Monsieur Juanico, j'adhère à la parole de Racine mais je vous remercie d'avoir aussi fait référence à La Fontaine : vous me donnez ainsi l'occasion de rappeler que nous avons distribué 150 000 fables de La Fontaine aux élèves des académies de Lille, Nantes et Marseille. Pour nous, l'accès à la littérature patrimoniale et de jeunesse est essentiel.
Je suis très conscient de la réalité à laquelle vous faites allusion : une certaine forme de fatigue du système vis-à-vis de la réforme. Je me trouve ainsi devant une double nécessité : faire évoluer les choses, et en même temps, prendre en compte le fait que le système ne veut plus d'une énième réforme. Voilà pourquoi je propose d'adopter une méthode de libération et de confiance, une méthode de libération des énergies pour créer un état d'esprit collectif à même de nous apporter des solutions dans chaque école, chaque collège et chaque lycée.
Vous avez fait allusion à mon pragmatisme et à mon goût pour l'expérimentation. Vous avez aussi dit que j'aurais déclaré qu'avec la semaine de quatre jours, le monde des adultes s'entendait sur le dos du monde des enfants. Ayant déjà entendu cette phrase deux ou trois fois depuis vingt-quatre heures, je pense qu'elle a commencé à faire fortune sur certains réseaux sociaux. Je vais donc vous apporter quelques éclaircissements.
J'ai toujours pensé, je l'ai dit tout à l'heure, qu'il fallait être pragmatique, qu'entre quatre jours et quatre jours et demi, on n'avait pas à choisir une option spécifique, et qu'il valait mieux regarder ce qui se passait sur le terrain. En 2010, j'ai exprimé l'idée qu'il n'était pas normal que 97 % de la France soit à quatre jours, et 3 % seulement à quatre jours et demi. On a d'ailleurs oublié qu'à cette époque, il était déjà possible d'être à quatre jours et demi – même si c'était très rare.
J'appelle à un esprit de modération et de pragmatisme. Quand on était majoritairement à quatre jours, je trouvais dommage que l'on ne soit pas plus souvent à quatre jours et demi. Et quand on a voulu mettre tout le monde à quatre jours et demi, j'ai trouvé dommage que l'on ne laisse pas à quatre jours ceux qui le souhaitaient.
Par ailleurs, j'observe et j'évolue, en vertu même de la méthode expérimentale. Aujourd'hui, ma pensée est un peu plus aboutie qu'il y a quelques années, et j'espère que ce sera encore le cas dans quelques années. Autrement dit, j'ai regardé ce qui s'est passé depuis cinq ans. J'ai vu de très près la bonne volonté qui présidait à la réforme des rythmes scolaires, mais j'ai vu aussi les limites de ce qui s'est passé, et je le prends en compte. Cette approche me semble donc éminemment cohérente.
Mme Céline Calvez m'a interrogé sur l'esprit d'entreprise à l'école. C'est très important. Le mot d'entreprise peut faire peur, pourtant, tout le monde comprend ce que signifie l'esprit d'entreprise. On le retrouve d'ailleurs dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, parfois sous d'autres termes. Mais l'idée reste la même : libérer les énergies, faire en sorte que les enfants soient créatifs, qu'ils aient l'esprit d'équipe, qu'ils respectent autrui, qu'ils aient le sens du projet. Cela, tout le monde le prône, toutes tendances politiques ou pédagogiques confondues. On ne peut qu'être favorable à l'esprit d'entreprise, au sens du travail collectif, à l'esprit d'innovation, et il convient donc de les encourager.
La question du lien de l'entreprise avec le système scolaire se pose évidemment de manière très différente à l'école primaire, au collège et au lycée. Et pour moi, la priorité est de donner beaucoup d'importance à ce lien dans l'enseignement professionnel, je le disais tout à l'heure.
Au cours de ces dernières années, on a fait des choses très intéressantes. Je pense à la découverte professionnelle en classe de troisième, qui est devenue une sorte d'institution française acceptée par tous. Au-delà, tout ce qui permet à nos adolescents de commencer à comprendre ce qu'est la vie économique et sociale est positif et je l'encouragerai.
Enfin, madame Anthoine, je ne peux qu'aller dans le sens de ce que vous avez dit sur le système APB.
Vous avez raison, monsieur Larive : on peut faire de grands progrès sur la question de la dyspraxie, ne serait-ce qu'en termes de détection. Aujourd'hui, la visite médicale des enfants de six ans n'est pas pleinement assurée dans l'ensemble du territoire pour des raisons qui ont trait aux faiblesses de notre médecine scolaire, autrement dit, nous n'avons pas suffisamment de médecins. Et ce n'est pas parce que nous n'y mettons pas les moyens, mais parce qu'il n'y a pas suffisamment de vocations pour cette spécialité. J'ai déjà abordé le sujet avec ma collègue ministre de la santé, pour essayer de trouver des solutions. La systématicité de cette visite médicale, bien réalisée, à l'âge de six ans, est un premier élément de réponse ; c'est en effet un moment important de repérage des dyspraxies. Cela étant, les dyspraxies peuvent être repérées avant six ans, à l'école maternelle. Plus tôt le diagnostic sera porté, mieux ce sera pour l'élève et pour sa famille. J'y serai très attentif, car jusqu'à 5 % des enfants peuvent être considérés comme dyspraxiques. Il ne s'agit pas de se tromper de diagnostic, si l'on veut pouvoir apporter ensuite des réponses adéquates, qui peuvent être de nature médicale – pour environ 3,5 % des élèves – ou pédagogique.
Nous devons donc progresser en la matière. C'est aussi le sens de la personnalisation des parcours, vers laquelle nous irons, y compris à l'école primaire. C'est ainsi que l'on pourra pleinement appliquer la loi de 2005. Ce n'est pas encore le cas, et j'en suis conscient.
Il convient de faire preuve d'honnêteté : les progrès qui ont été accomplis depuis douze ans sont réels, même s'ils sont insuffisants et il faut donc continuer. Je ne peux promettre que la loi sera parfaitement appliquée à court terme, mais je peux promettre que nous allons progresser. Et cela doit commencer dès la rentrée prochaine.