Je suis ravie de vous retrouver au terme d'une année particulièrement riche et intense pour France Télévisions. L'année dernière à la même époque, j'étais venue vous présenter les grands axes de la réforme de France Télévisions alors que, vous vous en souvenez, le Gouvernement venait de rendre son arbitrage sur le cap stratégique du groupe et sa trajectoire financière en 2022 et aussi sur le plan pluriannuel, avec des objectifs, année après année, assez précis : il ne s'agissait de rien de moins que de construire la transformation et la révolution de la télévision publique. Un an plus tard, je puis vous dire que nous n'avons pas chômé. L'ensemble des attentes et des objectifs fixés pour 2018 ont été atteints. Évidemment, au-delà des résultats quantitatifs que vous trouvez dans le rapport d'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, c'est véritablement une méthode de transformation que nous avons mise en place tout au long de l'année.
La rupture, pour le secteur, apparaît toujours plus évidente. Ainsi, si l'on prend pour seul indicateur la durée d'écoute en direct de la télévision, on constate qu'elle ne cesse de décroître, notamment auprès des jeunes publics : ainsi a-t-elle diminué de 25 % chez les moins de 35 ans entre 2012 et 2017. Dans le même temps, de grands acteurs américains tels que Netflix prennent une place de plus en plus importante. Aujourd'hui, Netflix est la cinquième chaîne en France ; si l'on observe la situation dans les pays du Nord de l'Europe qui ont subi plus tôt cette révolution numérique, on se rend compte que Netflix est la première chaîne en Norvège, et l'on sait que la BBC s'inquiète de voir ses parts de marché grignotées par les différentes plateformes – car il y a Netflix mais aussi Amazon Prime Video.
La transformation de l'audiovisuel public français n'est pas un cas isolé : elle s'inscrit dans un contexte européen. Toutes les télévisions publiques européennes sont peu ou prou confrontées aux mêmes défis et aux mêmes difficultés. Nous nous sommes d'ailleurs beaucoup inspirés de ce qu'ont fait les pays nordiques – la Norvège et la Suède, que nous avons rencontrés chez eux et avec lesquels nous avons entretenu un dialogue assez intense pour comprendre comment ils ont affronté la révolution numérique et s'inspirer de leur expérience. De même, d'autres pays européens s'inspirent de France Télévisions, notamment pour le volet « information » et Franceinfo ; nous avons ainsi eu le plaisir d'accueillir la RAI italienne la semaine dernière et la télévision publique espagnole, RTVE, pour traiter de la méthode de transformation et de l'opération que nous avons menée avec l'ensemble des services publics sur l'information.
Dès le mois de septembre dernier, nous avons lancé avec Radio France une grande consultation publique intitulée « Ma télé, ma radio demain ». Le succès de cette consultation a dépassé nos espérances, avec 127 000 réponses et plus de 550 000 verbatim. Le très riche matériau recueilli nous a permis de mieux comprendre ce que nos concitoyens attendent de leur télévision publique. Sans en venir à une offre de télévision uniquement guidée par les attentes des téléspectateurs, nous avons jugé qu'il nous fallait beaucoup mieux en tenir compte. C'est donc en nous fondant sur les résultats de cette consultation que nous avons fixé nos nouvelles ambitions.
La première des attentes concerne l'information de service public. Le souhait d'une information exigeante et indépendante s'est manifesté plus fortement que jamais. Dans un espace public chaotique et de plus en plus marqué par l'immédiateté, les citoyens attendent de nous des garanties en matière de certification de l'information et de maîtrise des nouveaux usages. De ce point de vue, on peut dire que Franceinfo, que nous avons en partage avec Radio France, France 24 et l'INA, a réussi ce pari. Après deux ans d'existence, l'offre numérique de Franceinfo se place en tête des visites avec plus de 20 millions de visiteurs uniques chaque mois. La chaîne détient aussi un record en matière de confiance de la part des citoyens français. Une enquête mesure régulièrement la confiance que les Français ont dans les différentes chaînes d'information et, d'une manière générale, la cote de confiance pour les informations diffusées par France Télévisions se maintient à un niveau bien supérieur à celle dont bénéficient les médias privés, en dépit de la crise des Gilets jaunes qui a touché les médias en général, notre groupe compris. Des conversations que j'ai avec mes collègues européens, il ressort que l'offre de Franceinfo est désormais considérée comme une référence en Europe. Depuis 2015, je n'ai cessé de moderniser l'information de France Télévisions, qui a désormais une rédaction unique. Mais, bien sûr, des progrès restent nécessaires pour faire reculer la méfiance de nos concitoyens envers l'information.
