Mme la Présidente, je vous remercie. Bonjour à tous.
C'est évidemment un honneur de répondre à votre invitation et de répondre à vos questions. D'une manière générale, c'est notre devoir de vous rendre compte, de rendre compte à la représentation nationale. C'est notre première intervention devant cette commission et je suis tout à fait heureux de le faire, d'autant plus qu'effectivement, un certain nombre de nos sujets touchent à la fois aux enjeux sanitaires et aux enjeux environnementaux.
L'IRSN est l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. C'est l'expert public du risque radiologique et nucléaire. Il s'agit d'un établissement public qui a cinq tutelles : Environnement, Défense, Énergie, Recherche et Santé. En tant qu'expert public, nous évaluons les risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants, y compris en situation accidentelle.
Très concrètement, ces risques peuvent être rattachés à ce qu'on appelle la sûreté nucléaire. Il s'agit alors de prévenir les risques d'accidents qui, malheureusement, peuvent se produire. Cela concerne les grosses installations (comme les réacteurs), les installations du cycle du combustible, la gestion des déchets radioactifs, les transports.
Ces risques peuvent être aussi rattachés à la protection contre les rayonnements ionisants. Et là, cela concerne les patients, dans le cadre de diagnostics ou de thérapies, le public, les travailleurs. Je rappelle qu'il y a 380 000 travailleurs susceptibles d'être exposés à des rayonnements ionisants en France, que nous suivons (c'est une de nos responsabilités), dont 60 % dans le domaine de la santé.
Cela concerne aussi bien évidemment l'environnement.
La dernière dimension du risque est celle de la sécurité. C'est la protection contre les actes de malveillance.
L'IRSN s'intéresse donc à toutes ces composantes des différents risques associés aux rayonnements ionisants. Cela correspond à un large spectre d'activités, qui va de la radiothérapie à l'agence immobilière, puisque les agents immobiliers utilisent des détecteurs de plomb qui contiennent de petites sources radioactives. Cela va du réacteur nucléaire aux rayonnements naturels, que ce soit le rayonnement cosmique, qui concerne les personnels navigants, ou le radon.
Concrètement, nos missions sont de deux ordres, pour évaluer ce risque : la recherche et l'expertise.
Pour cela, dans l'exercice de nos missions, nous avons deux exigences.
Dans un contexte de préoccupation en santé environnementale croissante, l'IRSN doit d'abord contribuer à un très haut niveau de protection des personnes et de l'environnement contre les risques liés aux rayonnements ionisants, que ce soit en France ou dans le monde. L'IRSN est connu sur le plan international.
Deuxième exigence : dans un contexte de démocratie environnementale, l'IRSN doit grâce à la numérisation contribuer au dialogue, aux échanges avec les citoyens et la société.
Deux métiers, comme je le disais : l'expertise et la recherche.
L'expertise consiste à apporter un appui technique aux autorités, aux pouvoirs publics. Très souvent, on pense à l'Autorité de sûreté nucléaire, mais il y a aussi une Autorité de sûreté nucléaire dans le domaine de la défense, une autorité de sécurité. Et puis il y a les ministères : ministère de la Santé, le ministère du Travail, de l'Environnement, de l'Intérieur, des Affaires étrangères. Mais, plus généralement, nous pouvons apporter un appui technique à toutes les institutions qui peuvent, à un moment ou à un autre, avoir à traiter du risque radioactif.
Je pourrais mentionner le rapport que l'IRSN a fait l'année dernière, à la suite de la demande de la Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaire, dont M. Paul Christophe était le Président. Cette commission nous avait demandé un rapport sur l'entreposage du combustible nucléaire, en comparant deux options : l'option de l'entreposage sous l'eau ou l'option de l'entreposage à sec.
Nous venons de remettre, dans le cadre d'un débat public qui est en cours en ce moment sur la gestion des déchets radioactifs (ce qu'on appelle le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs), deux rapports qui nous ont été demandés par la Commission nationale du débat public : l'un qui prolonge celui que je viens d'évoquer, l'autre sur les alternatives au stockage géologique.
