Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Jean-Christophe Niel :

Je vais peut-être compléter sur des actions de l'IRSN pour contribuer à améliorer la protection contre les rayonnements ionisants des différentes catégories travaillant à l'hôpital. Une action prévue par les textes s'appelle les "niveaux de référence diagnostic".

La protection contre les rayonnements ionisants repose sur plusieurs principes.

Il y a un principe de limitation. La réglementation interdit de dépasser une limite réglementaire sur la dose délivrable aux gens. Cependant, il existe également un deuxième principe qui consiste à dire qu'il faut que ce soit optimisé. C'est comme sur la route. Vous êtes limités à 50 kilomètres, vous n'êtes pas obligés d'aller à 50 kilomètres. Pour la radioprotection, vous avez une limite réglementaire, vous n'êtes pas obligés de l'atteindre.

C'est ce qu'on appelle l'optimisation : comment délivrer la dose la plus faible, avec l'objectif recherché. Si vous faites une radio, il faut évidemment que l'image soit de qualité pour que le médecin puisse faire son travail.

L'IRSN a la responsabilité de proposer aux pouvoirs publics des niveaux de référence diagnostic.

Pour un examen standard, il s'agit de savoir quel est le bon niveau de dose qui devrait être délivré.

Cela concerne l'imagerie : les radios conventionnelles, la scanographie, la médecine nucléaire. Les établissements nous communiquent régulièrement les valeurs qu'ils pratiquent. À partir de ces remontées des valeurs pratiquées, nous allons proposer de nouvelles valeurs de référence.

Je donne un exemple très concret. Lors du dernier travail que nous avons fait en 2016, nous avons constaté que ce qui remontait des établissements conduisait à une baisse des doses en radiologie de 10 %, en scanographie de 15 %, en médecine nucléaire de 3 %. Les praticiens avaient déjà baissé la dose délivrée.

Nous, nous avons recommandé aux pouvoirs publics, au ministère de la Santé, à l'ASN, que les niveaux de référence (ce qui est recommandé aux professionnels pour les différents examens) soient pour la radiologie une baisse de 40 %, pour la scanographie de 35 %, et pour la médecine nucléaire de 10 %. Cela va contribuer à limiter la dose délivrée aux patients, en conservant l'intérêt de l'examen.

C'est une des actions que met en oeuvre l'Institut pour contribuer à l'amélioration de la radioprotection.

Concernant la formation, elle est essentielle. L'IRSN, dans ses missions, a une responsabilité de formation à la radioprotection. Nous délivrons tous les ans des formations sur ce sujet à des médecins, à des personnes compétentes en radioprotection. Nous avons aussi une filiale de formation qui peut délivrer ces formations.

En termes d'évaluation des pratiques, nous avons réalisé il y a quelque temps une évaluation de l'évolution des doses délivrées aux enfants dans le cadre des activités de l'imagerie.

Nous avons pu constater qu'en quelques années, cette baisse avait été tout à fait réelle. Elle résulte à la fois d'une amélioration des machines (c'est-à-dire que les machines, pour une même qualité d'image, pour une même capacité d'intervention du médecin, délivrent des doses moins importantes) et d'une amélioration des pratiques des Professionnels.

Je crois que cela répond à votre question.

Je vais passer à la question suivante, Madame Levy. C'est une question à propos des centrales nucléaires en cas d'accident.

Il y a deux sujets.

En temps de paix, autour de toutes les installations nucléaires, il y a ce qui s'appelle les commissions locales d'information. Ce sont des structures qui rassemblent des associations, les industriels, les élus (les textes prévoient la moitié d'élus et ces commissions sont en général présidées par l'un d'entre eux), des experts, pour discuter de sujets de sûreté nucléaire et de radioprotection attachés à ces installations.

L'IRSN, comme je l'ai mentionné en propos introductif, a depuis une quinzaine d'années des relations proches avec les commissions locales d'information. Nous sommes très souvent sollicités pour intervenir et nous sommes membres d'un certain nombre d'entre elles. Nous avons en outre une convention avec leur association nationale. Nous sommes sollicités une quinzaine de fois pour des interventions par ces commissions locales.

En temps de crise, il y a une organisation de crise en France, organisée par les pouvoirs publics. L'IRSN y joue un rôle important que j'ai évoqué tout à l'heure : un rôle d'évaluation de la situation (ce qu'on appelle le diagnostic) et un rôle pour anticiper comment la situation va se développer (ce qu'on appelle le pronostic).