La deuxième attente qui s'est exprimée très fortement est celle d'une information proche des territoires. Aussi allons-nous étendre significativement l'offre d'information de proximité à dater de septembre, en commençant par les matinales communes avec France Bleu : Mme Sybile Veil et moi-même avons annoncé que nous étendrons l'expérimentation conduite à Nice et à Toulouse à une dizaine d'autres matinales d'ici la fin de l'année. Les prochaines concerneront sans tarder Lille et Guéret. C'est évidemment une première étape de notre coopération avec Radio France, qui doit nous conduire à lancer une offre numérique commune d'information de proximité, idéalement avant les municipales de 2020. Nous allons aussi élargir les plages d'informations régionales, aujourd'hui biquotidiennes, sur l'ensemble du territoire. Enfin, même si nous avons énormément progressé sur ce plan, je pense que l'on peut aller encore plus loin, et nous allons donc « événementialiser » nos antennes davantage encore, en nous ancrant plus dans la vie politique locale, culturelle et sociale des territoires. Le prochain grand rendez-vous politique pour France 3, ce seront évidemment les élections municipales ; nous nous devrons d'exposer le débat au plus près des attentes des concitoyens.
Je ne détaillerai pas plus avant les résultats de cette très riche consultation, dont nous avons cherché à tirer les enseignements dans un « pacte citoyen » que nous avons exposé le 18 juin. Ce pacte s'articule en trois axes – l'engagement, l'innovation et le plaisir, trois notions que l'on retrouvera dans tous nos programmes et dans toutes nos offres.
L'engagement, c'est celui d'une télévision qui aide la société à aller mieux. Dès septembre, nous lancerons une grande mobilisation de nos antennes autour de l'environnement. Nous sommes aussi attendus pour donner l'exemple, notamment en matière de diversité – de toutes les formes de diversité. Pour ce qui est de l'égalité femmes-hommes, France Télévisions a très nettement progressé mais doit continuer de le faire. Il nous reste beaucoup de chemin pour ce qui est de la diversité des origines territoriales, économiques, géographiques et ethniques, de manière que la télévision publique reflète mieux la société telle qu'elle est. L'engagement, c'est aussi accomplir nos grandes missions de service public, comme nous l'avons fait avec la signature, il y a quelques jours, du pacte pour la visibilité des outre-mer : pour la première fois, des objectifs concrets, précis et chiffrés sont fixés pour donner à voir la réalité et la spécificité des territoires ultramarins sur l'ensemble des chaînes du groupe et non plus uniquement sur l'une d'elles.
L'innovation, c'est oser proposer des programmes ambitieux, différents et créatifs qui bousculent les codes et c'est, bien sûr, répondre aux défis technologiques à venir – 5G, 8K, intelligence artificielle. Mais il y a aussi l'innovation dans la ligne éditoriale, pour rester connectés à notre jeunesse, notamment les enfants. D'ici la fin de l'année, nous lancerons Okoo, la nouvelle plateforme destinée aux enfants. Elle réunira toutes les marques existantes – Ludo, Zouzous et France 4 – ce qui permettra d'offrir le catalogue le plus large, d'animation notamment, disponible gratuitement et en permanence à tous les enfants.
