… une participation des femmes au marché du travail relativement forte et une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle qui doit encore progresser, mais qui est facilitée par une offre d'accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible. Mais je fais aussi le constat que la politique familiale est aujourd'hui en panne, ou plutôt en perte de repères quant à ses finalités et ses priorités. Je remarque également que le nombre de naissances est en baisse depuis plusieurs années.
La politique familiale est un élément essentiel pour faire société et construire le monde de demain. Elle mérite, je crois, que nous ayons un débat ouvert et large sur la façon dont elle répond aujourd'hui, concrètement, aux attentes des familles. Comment augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants et mieux prendre en compte les besoins des parents qui travaillent ? Comment aider les familles en difficulté éducative et être plus efficace dans le soutien à la parentalité ? Comment contribuer à réduire les situations de pauvreté ? La France compte aujourd'hui 3 millions d'enfants vivant dans un foyer dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté.
Cette réalité, nous devons nous en saisir pour la faire évoluer au cours de ce quinquennat, et c'est pour moi une priorité. Ce premier PLFSS opère ainsi un choix très clair, celui d'augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront ainsi de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018 : 450 000 familles seront concernées. Pour les familles monoparentales, qui sont souvent parmi les plus en difficulté, le montant de l'allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également : 750 000 familles en bénéficieront. Enfin, le montant maximum de l'aide à la garde d'enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, une garde à domicile ou une microcrèche, augmentera de 30 %.
Ce PLFSS fait des choix. Je sais les débats qu'a pu susciter parmi vous celui d'aligner les barèmes et les montants de la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE – sur ceux du complément familial. Je vous demande, mesdames et messieurs les députés, d'inscrire ce choix dans une perspective de plus long terme, celle d'engager un travail de fond, sans tabou, sur les objectifs assignés à notre politique familiale.
Ce PLFSS, je l'ai indiqué, est un texte de transformation. Il engage des évolutions structurelles pour la durée de la législature. Cette ambition de réforme concerne d'abord l'organisation de la protection sociale. Le 1er janvier 2018, vous le savez, le régime social des indépendants – RSI – sera adossé au régime général. Cette réforme part du constat, largement partagé, que le lien de confiance entre les indépendants et leur régime de sécurité sociale a été durablement altéré par les difficultés de la mise en place de l'interlocuteur social unique depuis 2008. Elle s'inscrit aussi dans la perspective d'une sécurité sociale universelle, qui vise à simplifier les démarches des citoyens quel que soit leur parcours professionnel, salariés ou travailleurs indépendants. Elle marque donc une nouvelle étape de la construction de notre système de protection sociale et une forme de retour aux sources de l'ambition des fondateurs de la sécurité sociale, en 1945.
Parce que c'est une réforme ambitieuse, nous laissons le temps nécessaire à cette transformation : une période de transition de deux ans sera ouverte, qui permettra de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés du RSI et leurs représentants. Je veux redire devant vous l'attention que Gérald Darmanin et moi-même portons à l'accompagnement social et professionnel des salariés du RSl comme de ceux des organismes conventionnés qui servent les prestations d'assurance maladie.
L'ambition de transformation concerne également notre système de retraite. Le Président de la République s'est engagé à faire évoluer notre système de retraite pour le rendre plus juste et plus transparent.
La rénovation de ce système de retraite devra répondre à plusieurs enjeux majeurs. Elle redonnera de la lisibilité à un système qui s'est construit par strates successives et qui est aujourd'hui devenu complexe et opaque pour les Français. Elle devra également assurer la pérennité de notre système de retraite et rétablir la confiance que lui portent nos concitoyens, en particulier les Français les plus jeunes.
Elle permettra de redonner confiance à nos concitoyens dans son équité : aujourd'hui, compte tenu de la diversité des régimes et des règles, 1 euro cotisé n'ouvre pas les mêmes droits selon le statut, la forme d'emploi ou encore le profil de carrière de l'assuré. Cette réforme permettra donc de garantir une équité de traitement entre l'ensemble des assurés. Enfin, elle devra permettra à chacun de mener des carrières nécessairement plus diversifiées qu'elles ne l'ont été dans le passé entre statuts et régimes, sans craindre l'impact de ces choix sur les droits à la retraite.
Ce projet s'est ouvert avec la nomination, dans le courant du mois de septembre, de M. Jean-Paul Delevoye comme haut-commissaire à la réforme des retraites, placé auprès de moi. Nous le mènerons dans le cadre d'une démarche exemplaire de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
L'ambition de transformation concerne enfin le champ de la santé. Je construis, vous le savez, une stratégie nationale de santé pour les cinq prochaines années. Je ferai connaître, en décembre, les orientations précises que je retiendrai au terme de plusieurs mois de consultations et d'une grande concertation publique. Ces orientations serviront de cadre à l'élaboration d'un plan national de santé et de plans régionaux de santé au printemps.
Cette stratégie privilégie quatre axes : la prévention, l'égal accès aux soins, l'innovation, et la pertinence et la qualité des soins.