Je pourrais aussi mentionner un rapport remis à l'Autorité environnementale relatif à ce même plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Très concrètement, l'IRSN émet de l'ordre de 800 avis ou rapports par an qui, pour leur grande majorité, sont publics, accessibles sur notre site. La loi de transition énergétique pour une croissance verte exige en effet que nos avis soient rendus publics. Nous en sommes tout à fait satisfaits. Nous avions d'ailleurs anticipé cette disposition en publiant un certain nombre de ces avis.
L'expertise, ce sont des rapports et des dossiers, mais ce sont aussi des tâches de surveillance.
Surveillance de l'environnement : par exemple, l'IRSN gère un réseau de 400 balises, dites Téléray, qui mesurent le rayonnement ambiant. Ces mesures sont accessibles sur une application qui est téléchargeable sur votre téléphone. En temps réel, vous pouvez connaître le niveau de rayonnement mesuré par ces balises.
Nous assurons aussi la surveillance des travailleurs. La réglementation oblige tous les travailleurs à disposer d'un dosimètre qui mesure les doses qu'ils reçoivent. Nous sommes destinataires de ces informations.
Enfin, nous assurons un suivi de l'ensemble des sources radioactives, soit 35 000 en France. Nous gérons la base de données de ces sources qui présentent potentiellement un risque en termes d'irradiation.
Cette expertise s'exerce aussi en situation de crise.
En cas d'accident, l'IRSN aurait une double fonction : évaluer la situation pour les pouvoirs publics, que ce soit le gouvernement, les préfets, les autorités (de sûreté notamment), en formulant un diagnostic, expliquer ce qui se passe ; et établir un pronostic, ce qui est évidemment essentiel pour les autorités pour prendre les décisions. C'est ce que nous avons fait lors de l'accident de Fukushima, même si celui-ci se passait à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de la France.
Nous venons d'ailleurs de nous doter d'un nouveau centre de crise.
Nous avons aussi des moyens mobiles que nous envoyons sur le terrain, des moyens opérationnels : une vingtaine de véhicules qui peuvent d'une part mesurer la contamination de l'environnement et, d'autre part, s'intéresser à la contamination éventuelle de personnes. Nous effectuons des exercices régulièrement. Si vous êtes intéressés, vous pouvez tout à fait venir assister à tout ou partie d'un exercice de crise dans notre centre de crise qui est à Fontenay-aux-Roses.
La deuxième dimension de notre métier d'évaluation du risque lié aux rayonnements ionisants est la recherche.
C'est la recherche pour la radioprotection, pour la sûreté nucléaire, pour la sécurité nucléaire. L'IRSN est un organisme de recherche : 40 % de notre budget y est consacré. Cette recherche est là pour alimenter au mieux l'expertise afin de donner les meilleures recommandations aux pouvoirs publics. C'est aussi une manière d'attirer de hauts profils. À l'Institut, nous avons 75 % de chercheurs, d'ingénieurs, de docteurs, des personnes de haute qualité.
C'est une recherche finalisée au sens où elle est dédiée à la sûreté nucléaire, à la radioprotection et à la sécurité nucléaire, Il faut qu'elle réponde à cela. Elle est évidemment, comme toute recherche, partenariale et notamment européenne. On dispose d'une stratégie scientifique avec, par exemple, dans le domaine de la radioprotection, l'objectif de développer des programmes sur les effets des expositions à des faibles doses d'irradiation, avec des études sur le transfert des radionucléides dans l'environnement, ou encore l'identification des effets secondaires des rayonnements ionisants, à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.
Nous avons une cinquantaine de docteurs et de personnes habilitées à diriger des recherches et, en moyenne, nous avons une petite centaine de doctorants et de post-doctorants à l'Institut.
Comme vous l'avez compris, l'IRSN a une spécificité : il réunit, dans un même organisme, la sûreté nucléaire et la protection contre le rayonnement ionisant, la sécurité nucléaire et la sûreté nucléaire, le domaine du civil et celui de la défense (puisqu'il y a une activité nucléaire de défense en France), la recherche et l'expertise.
