à l'autre. Nous devons donc franchir un pas supplémentaire et faire en sorte que les futurs PEDT soient de vrais projets éducatifs créant de la cohérence entre le scolaire et le périscolaire. Nous travaillerons donc, y compris avec les communes qui choisiront la semaine de quatre jours, notamment pour améliorer la qualité des activités du mercredi. Les communes y seront plus enclines dès lors qu'elles se sentiront plus à l'aise avec une formule qu'elles auront choisie. Bref, nous ne visons absolument pas une diminution quantitative ni qualitative des activités périscolaires. Nous voulons partir de ce qui a été fait pour franchir une nouvelle étape.
S'agissant de l'admission post bac (APB), la situation actuelle est considérée comme scandaleuse par les Français. Nul ne considère comme juste que l'entrée dans une filière universitaire se fasse par tirage au sort : nombre de jeunes et de familles vivent très difficilement cette injustice. Mais il ne faut pas se tromper de cible : APB n'est qu'un algorithme, il est révélateur d'un problème – la demande et l'offre ne coïncident pas – mais n'est pas, en soi, le problème.
Ma collègue Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est en charge de « l'aval » de ce problème. Elle réalise actuellement un important travail visant à améliorer la capacité d'accueil des filières dites « en tension ». Elle a obtenu de premiers résultats : on parle souvent de 117 000 élèves sans affectation. En fait, 17 000 sont dans une situation vraiment problématique car demandeurs de filières qui ne peuvent les accueillir. Pour la très vaste majorité des futurs étudiants, une solution a donc été trouvée. Pour les 17 000 élèves sans affectation, nous poursuivons notre travail afin d'aboutir rapidement. Mais c'est un travail de « pompier » et nous devrons effectuer un travail « d'architecte » pour la rentrée prochaine, afin que la situation ne se reproduise plus… Ce sera en priorité la mission de Frédérique Vidal sur les prérequis à l'université, que le Président de la République avait annoncée lors de la campagne présidentielle. Ce sera également, en amont, mon travail, un travail d'orientation active, avec les élèves, afin qu'ils choisissent des filières dans lesquelles la réussite sera au rendez-vous.
Le tirage au sort est un scandale, mais on parle moins d'un autre scandale, plus ancien : celui de l'échec en premières années universitaires. Il convient désormais de ne pas se payer de mots et de regarder les réalités en face, dans l'intérêt des élèves et pour mener chacun à la réussite, dans un souci de justice sociale. Nous devons nommer correctement les difficultés et travailler, en concertation avec les parlementaires, sur ce chantier comme sur de nombreux autres, en particulier celui de la réforme du baccalauréat.
Madame Pau-Langevin, j'ai déjà répondu sur la semaine de quatre jours et sur les PEDT. S'agissant des activités artistiques et culturelles périscolaires, qui sont complémentaires de l'éducation artistique et culturelle évoquée par Monsieur le Président, nous devons veiller à la richesse des propositions. Il faut également garder à l'esprit la différence entre milieu rural et milieu urbain, ainsi que l'enjeu social pour les collectivités, puisqu'il s'agit aussi de personnels. Il est donc fondamental de mener le dialogue au niveau local, car nous ne voulons nullement que certaines activités disparaissent dès l'année prochaine. J'ai découvert, à mon arrivée au ministère, qu'un récent décret interdisait aux autoentrepreneurs de participer à ces activités périscolaires. Je ne suis pas favorable à ce décret et je réfléchis au meilleur moyen de le neutraliser, car ce type de décision peut nuire à l'objectif louable que vous avez énoncé, et que je partage.
S'agissant de l'opération « devoirs faits », nous allons étudier comment associer les parents d'élèves, dans le respect des dispositifs existants. Ainsi, certaines associations d'aide aux devoirs font auprès des familles, à la maison, un travail remarquable car, vous avez raison, les devoirs tissent aussi un lien fort utile entre l'école et les familles, qu'il convient de préserver. Il ne faut pas revenir sur de telles initiatives. C'est le sens du vade-mecum que mes services rédigent pour accompagner ce nouveau dispositif, afin de maintenir ce lien fondamental entre les familles et l'école. « Devoirs faits » ne doit pas conduire à ce que l'on ne parle plus d'école à la maison, mais que l'on en parle de manière confiante et agréable. Ainsi, il ne sera jamais interdit de réciter un poème à la maison. En revanche, il conviendra d'épargner aux familles de s'efforcer d'appliquer le théorème de Pythagore dans la fatigue d'un dimanche soir en mettant parfois en difficulté les parents, toutes classes sociales confondues. Votre remarque est donc tout à fait pertinente et nous allons cadrer les choses sur le plan pédagogique.