Le plaisir, enfin, consiste à faire une télévision répondant aussi au souhait d'une offre récréative, permettant de partager toutes les cultures, ainsi que le sport, bien sûr. Les audiences du Tour de France sont en très forte progression ; c'est un moment de partage. Le fait que nous ayons obtenu l'exclusivité des droits de retransmission télévisuelle en clair des Jeux Olympiques d'hiver de 2022 et des Jeux Olympiques de Paris en 2024 est extrêmement positif : on sait que ce sera un rendez-vous important pour la nation. Nous sommes actuellement en discussion avec Roland-Garros pour préserver les droits ; nous ferons tout pour tenter de garder les droits d'au moins une partie de cette retransmission qui, avec celle des Jeux Olympiques et du Tour de France, participe de l'identité du service public.
Le Pacte citoyen se traduit aussi par une nouvelle manière de mesurer notre succès ; c'est une réponse partielle à la question que vous venez de me poser, monsieur le président. Nos audiences, telles qu'elles sont mesurées traditionnellement, progressent, et nous battons des records mois après mois. Mais, à l'heure où une grande partie de l'attention des spectateurs est absorbée par des vidéos sur d'autres écrans et sous d'autres formes, il serait quelque peu absurde de continuer de s'appuyer uniquement sur la mesure d'audience de la télévision linéaire traditionnelle. C'est pourquoi j'ai souhaité refondre les indicateurs de mesure du succès de France Télévisions et, en même temps, mettre désormais en avant la couverture hebdomadaire, qui deviendra notre nouvelle référence. Nous évaluerons désormais combien de Français ont, chaque semaine, regardé au moins un programme de France Télévisions, sur tous supports : télévision linéaire traditionnelle, rattrapage, programme sur france.tv ou une autre de nos plateformes ; nous savons qu'aujourd'hui, 75 % des Français ont un contact chaque semaine avec France Télévisions. Pourquoi cette couverture hebdomadaire ? Nous avons bien sûr une couverture journalière, mais l'on ne peut s'attendre à ce que nos concitoyens regardent France Télévisions tous les jours. Nous avons aussi une couverture mensuelle, un peu trop lâche – regarder un programme par mois ne crée pas un lien réel avec France Télévisions. Nous nous sommes donc inspirés de ce qu'ont fait nos voisins européens, qui ont défini la couverture hebdomadaire comme étant le bon critère de mesure de la progression.
Ce ne sera évidemment pas le seul indicateur et nous continuerons de mesurer la confiance que nos concitoyens accordent à l'information en général et l'information de service public en particulier. Nous continuerons aussi de mesurer la satisfaction que procure la qualité de nos programmes, et encore « l'engagement numérique » de nos publics autour de nos contenus. Qu'est-ce que cela signifie ? Il s'agit de déterminer si ce que l'on met en ligne fait parler, si les programmes de France Télévisions, qu'ils soient proposés en format linéaire ou en format numérique, ont un impact sur les débats qui traversent la société. Évidemment, cet indicateur est difficile à mettre au point, car il y a aussi les « mauvais impacts » – ce qui fait parler négativement. Mais nous le suivrons désormais, parce que nous ne visons pas simplement à satisfaire un téléspectateur de manière instantanée mais aussi à l'amener à réfléchir et à provoquer le débat en exposant les différents points de vue.
La mobilisation de nos concitoyens se double de celle des collaborateurs de France Télévisions qui, depuis de nombreuses années, réalisent un travail remarquable et accomplissent beaucoup d'efforts pour absorber un changement qui ne se fait pas sans difficulté, puisque nous avons dans le même temps des plans d'économies assez forts. Les résultats sont là : depuis 2015, nous tenons l'équilibre budgétaire année après année, nous respectons les trajectoires d'effectifs, effectifs qui ont déjà baissé de 8 % depuis 2012, ce qui n'est pas insignifiant. Nous suivons évidemment à la lettre les recommandations de la Cour des comptes, pour ce qui est notamment de l'exemplarité et du respect des règles de la commande publique. Je peux dire que, grâce à la rigueur et la mobilisation de l'ensemble de ses salariés, la gestion du groupe France Télévisions est aujourd'hui saine et exemplaire.