Ce choix a été voulu par la représentation nationale à la création de l'IRSN en 2001. C'est un choix pour favoriser la pluridisciplinarité et la transversalité entre les différentes facettes des risques liés aux rayonnements ionisants. C'est ce qui fait que l'IRSN aujourd'hui est un organisme relativement important lorsqu'on le compare à ceux d'autres pays, puisqu'il rassemble 1 800 personnes.
Conformément aux approches françaises et européennes sur ces risques sanitaires, l'IRSN, par contre, est un évaluateur du risque, et non pas un gestionnaire du risque. Il est distinct de l'autorité des ministères qui ont à prendre des décisions. L'IRSN ne prend pas de décisions. Il émet des avis et des recommandations. Ce principe a été rappelé encore récemment, dans le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l'expertise environnementale et sanitaire par les agences.
Les enjeux en termes de radioprotection et de sûreté à moyen terme sont importants. Cela concerne la mise en oeuvre des nouvelles règles de protection contre les rayonnements ionisants, qui ont été élaborées au niveau européen et qui sont en cours de transposition. C'est aussi l'expertise des risques liés aux nouvelles techniques dans le domaine médical. C'est la mise en service d'un certain nombre d'installations, comme le réacteur EPR, ou l'installation de stockage Cigéo. C'est la prolongation d'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans. Ce sont les suites de l'accident de Fukushima, C'est le démantèlement.
Toutes ces activités d'évaluation, recherche, expertise sont menées avec une volonté d'échange avec la société, comme je l'ai dit au début de mon intervention, dans une démarche d'ouverture à la société. C'est d'ailleurs dans notre contrat d'objectifs avec les pouvoirs publics, signé en janvier, C'est le cas depuis un certain temps. Cela répond à des exigences nationales et européennes.
Nous avons par exemple des dialogues sur la prolongation d'exploitation des réacteurs, avec ce qu'on appelle les Commissions locales d'information et leur représentant national (l'association nationale des commissions locales d'information), avec les associations et les experts non institutionnels. Nous avons ces échanges à propos des grosses installations, mais aussi sur des sujets transverses. Nous avions organisé il y a quelque temps un dialogue sur le thème rayonnements ionisants et santé.
Nous disposons d'une charte d'ouverture à la société commune à plusieurs organismes comme le BRGM, l'INERIS, l'ANSES.
Cette démarche d'ouverture à la société est présente sur les sujets d'expertise, mais aussi sur les sujets de recherche. C'est une disposition peu répandue en France. Nous avons un comité d'orientation des recherches, un comité type Grenelle, qui va donner un avis sur la manière dont nos recherches peuvent répondre aux attentes sociétales.
Nous développons des sciences participatives. Je vous ai d'ailleurs amené un kit que nous développons et qui s'appelle Open radiation. C'est un petit appareil que vous pouvez fabriquer. Il permet à tout citoyen de mesurer la radioactivité. Il est connecté à une application et les informations peuvent être partagées. C'est un petit outil que nous avons développé, à la suite de l'accident à Fukushima, puisque nous avions constaté que les citoyens japonais avaient fait les mesures eux-mêmes. Nous avons donc souhaité nous inscrire dans cette logique de science participative.
Pour conclure, l'IRSN, c'est 1 800 femmes et hommes, un budget d'à peu près 280 millions d'euros avec 62 % de subventions de l'État, 23 % de contributions des opérateurs nucléaires, et 15 % des recettes propres issues soit de prestations, soit de programmes de recherche.
Nous sommes rassemblés sur huit sites. Le plus important est à Fontenay-aux-Roses où nous avons 1 000 personnes. Le deuxième est Cadarache, où nous avons un certain nombre d'installations lourdes de recherche.
En tout cas, je serais tout à fait ravi de vous inviter à visiter l'un de ces sites si vous en avez l'intérêt.
Je vous remercie.