En cas d'incident sérieux ou d'accident, c'est dans le cadre de cette procédure, de ce processus que les populations seraient informées. Il y a des sirènes sur les installations. Il y a des systèmes d'appels téléphoniques automatiques. Tout cela est géré pour les centrales nucléaires par EDF. La loi TECV a élargi le périmètre d'implication autour des centrales de 10 à 20 kilomètres. C'est un retour de l'accident de Fukushima. Avant l'accident de Fukushima, les périmètres autour des centrales étaient 2,5 et 10 kilomètres.

2 kilomètres, c'était un périmètre d'évacuation ; 5 kilomètres, de mise à l'abri ; et 10 kilomètres, de distribution de comprimés d'iode. L'expérience de Fukushima a montré que le périmètre de 10 kilomètres était insuffisant, il a été étendu par la loi. Le périmètre des CLI correspond au périmètre de distribution des comprimés des comprimés d'iode.

Concernant Open radiation, le petit appareil que je vous ai montré est constitué d'un petit tube marron qui est le détecteur et d'éléments électroniques d'acquisition. Vous le connectez à votre téléphone portable. Il y a une application qui s'appelle Open radiation. Vous enclenchez la mesure. La mesure se fait sur votre téléphone. Ensuite, vous pouvez, si vous le souhaitez, la transférer à un site central qui est accessible. Sur une grande carte de France, vous pouvez pointer, retrouver vos mesures.

Des collaborateurs de l'Institut sont par exemple allés à Fukushima. Sur la carte Open radiation, à proximité de Fukushima, vous avez des mesures. D'autres ont fait des mesures en avion.

L'initiative vient effectivement du constat qu'après l'accident de Fukushima, les citoyens n'ont évidemment pas attendu que telle ou telle institution leur dise ce qu'il y avait dans l'environnement. Ils s'en sont chargés eux-mêmes. Cela nous a donné l'idée de développer cet outil qui est accessible. Aujourd'hui, vous pouvez le monter vous-même.

Nous essayons de développer avec nos partenaires des détecteurs tout prêts. Nos partenaires, c'est l'IFFO-RME, l'Institut français des formateurs aux risques majeurs et à l'environnement qui dépend de l'Éducation nationale ; c'est le FabLab de l'Université Pierre et Marie Curie ; c'est une association qui s'appelle Planète Sciences, qui a pour objectif de favoriser l'intérêt pour les sciences des jeunes de 8 à 25 ans.

Ce kit a été présenté et officialisé lors de la fête de la science en 2017. L'idée est d'en faire un outil qui soit utilisé en temps de crise. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il le sera.

Il faut évidemment susciter un intérêt hors accident. Un de nos objectifs (parce ce que c'est une de nos cibles) est notamment d'associer des projets éducatifs et scolaires afin de faire travailler des élèves autour de cette thématique. Le site internet permet à une classe par exemple de se faire son sous-site qui lui est réservé pour faire des travaux scientifiques et techniques.

Il y a un deuxième sujet qui est très important : comment intégrer cette mesure citoyenne en cas de crise.

En cas de crise, on aura de très nombreux outils, on en disposera. Comment intégrer cela à la gestion de crise, comment faire de ce kit un outil qui pourrait aider, faciliter la gestion de crise.

Aujourd'hui, en situation de crise, qui va faire des mesures ? L'opérateur, les pompiers, et l'IRSN. C'est finalement peu de mesures. Là, on aura énormément de mesures. Il y a une vraie question : comment intégrer cela dans une gestion de crise, sachant que la mesure n'est pas faite par des professionnels, peut avoir des biais.

Ce sont des questions qu'on se pose sur Open radiation. On essaie de faire un équivalent, à notre échelle, d'une démarche que vous connaissez probablement, qui s'appelle Tela Botanica, de science partagée autour de la botanique. C'est un peu l'idée, plus modeste, mais c'est l'idée qu'il y a derrière Open radiation.

La troisième question portait sur les intrusions.

C'est un point très important.

La sûreté nucléaire, c'est quoi ? C'est la prévention des accidents et la limitation de leurs conséquences.

L'origine d'un accident peut être de deux types. Cela peut être une défaillance du matériel, une fissure, un système électrique qui ne marche pas. Mais cela peut aussi être un acte malveillant.