Mais il ne faut pas se faire d'illusions : le travail qui nous attend et les réformes engagées sont lourdes et significatives pour le groupe et les salariés. Les plans d'économies qui se sont succédé depuis plusieurs années ont eu un fort impact sur la structure du groupe et sur ses partenaires. Étant donné les économies encore prévues et la trajectoire budgétaire arrêtée l'année dernière par le Gouvernement, il n'est plus question pour nous de nous en tenir à une logique de seule réduction : il s'agit bien de transformer profondément la manière dont nous travaillons et dont nous produisons nos programmes, et de repenser le cadre de l'exercice de nos missions. Ce qui est à l'oeuvre, c'est une méthode de transformation innovante, tenant compte des contraintes qui sont les nôtres – les règles et les objectifs qui nous sont donnés – tout en gardant le lien en permanence avec chacun des salariés de France Télévisions et leurs représentants.
Pour mener cette transformation « agile », nous avons commencé par porter un diagnostic partagé avec l'ensemble des équipes. Je me suis prioritairement appuyée sur les managers pour partager avec eux la nécessité du changement et pour les interroger sur les projets et les sujets qu'ils estimaient prioritaires pour accompagner le changement. Ce matériau extrêmement riche nous a permis de bâtir le projet d'entreprise, en favorisant le travail en mode « projet » et l'équilibre entre les différents secteurs de l'entreprise. Les salariés sont prêts au changement ; ils comprennent très bien l'environnement dans lequel nous exerçons notre métier, donc la nécessité d'évoluer. Il y a des désaccords avec les organisations syndicales sur les objectifs de réduction d'effectifs – je ne vous dirai pas le contraire –, mais il existe désormais un cadre négocié solide et assez innovant de dialogue social que nous entendons bien sûr respecter parfaitement.
La définition de ce cadre, négocié avec les organisations syndicales, a été un moment important pour l'entreprise. La négociation, engagée en janvier par la direction des ressources humaines, a porté sur l'ensemble des domaines : les nécessaires réductions de postes liées à la trajectoire d'économies et, surtout, l'évolution indispensable des métiers et les axes de développement qu'il faut envisager pour l'entreprise. Je n'ai pas souhaité engager le groupe dans une pure spirale de réduction des coûts ; j'ai voulu favoriser les nouvelles méthodes de travail et les projets novateurs pour faire évoluer les structures. L'accord-cadre que nous avons conclu avec 85 % des organisations syndicales vise une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour accompagner l'évolution des métiers mais aussi chaque salarié dans son évolution personnelle au sein de l'entreprise, afin de sécuriser chacun. Cet accord, vous le savez, prévoit aussi un plan de départs assez important. L'objectif est une réduction de 900 postes, si bien qu'en huit ans les effectifs de France Télévisions auront baissé de quelque 20 % à périmètre quasiment constant. La transformation de l'entreprise a donc été profonde et difficile, il faut le dire.
L'accord-cadre signé avec les syndicats n'est pas un point d'arrivée mais un point de départ. La troisième étape, que nous avons entamée mais qui va se poursuivre, est celle du déploiement des projets. Elle sera encadrée par des négociations continues au long des deux prochaines années. L'enjeu est qu'aucun salarié ne se sente laissé de côté, que chacun se sente accompagné à sa mesure, en fonction de ce qu'il souhaite au sein de l'entreprise.
Bien malin qui peut dire ce que seront dans dix ans le contexte général de la télévision et celui de la télévision publique en particulier ! La vraie modernité pour nous est d'avoir une méthode agile de transformation et de se dire : « Nous avons des projets à trois ans connus, mais nous devons apprendre collectivement à accompagner ces changements à la fois par le dialogue social et par la compréhension des enjeux qui s'imposent à nous ». Nous devons aussi être capables d'accueillir de nouvelles générations, dont les méthodes de travail et les attentes à l'égard de l'entreprise sont assez radicalement différentes de celles de leurs aînés. Nous avons évidemment besoin de ces nouveaux talents et nous devons leur offrir un cadre de travail qui leur donne envie de rejoindre l'entreprise France Télévisions. J'ai la conviction, forgée par l'expérience, que seul le dialogue social continu et nourri nous permettra de transformer l'entreprise intelligemment et efficacement.