La mixité sociale, sur laquelle plusieurs d'entre vous m'ont interrogé, est importante. C'est une faiblesse du système français. En la matière, des expérimentations ont été engagées par ma prédécesseure. Elles seront respectées et évaluées. Les décisions seront prises ensuite. Je suis partisan des formules qui permettent de rendre de l'attractivité aux établissements en situation difficile. Cela n'exclut pas d'autres formules mais celle-ci me paraît importante. C'est d'elle que découlent les mesures que nous avons prises pour le collège – rétablissement des classes bi-langues, des sections européennes et du latin – qui permettront de tirer le système vers le haut, de redonner de l'attractivité aux territoires les plus défavorisés mais aussi de redonner de la fierté aux familles et aux élèves. Un article du quotidien La Montagne faisait ainsi par exemple état ce matin de la fierté de collégiens de Montluçon, issus de familles défavorisés, d'être inscrits en classe de latin. Avec vous, élus de ces territoires qui vous sont chers, nous ferons preuve en la matière d'une détermination sans faille.
La problématique du système d'affectation dans les lycées AFFELNET est comparable à celle d'APB : ce n'est pas l'algorithme en lui-même qui pose problème, mais l'amont et, dans une moindre mesure, l'aval. Les évolutions du système ont complexifié le contenu d'AFFELNET, les stratégies différant d'un établissement à l'autre. Ainsi, la sincérité des livrets scolaires peut varier sensiblement au regard des résultats réels des élèves, ce qui « trouble » AFFELNET. C'est pourquoi nous devons travailler aussi sur la sincérité de ces documents, ainsi que sur le brevet. Cela permettra également de mieux marquer la fin du cycle scolaire passé au collège.
Madame Rubin, je vous confirme que nous voulons réduire les inégalités. Je vous remercie de partager cet objectif. Vous craignez que l'autonomie n'accentue les différences et les inégalités dans le territoire. Je ne partage pas cette crainte, même si elle doit être prise au sérieux. Nous pensons qu'il faut donner plus à ceux qui en ont besoin, en développant une approche différenciée auprès des établissements qui doivent être soutenus, dans une véritable prise en compte de l'éducation prioritaire. Nous voulons aussi libérer les énergies et permettre aux établissements de développer de véritables projets éducatifs car c'est de la sorte que l'on ira vers plus d'égalité.
Nos approches différent sans doute sur cette question, mais celle du Gouvernement – la liberté pour l'égalité – n'est pas naïve. Pour ne pas déboucher sur des inégalités, l'autonomie-liberté doit aller de pair avec des règles du jeu. Tel sera le cas, avec des efforts supplémentaires pour les établissements qui en ont besoin, en milieu urbain comme en milieu rural.
Je crois avoir déjà répondu à toutes vos questions, Madame Buffet, si ce n'est à celle qui portait sur l'avenir de l'éducation physique et sportive (EPS). Il n'est absolument pas question de remettre en cause cette discipline, décisive à bien des égards. Au contraire, notre volonté est d'accroître la présence du sport à l'école, à travers l'EPS mais aussi en multipliant les partenariats avec les acteurs environnants, les clubs sportifs notamment – et en nous appuyant, je l'espère, sur la victoire de la candidature de « Paris 2024 » pour créer une atmosphère favorable au sport dans tous nos établissements. L'EPS ne sera ainsi nullement remise en cause : ce n'est pas du tout dans un tel état d'esprit que j'aborde ma fonction car j'y ai toujours attaché beaucoup d'importance, d'autant qu'elle est à l'origine de bien des initiatives intéressantes.
Vous avez également évoqué, comme d'autres, la formation des professeurs. Je voulais terminer par cette question fondamentale, qui est au coeur de nos préoccupations parce qu'il s'agit et qu'il s'agira du premier facteur d'évolution de notre système. La situation est insatisfaisante. Nous allons travailler sur deux pistes majeures d'amélioration, en liaison avec Mme Frédérique Vidal, avec vous tous et avec les responsables des ESPE : d'une part, le développement d'une recherche de très haut niveau, attentive aux initiatives menées dans les autres pays et qui pourra inspirer les futurs professeurs et chefs d'établissement ; d'autre part, un accroissement important de la présence des praticiens dans les ESPE. Les professeurs en exercice – qui disposeront pour ce faire de décharges – doivent constituer 70 à 80 % des enseignants en ESPE, afin que le savoir et le savoir-faire dispensés soient plus concrets. Des évolutions sont donc à attendre, qui seront conduites en concertation avec les acteurs concernés.