Pour la sûreté nucléaire hors malveillance (c'est-à-dire défaillance d'un circuit, corrosion, défaillance électrique) dans le système de responsabilités, c'est l'opérateur qui doit mettre en place les mesures pour assurer la sûreté. Il doit le démontrer dans ce qui s'appelle un rapport de sûreté, que l'IRSN analyse pour les pouvoirs publics, les pouvoirs publics prenant ensuite une décision.

Dans le cadre des actes malveillants, cette responsabilité de l'exploitant est partagée avec l'État, de deux manières.

Premièrement, dans la définition de la menace : autant un taux de corrosion, la fiabilité d'une pompe, un taux de défaillance d'un matériel électrique peuvent se trouver dans les bases de données, autant la question du niveau de risque terroriste contre lequel il faut se prémunir est une responsabilité de l'État qui va donner cette information à l'opérateur. L'opérateur va devoir intégrer cela dans la définition des niveaux de protection à mettre en oeuvre.

La deuxième manière dont l'État intervient : s'il y a une manifestation malveillante, ce n'est pas l'opérateur seul qui va gérer cette situation. Des forces d'intervention vont être là, qui sont des forces étatiques. C'est la différence essentielle avec la sûreté.

Ce sont des sujets qui sont difficiles à aborder, puisqu'il y a toute une partie qui est classifiée. C'est là une difficulté pour la sûreté. Hors malveillance, l'IRSN est extrêmement transparent. La loi le lui demande et on le fait bien volontiers. Là, évidemment, pour des raisons de fond, tout n'est pas dicible.

Ce que je peux vous dire néanmoins, c'est qu'il y a deux grandes caractéristiques en termes de sécurité.

Il y a ce qu'on appelle la vulnérabilité des matériels, c'est-à-dire la capacité à ce qu'ils soient atteints par un malveillant. Une des démarches de l'opérateur consiste donc à rendre très difficile l'accès à ces dispositifs.

Le deuxième point concerne la sensibilité. Tous les matériels n'ont pas la même importance pour la sûreté.

C'est ce couple vulnérabilité-sensibilité sur lequel les opérateurs doivent travailler.

L'IRSN fait l'expertise des dossiers de sécurité, comme il fait l'expertise des dossiers de sûreté pour l'autorité de sécurité qui dépend du ministère de l'Écologie en France (c'est le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l'Écologie).

La question sur le radon : effectivement, vous l'avez bien indiqué, c'est un gaz radioactif issu de la décroissance de l'uranium. Il a une durée de vie très courte de trois jours environ. C'est un gaz, c'est-à-dire qu'il vient du sous-sol. Il va se propager dans les fissures, et éventuellement rentrer dans les maisons, et s'y concentrer.

Le côté favorable est que cette durée de vie est courte. Si vous le piégez suffisamment longtemps, il va disparaître.

Je rappelle que la durée de vie d'un radioélément est le temps qu'il faut pour que la moitié de ses radioéléments disparaissent. On considère en général qu'au bout de dix périodes, l'objet a disparu.

Si je combine ces deux aspects, dans des zones à potentiel radon (vous l'avez mentionné, ce n'est pas toutes les régions de France), une des manières de traiter ce sujet est d'une part d'étanchéifier, d'éviter l'entrée ; puis, quand il est rentré, c'est de favoriser les sorties, c'est avoir des ventilations, de la circulation d'air.

L'IRSN intervient de plusieurs manières sur ce sujet. D'une part, nous sommes chargés de la cartographie des zones de radon. Effectivement, il y a trois zones qui ont été identifiées.

Les zones 1 sont celles où il n'y a potentiellement pas de radon. Les zones 3 sont celles où cette présence de radon peut être importante.

Vous avez eu raison de rappeler que le radon est la deuxième cause de mortalité par cancer du poumon. On évalue à près de 30 000 décès par an par cancer du poumon. On évalue la contribution du radon à 3 000. Les évaluations épidémiologiques conduisent à cela.

C'est un sujet de santé publique. Il faut développer les bonnes pratiques.

Sur les nouvelles constructions, les règles de construction permettent de lutter contre ce phénomène. La question se pose dans le parc existant.

Dans le cadre de notre démarche d'ouverture à la société, nous avons mené une démarche avec une communauté de communes dans la Haute-Vienne. En accord avec les élus locaux, avec les administrations, et avec une information par les médias, nous avons proposé aux gens qui étaient intéressés de venir s'équiper d'un dosimètre radon, de faire les mesures chez eux et de partager ces mesures avec l'IRSN. 800 kits ont été proposés. La plupart nous sont revenus.