Ces efforts structurels très importants ne doivent pas nous éloigner de ce qui fait le sens profond de notre métier, de ce qui motive chacun des salariés de l'entreprise : l'ambition éditoriale et artistique de France Télévisions, point commun de tous les salariés – comme de l'ensemble du secteur de la télévision publique. Nous l'avons constaté en septembre dernier quand nous avons lancé Un si grand soleil, notre nouveau feuilleton quotidien, produit en interne. Alors que certains avaient pronostiqué que ce serait une catastrophe industrielle, il s'est révélé un sérieux gage de modernité artistique et un succès d'audience ; 3,7 millions de Français sont devenus des aficionados de cette création, faisant du même coup progresser de 4,5 % une tranche horaire que je qualifierai, par euphémisme, d'hybride. Au-delà des résultats d'audience, ce feuilleton, entièrement fabriqué en interne, est le résultat de la mobilisation de toute l'entreprise, qui démontre qu'elle est capable de s'engager sur des programmes d'envergure.
Ces résultats s'ajoutent au succès généralisé de la fiction sur nos antennes, succès qui permet alternativement à France 2 et à France 3 de se positionner en leader des soirées. Nous travaillons à sortir du « tout polar » souvent reproché à France Télévisions et à favoriser toujours davantage la diversité artistique des thèmes et des personnages. Néanmoins, c'est un polar qui est à l'origine du record d'audience cette année : je rends un hommage particulier à Capitaine Marleau qui a réuni plus de 8,5 millions de téléspectateurs, un nombre colossal. Il s'agit d'une très bonne nouvelle pour nous tous puisque cela marque le retour de la fiction française parmi les plus fortes audiences de la télévision – aussi forte que pour un match de football.
C'est le résultat de la politique industrielle volontariste de soutien à la création que nous avons engagée dès 2016 en faisant passer nos investissements de 390 à 420 millions d'euros par an. Nous maintenons et nous allons maintenir cet effort dans un contexte économiquement moins favorable parce que les ressources publiques baissent, tout comme les aides du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), ce qui a un impact direct sur France Télévisions. Cet investissement supplémentaire est un effort pour l'entreprise, mais il est attendu par les citoyens et, plus largement, il contribue au rayonnement de notre industrie audiovisuelle. Cette année, nous avons passé le cap, ensemble, des mille heures de fiction produites en France, mais nous restons encore loin de nos voisins allemands ou anglais qui en sont chacun à 2 000 heures.
Afin de pérenniser cet effort de création, nous nous sommes engagés dans la renégociation de nos accords avec les producteurs, que nous avons réussie grâce au soutien de l'ensemble des organisations professionnelles. Ce nouvel accord nous permet d'augmenter notre part « dépendante » – ce que nous pouvons produire via notre propre filiale de production – de manière significative, et aussi, et c'est peut-être le point le plus important, de disposer de droits numériques plus longs, désormais indispensables pour faire de notre plateforme numérique france.tv notre première antenne.
Le cinéma français est aussi au coeur de notre offre, avec un investissement maintenu et un nombre croissant de films financés par France Télévisions. C'est un pilier essentiel de la télévision publique, même si je regrette qu'après neuf ans de discussion continue avec les organisations professionnelles du cinéma nous ne soyons toujours pas parvenus à un accord permettant une présence des oeuvres de cinéma sur le numérique.
Sur le plan éditorial, notre grande transformation consiste désormais à faire passer le numérique en premier. Ainsi, france.tv ne sera plus une plateforme d'accompagnement utilisée pour la télévision de rattrapage mais une plateforme de première destination. À cette fin, nous avons complètement réorganisé nos équipes éditoriales, auparavant organisées par chaîne et qui le sont désormais par programme d'une part, antenne de l'autre pour permettre la programmation beaucoup plus agile que nous souhaitons. Dès le mois de septembre, france.tv sera la première porte d'entrée pour une part croissante de nos publics. L'ensemble des programmes de la journée sera mis à disposition dès six heures du matin, ce qui donnera une plus grande liberté à nos téléspectateurs. La plateforme sera continûment adaptée aux standards internationaux, avec des innovations constantes visant à améliorer la qualité de service pour les internautes.
