Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Présentation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Le tiers payant restera bien entendu obligatoire là où il s'applique déjà et où il fonctionne, c'est-à-dire pour les personnes souffrant d'une affection de longue durée – ALD – , les femmes enceintes et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire ou de l'aide au paiement d'une complémentaire santé. Mais je veux vous dire également mon attachement à ce que le tiers payant se généralise pour les consultations médicales, comme cela a été le cas pour les médicaments, et ma détermination à faire aboutir les travaux qui permettront de rendre le système simple d'utilisation pour les professionnels.

Je vous proposerai donc que le Gouvernement présente au Parlement, d'ici à l'été prochain, le calendrier selon lequel le tiers payant intégral pourra être proposé à tous les assurés dans des conditions techniques fiabilisées. Je vous proposerai également que ce rapport identifie des publics prioritaires pour lesquels un accès effectif au tiers payant intégral devrait être garanti, au-delà des publics déjà couverts.

Nos concitoyens sont également de plus en plus préoccupés par l'égal accès aux soins dans le territoire. J'ai présenté le 13 septembre dernier, avec le Premier ministre, un plan pour renforcer l'égal accès aux soins. Le constat que nous pouvons faire, c'est que nous n'avons pas su assez anticiper la démographie médicale, l'évolution de l'exercice médical, les attentes des nouvelles générations de médecins et surtout le fait que l'évolution du profil des patients nécessite une prise en charge par des équipes de soins composées du médecin et de nombreux autres professionnels de santé.

Je ne crois pas, nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cours de nos débats, à la coercition et à l'obligation. ll n'y a pas une solution unique aux difficultés que vivent nos concitoyens dans les territoires, mais des solutions, adaptées à chaque territoire et portées par les acteurs de terrain. Il faut donner à ces derniers le maximum de possibilités d'organisation, et libérer du temps médical en levant les freins administratifs, en favorisant notamment le cumul emploi-retraite, les remplacements, les consultations avancées et l'exercice coordonné sous toutes ses formes. C'est le sens du plan d'action que nous avons bâti et qui devra continuer à être enrichi, avec votre contribution, au cours de la mandature. En appui de ce plan, le PLFSS portera la généralisation de l'usage de la télé-consultation et de la télé-expertise, en les sortant de leur cadre expérimental.

S'agissant maintenant de l'innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l'expérimentation de formes d'organisation et de rémunération nouvelles. Elles permettront de dépasser les logiques sectorielles entre la médecine de ville et l'hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en compte la prévention et la pertinence des actes réalisés. Je vous proposerai donc d'adopter, à l'article 35 de ce projet de loi, un cadre général, valable pour l'ensemble du quinquennat, qui permettra de lancer et d'évaluer ces expérimentations. Ces dernières pourront être financées par un fonds d'innovation, qui sera abondé, en tant que de besoin, par l'assurance maladie. Mon objectif à terme est bien de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels de rémunération – rémunération à l'acte ou tarification à l'activité. Je suis en effet convaincue que le levier tarifaire est un levier fondamental de l'évolution de notre système de santé vers plus de prévention, de coordination entre professionnels et de pertinence.

Je veux terminer en évoquant l'évolution de la dépense d'assurance maladie. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – sera fixé à 2,3 %. Ce taux est conforme à l'engagement du Président de la République. Il est supérieur à celui des trois années précédentes et permettra de consacrer 4,4 milliards d'euros supplémentaires à la couverture des soins.

Ce taux prend en compte des engagements déjà souscrits, dont la convention médicale signée en 2016 avec les professionnels libéraux. L'impact de cette convention, important en 2017, le sera plus encore en 2018 : c'est pourquoi le sous-objectif des soins de ville sera supérieur au taux global d'ONDAM et s'élèvera à 2,4 %. J'estime que cette convention va dans le bon sens, celui des orientations que je porte, car elle valorise mieux l'action des généralistes et prend mieux en compte les actes complexes et les consultations réalisées dans des situations d'urgence.

L'évolution des ressources des établissements de santé sera pour sa part de 2,2 %, du fait de l'apport que constituera pour eux le relèvement de 2 euros du forfait journalier. Quatre cents millions d'euros seront dédiés à l'investissement immobilier et numérique, et près de 600 millions seront consacrés à l'augmentation des dépenses de la liste en sus, liée à l'arrivée de nouvelles classes thérapeutiques innovantes. Plus de 200 millions d'euros de mesures nouvelles permettront de mettre en oeuvre des actions indispensables dans le cadre de nos politiques publiques, par exemple celle visant à faciliter l'accès aux soins des populations précaires.

Enfin, le Fonds d'intervention régional – FIR – sera augmenté de 3,1 %. Le FIR doit être, avec le fonds d'innovation que j'évoquais précédemment, le support d'une politique de transformation au plus près du terrain.

Un taux de 2,3 % reste un taux d'ONDAM exigeant. Il doit nous inviter à poursuivre la réorganisation de notre offre de soins et à orienter toujours plus notre offre de santé vers la pertinence. Plusieurs dispositions du PLFSS vous proposent des actions en ce sens.

J'entends les critiques qui ont pu être formulées quant à l'ampleur du programme de baisse de prix des médicaments sous-jacent à cet ONDAM. Je suis, par mon métier et mon parcours professionnel, profondément attachée à l'égal accès de chaque citoyen à l'innovation et aux meilleurs soins. Les choix que nous faisons permettent de continuer à investir de façon massive dans les nouveaux traitements, très attendus des malades. Mais maintenir cette ambition exige un dialogue permanent et de haut niveau avec les industriels, pour que les prix et les indications soient en rapport avec l'apport thérapeutique effectif de ces produits, et avec les professionnels pour que les prescriptions soient toujours adéquates. Ce dialogue exigeant, je suis prête à l'avoir et je l'appelle de mes voeux.

Pour conclure, mesdames, messieurs les députés, nous avons voulu, dans ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, donner du sens et donner des perspectives. Donner du sens, c'est mettre en oeuvre pour nos concitoyens des réformes concrètes ; c'est aussi faire des choix et les expliquer. Donner des perspectives, c'est engager des réformes en profondeur, bouger les lignes pour faire progresser notre collectivité nationale. C'est le sens du mandat que les électeurs ont confié à leurs représentants, et c'est ce chemin d'exigence et de progrès que je vous propose de prendre ensemble.

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