Le constat est qu'il y a en Haute-Vienne une concentration importante de radon dans une bonne partie des maisons ; et très importante dans un certain nombre d'entre elles. L'idée de la démarche, sur la base de ces résultats, était de proposer aux personnes de faire des travaux. On avait organisé des rencontres avec la Fédération française du bâtiment, avec des entrepreneurs locaux, pour que les gens puissent faire des travaux dans leur maison et réduire la concentration en radon. Un certain nombre d'entre eux l'ont fait de manière efficace. Il est resté un certain nombre de cas pour lesquels on a fait un accompagnement plus personnalisé.

Cette démarche n'avait pas pour vocation d'être étendue partout, parce que, vu les moyens de l'IRSN, il ne peut pas traiter tous les problèmes de radon en France. Mais l'idée est de dire que par des démarches d'accompagnement et de sensibilisation, le sujet peut être pris en main par les personnes. C'est l'enseignement essentiel de cette démarche.

Les recherches sur le radon portent essentiellement sur le transfert du radon dans les zones fracturées, l'identification des zones à potentiel radon.

Nous travaillons aussi sur les effets des rayonnements ionisants sur les organismes. Cela concerne l'ensemble des rayonnements ionisants, dont le radon. Nous avons été associés à une étude épidémiologique de grande ampleur, qui a d'ailleurs eu une reprise médiatique importante (il y a eu un long article du journal Le Monde sur ce sujet). C'était une étude du CIRC, le centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l'OMS, à laquelle beaucoup d'agences françaises ont contribué (l'ANSES, l'Inserm et toutes les agences sanitaires).

L'idée était d'évaluer le nombre de cancers liés à l'environnement, c'est-à-dire soit au comportement (tabac et alcool), soit à l'environnement (pollution). L'IRSN a contribué à cette étude.

Il reste beaucoup d'incertitudes et il faut prendre les résultats de cette étude avec beaucoup de précautions. Néanmoins, elle donne des enseignements intéressants. Elle montre que sur les 300 000 cancers nouveaux tous les ans, il y en a à peu près 140 000 qui pourraient être attribués à ces conditions d'environnement. Et dans ces 140 000, 6 000 pourraient être attribués aux rayonnements ionisants, pour deux tiers au radon et un tiers au rayonnement médical.

J'insiste vraiment sur les précautions méthodologiques. Nous ne sommes pas capables de dire, en cas de cancer du poumon, si c'est le tabac ou le radon qui est en cause. Quand il s'agit d'un fumeur, il y a des suspicions. Mais il n'y a pas de signatures (en tout cas aujourd'hui on ne les connaît pas) qui permettent de dire que telle pathologie (notamment tel cancer) est liée aux rayonnements ionisants. Il y a des recherches là-dessus, mais aujourd'hui ce n'est pas abouti.

La question suivante portait sur la question de la confiance dans la science et des interrogations que cela peut soulever.

Tous les ans, depuis 30 ans, l'IRSN effectue un baromètre de la perception des risques par les Français. Cela couvre tous les risques, pas seulement les risques radiologiques. Nous le faisons parce que cela éclaire les travaux que l'IRSN fait sur les risques liés au nucléaire et au domaine radiologique. Le baromètre 2018 est en cours d'élaboration. L'enquête a lieu en novembre. Nous sommes en train d'exploiter les résultats de l'année dernière. Je ne vais pas les évoquer aujourd'hui. C'est un document qui devrait paraître à la rentrée.

Je peux vous parler des résultats de 2017.

Une des premières questions posée aux Français porte sur l'évaluation du niveau de risque par rapport à un certain nombre de sujets. Le cancer est le premier, avec 79 % des Français qui considère que c'est un risque élevé.

L'enquête comporte plusieurs parties.

Une première partie concerne les différents risques. Il y en a 35. Dans le baromètre 2017, il est indiqué comme préoccupations majeures des Français : le terrorisme, le chômage, et la peur de la pauvreté et l'exclusion.

La deuxième partie concerne la confiance dans la science. On constate que cette confiance dans la science reste forte. Néanmoins, au fil des ans, elle s'érode petit à petit. Elle est moins inconditionnelle que dans le passé.