Je souhaite évoquer d'abord la prévention, parce qu'elle est au centre de mon action. Notre système de santé est un système de soins performant. C'est en revanche un système de prévention défaillant, à tout le moins perfectible. Les résultats médiocres que nous affichons pour certains indicateurs, je pense notamment à la mortalité précoce, avant 65 ans, illustrent cette défaillance. C'est aussi la principale source des inégalités sociales que notre système de santé ne parvient pas à corriger. Nous devons avoir comme première priorité de changer cet état de fait, de systématiser les démarches de prévention dès le plus jeune âge et de faire en sorte qu'elles soient davantage prises en compte par les professionnels de santé dans leur pratique. Nous devons faire en sorte que la prévention et la promotion de la santé deviennent une part intégrante des objectifs de nos politiques publiques et des acteurs de notre société civile.
Je me réjouis profondément de l'intérêt, je dirais même de l'attente que suscite cette approche au sein de la représentation nationale. J'ai pu échanger sur ce sujet avec beaucoup d'entre vous, je crois que nous partageons collectivement et de façon transpartisane la volonté d'un changement de méthode et d'une ambition renouvelée pour la politique de santé. Cette mandature peut être, si nous le décidons, celle d'un réel changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques.
Ce PLFSS comporte, vous le savez, deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche de prévention. Nous souhaitons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins qui étaient jusqu'à présent, pour huit d'entre eux, simplement recommandés. Nous ne pouvons pas accepter une situation où des personnes, des enfants, sont victimes de maladies parfois mortelles qui peuvent être évitées par la prévention. 70 à 80 % des enfants reçoivent déjà ces vaccins : ce n'est donc pas un bouleversement majeur des habitudes et des attitudes vaccinales, mais ce taux est insuffisant, nous le savons, pour obtenir une couverture vaccinale efficace car il laisse la possibilité que se développent des situations épidémiques qui ont des conséquences graves. Il revient donc à la puissance publique de prendre ses responsabilités. Vacciner son enfant, c'est le protéger, mais c'est aussi protéger les autres, et je veux insister sur la dimension profondément solidaire et altruiste de ce geste de la vaccination.
Ce PLFSS prévoit également une hausse très importante des prix du tabac sur trois ans, avec une première étape significative dès 2018 : une hausse de 1 euro par paquet. Nous avons un problème particulier avec le tabagisme : nos jeunes fument plus que dans les pays voisins et le tabagisme des femmes est particulièrement élevé en France. Le résultat, c'est près de 80 000 morts par an. C'est surtout des vies abrégées, des souffrances, notamment familiales, que nous pourrions éviter. Il n'y a pas plus de fatalité dans ces morts qu'il n'y en avait dans la mortalité sur nos routes. Le prix du tabac, c'est un fait constaté et documenté, est un paramètre important du comportement des fumeurs. Il faut donc agir sur ce levier, qui n'est bien sûr pas le seul, et je ferai connaître, dans le cadre du plan national de santé, les mesures de prévention et d'incitation que je souhaite mettre en place.
J'ai déjà eu l'occasion de rappeler le dialogue très constructif que j'ai eu avec M. Gérald Darmanin pour progresser vers cet objectif de santé publique absolument majeur. Je veux affirmer devant vous mon égale détermination à soutenir la lutte contre les marchés parallèles, légaux ou illégaux, dans le cadre national comme dans le cadre européen, et à veiller, à l'échelon européen toujours, à la mise en place d'un système de traçabilité efficace et indépendant. Nous travaillons également auprès de la Commission européenne et de mes homologues pour aller vers une harmonisation des prix.
Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé concerne l'égalité d'accès aux soins. Les Français y sont légitimement très attachés, c'est le fondement de notre modèle social et je veux m'attacher à améliorer concrètement l'accès aux soins.
Les difficultés d'accès aux soins sont d'abord liées au montant des restes à charge. C'est en particulier vrai, de longue date, dans trois domaines du soin, l'optique, le dentaire et les audioprothèses, où l'assurance maladie couvre moins bien la dépense, où les assureurs complémentaires ont parfois pris le relais, mais où, globalement, le reste à charge pour le patient reste très élevé. Cette situation est le fruit de l'histoire et d'arbitrages successifs qui ont conduit à créer des angles morts de la protection sociale pour des soins ou des prestations qui rendent pourtant un service important aux usagers. Il n'y a pas de fatalité à ce qu'il en soit toujours ainsi. C'est pourquoi je lancerai dès la semaine prochaine le travail et la concertation pour aboutir à un reste à charge zéro dans les domaines de l'optique et des audioprothèses, en sus des négociations entamées mi-septembre dans le secteur dentaire. Ces travaux devront aboutir, en tout état de cause, avant la fin du premier semestre 2018.
Permettez-moi d'évoquer dans ce contexte le tiers payant. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, qui m'a été remis en fin de semaine dernière, conclut que la généralisation du tiers payant à la date du 30 novembre prochain, telle que la prévoyait la loi du 26 janvier 2016 est « irréaliste ». J'en ai tiré les conclusions et vous proposerai donc de lever cette obligation.