Le numérique n'est pas qu'une question d'usage, c'est aussi un terrain d'innovation éditoriale et de création. Nous en avons eu la preuve avec le succès considérable rencontré auprès des adolescents et des jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans par Skam France, série issue de la télévision norvégienne. Le numérique nous permet de proposer des formats innovants qui ne conviendraient pas à tout notre public mais qui touchent fortement les jeunes. C'est pourquoi nous avons décidé d'allouer à la fois des budgets, des moyens, des hommes et des femmes à ces nouveaux projets de fictions, de documentaires et de flux sur le numérique pour parler à des cibles particulières de notre public. C'est, d'une certaine manière, le premier lien avec notre jeunesse. L'âge moyen des spectateurs de notre offre france.tv est de dix ans inférieure à celle de la télévision linéaire ; ces nouveaux moyens d'accès nous permettent de rajeunir nos audiences et de créer un lien privilégié avec les jeunes générations. Nous en ferons la démonstration avec le lancement d'Okoo, nouvelle plateforme pour les enfants, et avec le lancement, d'ici la fin de l'année, de la nouvelle plateforme éducative commune à tout l'audiovisuel public, initiative que nous menons en parfaite collaboration avec l'INA. Cette offre éducative sera mise à la disposition, gratuitement, des élèves, des enseignants et des associations qui s'occupent d'enseignement, pour accompagner les parcours scolaire. Parce que l'enjeu est emblématique, nous avons revu les moyens financiers et humains nécessaires à la réalisation de ce projet ; je sais, monsieur le président, que vous y êtes très sensible.
Le numérique nous donne aussi les moyens d'une nouvelle visibilité et d'une nouvelle audace éditoriale en matière d'offre culturelle. J'en veux pour preuve le succès de Culture Prime, réseau social culturel bâti avec l'ensemble de nos amis de l'audiovisuel public qui donne une nouvelle vie à des contenus culturels et un accès à des publics qui, peut-être, ne regarderaient pas les émissions culturelles à la télévision. L'évolution de CultureBox et sa diversité éditoriale témoignent également de notre capacité à prendre des risques. Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous avons déserté les territoires culturels traditionnels sur les antennes linéaires. Au contraire, nous avons relancé Le Grand Échiquier et commencé à développer de nouvelles cases de spectacle vivant en première partie de soirée ; cela atteste notre envie de renforcer la programmation culturelle sur toutes les antennes de France Télévisions. L'alliance entre le linéaire et le non-linéaire pour la retransmission de grands événements culturels peut nous permettre de toucher de nouveaux publics.
L'entreprise France Télévisions et l'ensemble de ses salariés sont prêts à engager la transformation de son modèle, de son offre et de ses activités. Vice-présidente de l'Union des télévisions publiques européennes, je constate tous les jours que nos préoccupations sont partagées partout en Europe, avec la même acuité. Nous ressentons les mêmes difficultés, et nous sommes tous animés par le désir de préserver notre exception culturelle et celle de l'Europe face aux géants mondiaux, américains aujourd'hui, asiatiques demain peut-être. Le projet de loi audiovisuelle dont vous débattrez dans quelques mois sera l'occasion de traiter d'enjeux décisifs pour la souveraineté culturelle, notamment pour réguler cette concurrence désormais mondiale. Ce texte est très attendu par tout le secteur audiovisuel et singulièrement par France Télévisions. Il sera indispensable pour favoriser l'exception culturelle. Je suis convaincue qu'allier une régulation renouvelée et la mutation profonde de nos entreprises nous donnera l'opportunité exceptionnelle de forger un nouveau modèle, celui d'une télévision publique française dynamique, énergique et pleinement engagée dans le défi numérique. C'est le projet immense et passionnant que nos concitoyens attendent et nous pouvons être à la hauteur.