En lien avec ce sujet sur la confiance dans la science, il y a la question de la reconnaissance de l'expertise très directement liée, comme le montre le baromètre, aux conditions dans lesquelles celle-ci est rendue. Les Français interrogés accordent beaucoup d'importance, et de plus en plus d'attention, à l'indépendance des experts et à la transparence de leurs travaux. La compétence est la première qualité qui est attendue des experts.

Concernant le report à 2035 de l'arrêt d'un certain nombre de réacteurs, l'IRSN mène l'analyse technique des conditions dans lesquelles EDF souhaite prolonger l'exploitation de ses réacteurs au-delà de quarante ans. C'est un des travaux importants de l'IRSN en ce moment. Clairement, c'est un sujet majeur. Cette prolongation d'exploitation ne peut évidemment se faire que si un niveau de sûreté important est garanti par EDF, et notamment un niveau de sûreté qui se rapproche des niveaux de sûreté des réacteurs les plus récents (dits de génération 3). Je pourrai revenir là-dessus tout à l'heure si vous le souhaitez.

Une autre partie de la question portait sur les déchets radioactifs.

C'est la question de la mémoire des stockages.

La France, en 2006, a fait le choix, comme mode de gestion de référence des déchets sur le long terme (la loi le dit à peu près comme cela) du stockage géologique. Le principe du stockage géologique est que la sûreté dans la durée est assurée par la couche géologique, notamment en limitant les risques d'extrusion et, d'une certaine manière, en ne nécessitant pas qu'il y ait une mémoire de ce site. C'est un des principes de la démarche d'enfouissement des déchets radioactifs telle qu'elle est considérée dans cette approche du stockage géologique.

J'expliquerai dans quelques instants notre position technique aujourd'hui sur le projet qui est en cours d'analyse par l'IRSN.

Aujourd'hui, la loi a prévu une période de réversibilité d'au moins 100 ans sur ce stockage. Cette période de réversibilité a deux objectifs. Elle a pour objectif de s'assurer que les choses se passent comme prévu. Cela donne du recul dans le temps pour s'assurer que les choses se passent comme attendu. Et, deuxièmement, cela peut permettre, le cas échéant, si les générations futures voulaient changer de position, de revenir sur le sujet. Néanmoins, dans la logique du stockage géologique, telle qu'elle est prévue aujourd'hui, le stockage, à terme, est destiné à être fermé.

S'agissant de la sous-traitance : c'est une activité très importante sur un réacteur nucléaire. Comme cela a été rappelé, c'est 80 % des interventions sur les matériels lourds. Sur les centrales EDF notamment, il y a une activité importante dans ce domaine, qui est liée à la fois aux modifications suite à l'accident de Fukushima et à l'extension de leur durée de vie.

L'IRSN avait fait une étude pour le compte de l'Autorité de sûreté, il y a quatre ans, je crois. Nous étions allés sur les sites et avions interviewé, sur trois sites, presque 200 personnes. Nous avions également assisté à des interventions de maintenance.

On avait constaté qu'EDF avait mis en place des dispositions techniques et organisationnelles qui contribuent effectivement à la maîtrise des activités sous-traitées. Néanmoins, on avait considéré qu'il y avait des fragilités dans ce processus. Ces fragilités concernaient notamment le fait qu'il fallait qu'EDF renforce la vérification de la capacité des entreprises qui interviennent à bien respecter ses exigences de sûreté. Deuxièmement, on avait considéré qu'il fallait renforcer les moyens mis à disposition des prestataires pour faire face aux aléas lors des interventions. Tout cela se fait dans des rythmes très tendus. Enfin, on avait considéré qu'il fallait renforcer et partager le retour d'expérience entre les sous-traitants et EDF, plus que cela n'est fait aujourd'hui.

Globalement, cela revient à dire qu'il faut dépasser une simple relation client-fournisseur, pour arriver à une construction conjointe de la gestion du risque.

Concernant toujours la sous-traitance : le code du travail s'applique aux sous-traitants, qui font l'objet d'un suivi médical et d'une dosimétrie. L'IRSN est destinataire de cette dosimétrie. Depuis 2014, on est capable de suivre précisément les sous-traitants dans notre base de données (avant les données n'étaient pas suffisamment bien renseignées).

On constate qu'il y a effectivement 30 000 sous-traitants. C'est tout à fait exact. Sur les 80 000 opérateurs qui travaillent dans le nucléaire, il y en a à peu près un tiers qui sont sous-traitants. Et ce tiers de sous-traitants reçoit effectivement deux tiers de la dose délivrée. La raison est liée à la nature des activités qu'ils font, puisque ces sous-traitants sont amenés à intervenir notamment sur les gros matériels. Souvent, ce sont eux qui sont le plus à proximité de la radioactivité, notamment ceux qu'on appelle les robinetiers plombiers. Ce sont des gens qui interviennent sur les tuyauteries dans les centrales. Ils sont au contact de la radioactivité et cela se voit très bien dans les bases de données. Là où la moyenne du nucléaire est à 0,72 millisievert, les robinetiers qui travaillent sur les tuyauteries sont à plus de 3 millisieverts.

Sur le nombre de morts qui résulteraient de l'exposition à la radioactivité, dans le cadre de la sous-traitance, je ne pense pas qu'il y ait de base de suivi, de registre. Je ne peux pas répondre à ce sujet.

Sur le matériel utilisé dans le domaine médical, c'est surtout l'ANSM (l'Agence nationale de sécurité des médicaments), qui est responsable du fonctionnement des machines. L'IRSN peut intervenir notamment dans des études liées aux facteurs humains : dans quelles conditions une machine a été utilisée et peut éventuellement conduire à des doses inappropriées.

Sur l'évolution des moyens, il y avait deux parties à la question : il y avait le budget global et les rémunérations. Sur le budget global, l'IRSN a un budget raisonnablement préservé. Néanmoins, au même moment, c'est vrai que l'IRSN a, sur l'ensemble de ces champs, des enjeux extrêmement importants, notamment en expertise sûreté nucléaire, en radioprotection.

Sur les rémunérations : on constate que – c'est plutôt une bonne nouvelle – il semble qu'il y ait une reprise du marché du travail sur les profils que nous pourrons rechercher. Nous constatons une difficulté à recruter les personnes qu'on souhaiterait, pour des raisons salariales. L'année dernière, sur 100 personnes qui allaient au bout du processus de recrutement – on était prêt à signer – il y en a un quart qui, à la fin, nous ont dit : « Non, on ne vient pas pour des raisons salariales ». Ce sont des gens qui avaient passé tout le process. C'est vrai que c'est une préoccupation.

Une question sur le réacteur RJH. Je peux difficilement répondre à la question suivante : le CEA a-t-il les moyens ? La construction de ce réacteur a pris du retard. Si on fait le parallèle avec l'EPR, cela s'explique probablement premièrement par une perte de compétences dans la construction des installations – c'est un métier en tant que tel que de construire des installations de cette ampleur – deuxièmement, peut-être par une insuffisance de coordination entre les concepteurs et les gens qui vont construire un réacteur. De plus, on peut probablement avoir des interrogations sur la qualité de la surveillance des chantiers, pour s'assurer qu'ils se passent comme prévu. Du point de vue de la sûreté, puisque nous faisons l'analyse de ce réacteur, on considère qu'il y avait un certain nombre de questions restant à traiter concernant le risque d'incendie par exemple, mais la question fondamentale est celle de l'accident grave dans le réacteur que l'on appelle BORAX. Cela représentait pour nous la question importante qui restait à traiter et sur laquelle le CEA travaille.

S'agissant de la gestion des matières et déchets radioactifs. Nous avons effectivement rendu deux études récemment sur l'entreposage et l'alternative sur le stockage géologique profond. S'agissant de l'alternative entre le stockage à sec et stockage sous eau, quand le combustible sort du réacteur nucléaire, il doit passer par une phase d'entreposage en piscine pour son refroidissement et, ensuite, selon les pays, soit il est transféré dans des piscines plus importantes comme à La Hague, soit il est entreposé à sec. Notre analyse montrait que les deux options avaient des avantages et des inconvénients et que les modes de gestion des combustibles étaient fonction des pays.

Dans notre deuxième rapport, qui a été rendu public il y a quelques semaines, nous avons constaté que ; d'ores et déjà, une partie des combustibles MOX les plus chauds, sur lesquels il y avait des interrogations sur la capacité à être stockés à sec, pouvait d'ores et déjà être entreposée à sec.

Faut-il faire évoluer nos pratiques ? Ce n'est pas une question qui s'adresse à l'IRSN mais une question qui est politique et industrielle. Nous estimons que, pour une bonne partie des assemblages combustibles, c'est faisable. Notre position est « technique de sûreté ».

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